Équilibre précaire

Par Théo Krebs

Une critique sur le spectacle :

Préparation pour un miracle / Conception, mise en scène et interprétation par Marc Oosterhoff /Cie Moost / Théâtre de Vidy (Lausanne) / du 31 octobre au 12 novembre 2023 / Plus d’infos.

© Yuri Pires Tavares

Seul sur la scène du théâtre de Vidy, Marc Oosterhoff présente Préparation pour un miracle, spectacle mêlant magie et cirque. Lorsque l’individu joué par Marc Oosterhoff débarque sur scène et qu’il y est bloqué, il n’a plus qu’une seule envie : la quitter. Mais la scène elle-même se joue de lui, et il n’y parviendra pas. Ses tentatives le mèneront à travers la salle et donneront lieu à diverses acrobaties. Certains spectateurs pourront cependant se lasser, à cause de la multiplicité des effets, souvent ludiques, mais qui s’enchaînent et qui ne prennent pas toujours le temps de se construire sur le long cours.

Un homme entre sur scène, remet en place quelques éléments, branche une lumière. Il semble être là pour effectuer son travail. Ce travail effectué, celui dont on ne sait pas encore s’il s’agit de Marc Oosterhoff ou d’un personnage qu’il interprète, tente de quitter la scène. Mais les portes se sont refermées derrière lui et il se retrouve bloqué sur une scène éclairée uniquement par les lumières de service. Sur le plateau n’apparait aucun élément scénographique manifeste au premier abord. La scène est une scène, rien de plus : un simple plateau qui se présente comme tel. Il y a ainsi ambiguïté à la fois sur le statut de la figure interprétée par Marc Oosterhof et sur celui du plateau. Sommes-nous des spectateurs face à un spectacle ou des voyeurs face à un homme désemparé et bloqué dans un espace qui lui semble hostile ?

Marc Oosterhoff est balloté de porte en porte. Les spectateurs sont à la fois amusés et surpris de l’endroit incongru où réapparait son corps, et intrigués, tentant de savoir, après qu’il a disparu une nouvelle fois, où il ressortira la prochaine. C’est que le décor se joue de lui : de nouvelles portes, auparavant verrouillées, s’ouvrent sans raison ; une porte empruntée mène l’homme à l’autre bout de la salle en une fraction de seconde ; des éléments se déplacent sur scène, à son insu ; les coffres bougent ou s’ouvrent ; et, alors qu’il tente de se cacher du public, un rayon de lumière l’illumine soudain et le poursuit tandis qu’il le fuit.

Ce comique de situation qui constitue la première moitié du spectacle pourra peut-être paraître long à certains. Le personnage finit toutefois par accepter sa situation, et s’ouvre alors le deuxième volet du spectacle. L’homme auparavant désemparé commence à prendre cette scène comme elle vient, sans plus essayer de la fuir et en prenant à bras le corps les éléments qui l’intriguent. Un stander avec des costumes ? Il en mettra un pour la fin du spectacle – en prenant soin de se cacher, car notre personnage est pudique. Une perruque qui se meut seule ? Le personnage, apeuré d’abord, se rapproche d’elle et s’amuse avec, avant de s’en désintéresser et de se diriger vers un autre élément. Le spectacle regorge ainsi de redirections en tout genre et de surprises qui font tout son intérêt. Toutefois, cette profusion d’éléments est peut-être également l’une des faiblesses du spectacle. Il y en a peut-être trop, et nous passons ainsi d’un élément à l’autre sans que les possibilités offertes par le précédent aient été explorées en profondeur. La surprise passée, les objets sont un à un laissés à l’abandon et ne sont plus mobilisés dans la suite du spectacle.

Il y a une exception notable : celle d’une corde tombée du ciel que le personnage tente de remettre à sa place, là-haut, ce qui donne lieu à de périlleuses acrobaties. J’ai personnellement été investi dans ces numéros comme rarement devant un spectacle, l’acrobate s’effaçant derrière le personnage entièrement consacré à sa mission de remettre cette corde à sa place. Cet investissement aurait peut-être pu se révéler encore plus prononcé si les différentes péripéties du personnage n’étaient pas parfois entrecoupées par des moments oniriques où la radio présente sur scène semble manipuler l’espace et le temps. Cela donne ainsi lieu à des retours en arrière ou à des ralentis, qui se manifestent uniquement à travers le corps du comédien, lequel en profite pour exhiber ses capacités circassiennes, mais enlevant un peu de l’effet de surprise lorsqu’un numéro périlleux advient sur scène.

Si le manque d’équilibre chez le personnage lorsqu’il effectue des figures est touchant, dans la manière qu’il a d’être entièrement investi dans ce qu’il est en train d’effectuer, celui, plus global, du spectacle est plus gênant. Entre une première partie peut-être un peu longue ou lassante, et la multiplication d’éléments explorés certes ludique, mais qui ne prend pas toujours assez son temps dans la seconde moitié, le spectacle peine parfois à trouver son propre équilibre, entre lenteur et précipitation.