Conditions générales de l’octroi d’une dérogation en matière de constructions

Le Tribunal fédéral s’est récemment prononcé dans une affaire concernant la construction d’une habitation à toit plat (canton de Soleure). Le règlement communal prévoit un régime général pour l’aménagement des toits en zone résidentielle W3. Ceux-ci doivent être généralement inclinés. Des « exceptions » sont néanmoins possibles; les toitures plates sur les bâtiments principaux et les annexes peuvent être approuvées sur demande, pour autant qu’elles s’intègrent dans l’environnement.

La Cour examine les conditions d’octroi d’une dérogation ou d’une exception (c. 6). Leur but est d’éliminer le durcissement et l’inadéquation évidente d’une norme dans des cas individuels, compte tenu de circonstances particulières auxquelles le législateur ne pouvait s’attendre en établissant la norme générale et abstraite. Dans ces circonstances particulières, l’application stricte de la norme conduirait à un résultat manifestement indésirable.

Selon la jurisprudence, les exceptions ne doivent pas être interprétées de manière restrictive dès le départ, mais selon les méthodes d’interprétation habituelles. L’exception doit servir la loi ou au moins les objectifs poursuivis par la loi. La dérogation doit permettre de trouver une solution qui corresponde à l’intention du législateur si celui-ci avait été confronté au cas particulier. Néanmoins, l’octroi d’une dérogation doit impliquer une situation exceptionnelle et ne peut devenir la règle, faute de quoi l’autorité d’application se substituerait au législateur par sa pratique différente.

Dans le cas d’espèce, le régime dérogatoire permis par le droit cantonal n’enlève rien au fait qu’une dérogation présuppose toujours l’existence d’une situation exceptionnelle. Il appartient alors à l’autorité de vérifier soigneusement s’il existe une telle situation – laquelle s’écarte du cas standard.

Le Tribunal fédéral admet le recours en cela que l’autorité s’est limitée a déclaré qu’un bâtiment dont le toit est plat s’intègre généralement plus à son environnement qu’un bâtiment dont le toit est en pente. Elle n’a pas examiné attentivement s’il existe une situation exceptionnelle qui justifierait ou même forcerait l’octroi d’une dérogation dans le cas d’espèce.

Tribunal fédéral IC_147/2019 du 1.11.2019

Autonomie des communes, droit des constructions

La CDAP admet le recours de voisins à l’encontre de la construction de deux bâtiments sur le territoire  de la commune de Lutry; elle annule ainsi l’autorisation de bâtir délivrée par la commune, les exigences en matière de hauteur des bâtiment n’étant pas respectées selon elle. Les constructeurs ainsi que la commune recourent auprès du TF contre cette décision, en invoquant en particulier une violation de l’autonomie communale (art. 50 Cst.) et une application arbitraire des disposition cantonales (notamment l’art. 19 RCAT). La Cour fédérale rappelle qu’en droit cantonal vaudois, les communes jouissent d’une autonomie maintes fois reconnue lorsqu’elles définissent, par des plans, l’affectation de leur territoire, et lorsqu’elles appliquent le droit des constructions. Dans un tel contexte, lorsqu’en réponse à une demande d’autorisation de construire l’autorité communale interprète son règlement en matière de construction et apprécie les circonstances locales, elle bénéficie d’une liberté d’appréciation particulière, que l’instance cantonale de recours contrôle avec retenue. 

Le Tribunal fédéral examine librement la décision de l’instance cantonale de recours, dès lors qu’il y va de l’application du droit constitutionnel fédéral ou cantonal. Dans le cas d’espèce, il constate que la CDAP s’est écartée sans motifs objectifs de l’interprétation faite par la commune de son propre règlement des constructions, violant en cela l’autonomie dont elle jouit en cette matière. Le recours est ainsi admis et l’autorisation de bâtir validée.

Tribunal fédéral, 1C_639/2018 et 1C_641/2018 du 23.9.2019