Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la construction d’une installation de stabulation libre et une habitation individuelle à Corminboeuf (FR), hors de la zone à bâtir. Pour la Cour fédérale, bien que certaines constructions à vocation agricole puissent être érigées dans la zone agricole, il ne s’agit que d’exceptions au principe de non constructibilité qui prévaut dans ce type de zone. Elles ne doivent être accordées que de manière restrictive – au terme d’une pesée soigneuse des intérêts – dans la mesure où elles contribuent au mitage du territoire.
Le régime ordinaire de l’autorisation de construire formulé à l’art. 22 LAT prévoit qu’une construction ou une installation peut être autorisée lorsqu’elle est conforme à la zone; à défaut, une autorisation de construire peut être exceptionnellement admise sur la base des art. 24 à 24e LAT ou de l’art. 37a LAT. Dans la zone agricole, certaines constructions ou installations peuvent s’avérer conformes à la zone lorsqu’elles satisfont aux situations visées à l’art. 16a LAT – lorsqu’elles « sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice ». Cette disposition de la loi fédérale est complétée par l’art. 34 OAT, lequel prévoit qu’une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction est nécessaire à l’exploitation agricole, si cette exploitation est pérenne et si un intérêt prépondérant ne s’oppose pas à l’implantation de la construction à l’endroit prévu (al. 4).
La pesée des intérêts prévue à l’art. 34 OAT doit se faire à l’aune des buts et principes des art. 1 et 3 LAT, en particulier le but visant à éviter le mitage du territoire. L’art. 16 LAT précise à ce tire que les zones agricoles « devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction ». Ce principe doit dicter l’interprétation des dispositions de la LAT; de la sorte, les exceptions légales comme celles de l’art. 16a LAT doivent être admises de façon restrictive, dès lors que ces exceptions constituent précisément l’une des principales causes du mitage du territoire.
Rappelant une jurisprudence plus ancienne, le Tribunal fédéral précise qu’il s’agit de limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l’exploitation afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible. Cet examen doit être entrepris en fonction de critères objectifs : la surface cultivée, le genre de cultures et de production (dépendante ou indépendante du sol) ou encore la structure, la taille et les besoins de l’exploitation. Pour me moins, compte tenu de l’intérêt public à éviter la dispersion des constructions, les bâtiments et installations doivent être si possible regroupés autant (« Konzentrationsprinzip « ). L’autorité est alors tenue de dresser l’inventaire de l’ensemble des surfaces à disposition de l’exploitation, notamment celles affectées en zone à bâtir afin d’examiner si les installation en cause ne pourraient y prendre place. On ne saurait en effet présumer qu’une zone d’habitation exclut nécessairement toute construction agricole.
On peut en conclure qu’il ne suffit pas qu’une construction ait vocation agricole pour qu’elle puisse être librement érigée en zone agricole. Encore faut-il qu’elle soit, sur la base de motifs objectifs, nécessaire à l’exploitation agricole et qu’il ne soit pas possible de la prévoir en zone constructible. L’autorité est ainsi tenue au premier chef de veiller à éviter le mitage du territoire induit par des constructions en zone agricole, en examinant notamment les possibilités offertes en zone à bâtir. Lorsqu’une construction peut être exceptionnellement admise dans la zone agricole, elle doit en outre éviter la dispersion du bâti en favorisant sa concentration.
Tribunal fédéral 1C_170/2019 du 9 avril 2020.