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Commune de Saint-Prex, le Tribunal fédéral admet l’effet anticipé d’un plan d’affectation

Le Tribunal fédéral a confirmé la décision de la Municipalité de Saint-Prex et l’arrêt de la CDAP (AC.2016.0388) refusant l’autorisation de construire une villa de deux logements et cinq places de stationnement sur une parcelle affecté pour deux-tiers en zone de villas B. Compte tenu de la non-conformité du projet à la zone réservée en cours d’élaboration, sur la base de l’art. 77 aLATC, la commune pouvait refuser le permis de construire.

L’actuel art. 47 LATC qui reprend l’ancien art. 77 LATC prévoit à son premier alinéa : « La municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu’un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l’enquête publique ». Cette disposition constitue la base légale permettant d’assortir à un plan futur un effet anticipé – qualifié ici de négatif. Dès lors que cet effet anticipé repose sur un intérêt public suffisant et respecte le principe de proportionnalité, il permet  de refuser une autorisation de bâtir en zone constructible (en prévision d’un prochain changement d’affectation). La commune dispose alors de 14 mois pour mettre à l’enquête publique le plan en question et de 12 mois pour l’adopter (art. 47 al. 2 LATC). A défaut, le requérant pourra renouveler sa demande d’autorisation de bâtir, la commune devant statuer dans les 30 jours (art. 47 al. 3 LATC). Il s’agit d’une entorse au principe de prévisibilité du droit admise par la jurisprudence et la doctrine.

Dans l’affaire de Saint-Prex, le Tribunal fédéral relève que « … si le planificateur devait décider que la parcelle des recourantes deviendrait inconstructible ou, par exemple, qu’il serait imposé un coefficient d’occupation du sol minimum plus élevé que ce que prévoit la réglementation actuelle, le refus litigieux se révélerait avoir été particulièrement pertinent. Ce résultat n’est en rien arbitraire dans un contexte de révision de la planification dans le sens d’un redimensionnement de la zone à bâtir. » (c. 6.3).

Sur l’appartenance obligatoire de la parcelle à la zone à bâtir, le Tribunal fédéral relève que, dans le cadre d’un habitat de très faible densité et dispersé, il est évident que toutes les brèches dans le bâti ne sont peut-être pas raisonnablement destinées à être comblées. Il appartient au planificateur – et non à l’autorité en charge de la délivrance des autorisations de construire – de déterminer la constructibilité de la parcelle en cause. Selon la Cour fédérale, l’affectation en zone à bâtir « ne peut être déduite, lors de la délivrance d’un permis de construire, des seules caractéristiques des lieux » (c. 4.2).

Le Tribunal fédéral ne relève aucune violation du principe d’égalité de traitement dans le cas d’espèce (c. 7).

Tribunal fédéral, 1C_429/2018 du 30 septembre 2019.

 

ONG – Qualité pour agir dans la procédure de mise sur le marché de pesticides

TAF B_532, 535 et 556/2019 du 25 octobre 2019

Le Tribunal administratif fédéral confirme le droit du WWF de consulter les dossiers d’autorisation de trois pesticides  dans leur intégralité. Il a refusé de faire prévaloir le secret des affaires sur le droit de recours des associations.

Les faits:

En 2015, le WWF avait appris sur le site de l’OFAG que ce dernier menait des procédures d’homologation en vue du reexamen ou de l’autorisation de mise en circulation de divers produits phytosanitaires, en Suisse. L’organisation environnementale avait demandé à pouvoir y participer. L’Office avait refusé au motif que le droit de recours des associations ne pouvait être exercé que contre des décisions visant un champ d’application territorial déterminé.

Le Tribunal administratif fédéral avait alors annulé le refus de l’OFAG. Le recours de ce dernier, qui portait sur l’une des substances contestées, a été écarté par le Tribunal fédéral dans un arrêt de principe rendu en février 2018 (ATF 144 II 218). Dans cet arrêt, la Haute Cour a considéré que le WWF était légitimé à participer aux procédures d’autorisation de mise dans le commerce de pesticides, sur la base de l’art. 12 LPN, en considérant que l’on se trouvait en présence d’une tâche fédérale, cela indépendamment du lieu où les produits phytosanitaires pouvaient être utilisés. Ces produits, en tant qu’ils peuvent porter atteinte à la nature tombent dans le champ d’application de la LPN (art. 1 et 18 al. 2 LPN). Les dispositions de la législation sur les produits phytosanitaires (art. 1 al. 1  OPPh) prévoient d’ailleurs qu’ils ne doivent pas exercer d’effets secondaires inacceptables sur la santé de l’être humain et des animaux ni sur l’environnement; les dispositions de l’ordonnance sont entièrement orientées par le principe de précaution (art. 1 al. 4 OPPh).

En décembre 2018, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a ainsi invité l’organisation de protection de l’environnement à participer a posteriori à des procédures d’évaluation de pesticides, qui avaient débouché sur des autorisations en mars et novembre 2017. Tenu à l’écart jusque-là, le WWF Suisse obtenait ainsi l’accès aux dossiers.

Trois recours ont été déposés contre les décisions de l’OFAG devant le Tribunal administratif fédéral. Ces procédures visaient en particulier à obtenir que l’une des substances entrant dans la composition des pesticides soit effacée. Voire même que tous les passages faisant allusion à cette substance soient retirés des documents remis au WWF.

Dans trois arrêts du 25 octobre 2019(TAF B_532, 535 et 556/2019), les juges de Saint-Gall ont rejeté les griefs portant sur la qualité de partie du WWF à la procédure d’autorisation et, partant, sur son droit à consulter les dossiers. Ils ont toutefois relevé que la compétence de faire primer le secret des affaires sur le droit de recours des associations appartenait en l’espèce à l’OFAG. Sur ce point, le tribunal n’est donc pas entré en matière.

 

Antennes de téléphonie mobile, l’OFEV est invité à procéder au contrôle du système d’assurance de la qualité au niveau national

Recours en matière de droit public à l’encontre de la conversion d’une antenne de téléphonie mobile dont la puissance doit passer de 300 à 6’800 W. Le Tribunal fédéral rappelle que chaque installation de téléphonie mobile doit respecter la valeur limite d’installation dans les lieux à utilisation sensible. En outre, les limites d’immission prévues dans l’ORNI doivent être respectées partout où des personnes peuvent être présentes. Il rappelle également qu’à ce jour l’OFEV ne dispose d’aucune nouvelle étude qui rendrait nécessaire l’adaptation des valeurs limites d’immission. Ainsi, le Tribunal fédéral n’a aucune raison de s’écarter de l’appréciation de l’OFEV, les recourants ne citant pas d’études plus récentes permettant d’aboutir à un autre résultat (malgré une précision de mesure au stade du projet ne dépassant pas 45%). Il rejette par conséquent les recours.

Jusque-là, rien de bien nouveau dans cet arrêt. Son intérêt réside toutefois dans l’appréciation que fait le Tribunal fédéral s’agissant du contrôle a posteriori des installations autorisées – autrement dit des installations a priori conformes aux valeurs limites de l’ORNI (c. 6 à 8). La Cour fait référence au système d’assurance de la qualité AQ (ou QS System). Elle indique que ce système est approprié et que toutes les données de rayonnement peuvent être contrôlées à partir du centre du réseau. Même si ce système ne peut empêcher avec une certitude absolue les dépassements des valeurs limites, il offre une sécurité qui ne peut être garantie par des limitations structurelles des installations de téléphonie. Reste qu’une expertise menée dans le canton de Schwytz a montré des écarts par rapport au permis de construire dans 8 installations sur 14. Il apparaît que le transfert des données n’était pas optimal dans ce canton.

Partant de ce constat, le Tribunal fédéral invite l’OFEV, dans le cadre de ses tâches de surveillance de la mise en œuvre de l’ORNI et de coordination des mesures d’exécution des cantons, à procéder à nouveau à un contrôle national du système d’assurance de la qualité et d’en coordonner le bon fonctionnement à l’échelle du pays. Cela est d’autant plus nécessaire que le contrôle entrepris en 2010/2011 était limité à quelques paramètres. En revanche, les écarts constatés à Schwytz ne sont pas suffisants pour conclure à la défaillance générale du système d’assurance de la qualité.

Tribunal fédéral, 1C_97/2018 du 3 septembre 2019.

Pour en savoir plus sur le QS System.

Recours contre une décision en matière d’adaptation du plan directeur cantonal

Le Tribunal fédéral rejette le recours de la commune de Bätterkinden (BE) déposée à l’encontre de deux décisions rendues par les autorités cantonales bernoises relatives au plan directeur cantonal (fiche B_04). Celles-ci concernent la création d’un nouveau dépôt ou d’un dépôt supplémentaire par la société Regionalverkehr Bern-Solothurn AG (RBS). Elles ont modifié le statut de cette fiche, la faisant passer successivement au statut de « coordination en cours » (5.7. 2017) et de « coordination réglée » (14.12.2018).

La Cour examine en premier lieu si le recours de la commune est recevable en tant que les délais pour contester la décision de 2017 sont échus. En substance, il s’agit de déterminer si cette première décision constituait une décision finale ou si seule était finale la décision du 14 décembre 2018 prévoyant une mise à jour du PDc en attribuant le statut de coordination réglée à la fiche B_04. Selon le Tribunal fédéral, si la décision de 2017 était déjà considérée comme décisive, il risquerait de devoir se prononcer deux fois sur le même plan directeur cantonal, ce qui n’est pas conforme à la LTF. La décision de 2017 est donc une décision incidente ; il est possible de la contester dans le cadre du recours formé contre la décision finale de 2018.

Sur le fond, le Tribunal examine dans quelle mesure les actes de planification directrice du cantonal portent atteinte à l’autonomie de la commune – laquelle est reconnue en matière de planification territoriale. Des restrictions de l’autonomie résultant d’actes de planification directrice sont possibles, pour autant que l’autorité cantonale n’outrepasse pas formellement ses compétences et qu’elle ne viole pas matériellement les règles cantonales et fédérales relevant de son autonomie. Tel n’est pas le cas dans l’affaire en cause.

Tribunal fédéral, 1C_19/2019 du 7.10.2019 (destiné à la publication)

Un résumé plus complet est disponible sur le site du CEDEAT (Newsletter 7).

Parc éolien « Sur Grati » (VD), la CDAP rejette les recours de privés et de plusieurs organisations

Dans un arrêt de 73 pages, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) a rejeté les recours formés contre le plan partiel d’affectation « Sur Grati – parc éolien », qui vise à permettre l’installation de six éoliennes sur le territoire des communes de Premier, Vallorbe et Vaulion. Le Tribunal cantonal a confirmé la pesée des intérêts effectuée par les autorités communales et par le DTE (Département cantonal du territoire et de l’environnement), en relevant qu’avec la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération et la nouvelle législation fédérale sur l’énergie, approuvée par le peuple en mai 2017, il y avait un intérêt prépondérant, d’importance nationale, à développer la production d’énergies renouvelables, en particulier l’énergie éolienne. Le projet de parc éolien a aussi été jugé compatible avec les normes sur la protection de l’environnement (en particulier le bruit), de la nature, du paysage et de protection des eaux. Les impacts sur l’avifaune, notamment la Bécasse des bois, et les chiroptères sont acceptables au vu des mesures de mitigation et de compensation prévues, compte tenu de l’intérêt public très important à la réalisation du parc éolien.

CDAP (VD), AC.2016.0103 du 31.10.2019

Une synthèse de la révision est disponible sur le site du CEDEAT (Newsletter 6).