Conférence de Daniel Ferrer (ITEM/CNRS) au CRAL de l’EHESS (vidéo)

« Accident et (récit de) genèse », Daniel Ferrer (ITEM – ENS/CNRS)

Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS/EHESS)

Séminaire « Recherches contemporaines en narratologie », 2019-2020 : Récits à l’épreuve du hasard

Séance du 17 mars 2020

Résumé : 

La critique génétique, discipline qui s’intéresse au processus d’invention (notamment l’invention du récit) tel qu’on peut le reconstituer à partir des traces qui en subsistent dans les manuscrits, rencontre le hasard à tous les stades. L’étude de l’avant-texte confirme que l’accident est inhérent à toute invention, présent au point de départ des programmations les plus rigoureuses comme des dérives les plus imprévues. Sous un de ses aspects, il est la résultante inévitable de la collision des impératifs internes contradictoires. Dans une perspective différente, il est la marque de l’autre et de son accueil plus ou moins forcé au sein du même. Même les œuvres les mieux planifiées sont sujettes aux accidents : accidents biographiques ou politiques majeurs qui bouleversent ou interrompent le cours de la genèse, infimes accidents graphiques qui infléchissent localement l’écriture. Étudier l’impact de l’accident est le meilleur moyen de comprendre la logique sous-jacente du processus qu’il vient perturber, mais aussi de constater qu’une autre logique est souvent mise au jour par l’accident, à partir de laquelle l’œuvre est réinterprétée a posteriori. Hasard ou déterminisme, c’est une affaire de storytelling, de la part du critique, mais aussi de celle de l’écrivain au cours de la genèse. On pourrait dire que le rôle de la critique génétique est de montrer comment on passe de l’accidentel inéluctable de la genèse au « possible nécessaire » du texte.

Bibliographie : Ferrer, Daniel, Logiques du brouillon. Modèles pour une critique génétique, coll. « Poétique », Paris, Seuil, 2011.

Accident and (Narrative of) Genesis Genetic criticism, a discipline that focuses on the process of invention (particularly the invention of narrative) as it can be reconstituted on the basis of remaining traces of this process in manuscripts, is faced with chance at every stage. Studying the pre-text (avant-texte) confirms that accidents are inherent in all inventions and that they are present from the very beginning of the most rigorous programs in the form of the most unforeseen drifts. At one level it is the inevitable result of the collision of contradictory internal imperatives. From another point of view, it is the mark of the other and of its more or less forced reception in the text. Even the best planned works are subject to accidents: major biographical or political accidents that disrupt writing at the local level. Studying the impact of the accident is the best way to understand the underlying logic of the process it disturbs as well as to observe that another logic is often brought to light by accident. On this basis, the work is reinterpreted a posteriori. Chance or determinism is a matter of storytelling by the critic but also by the writer in the course of genesis. It can be said that the role of genetic criticism is to show how the inevitably accidental nature of genesis passes over to the “necessary possible” of the text.