Fuzzy revisité

Par Noëlie Jeannerat

Une critique sur le spectacle :

Télévision / Écriture, musique et mise en scène par Bastien Bron / Usine à gaz (Nyon) / du 25 au 26 avril 2024 / Plus d’infos.

© Remy Ugarte Vallejos


Plus connu sous son nom d’artiste My Name Is Fuzzy, Bastien Bron propose sur la scène de l’Usine à gaz une fausse émission de télévision qui rend hommage à …Fuzzy. À travers une série de témoignages et d’images d’archives fictives créées en direct par deux animateurs, cette rétrospective loufoque sur la vie de ce chanteur neuchâtelois présenté comme l’incarnation du succès explore avec humour et de manière déjantée les mystérieux ressorts de la célébrité. 

Son nom était Fuzzy… mais le chanteur n’est plus. La nouvelle tombe dès le début du spectacle et émeut profondément les deux animateurs farfelus d’une émission de télévision aux allures loufoques et décalées. Sur le plateau, deux panneaux bleus installés d’une part et d’autre de la scène fonctionnent comme arrière-fond aux discours des présentateurs, Judith et Lucas. Entre eux, une grande télévision lévite à deux mètres du sol. En dessous, l’ingénieur son tourne le dos au public. Des maquettes créées artisanalement sont posées sur des consoles en avant-scène. Elles servent de décor aux reportages fabriqués en direct et retransmis simultanément sur l’écran de la télévision. Lucas et Judith, tous deux en jogging bleu – assorti d’une veste de costume et d’une cravate pour le premier, d’un chemisier rose pour la seconde – se donnent la réplique d’une manière frénétique en répétant ce que l’autre dit, ce qui les fait rire nerveusement. À l’aide de perruques et de masques en carton, les animateurs endossent les rôles des proches du défunt. Son père, sa mère ou encore sa manageuse livrent, tour à tour, leurs souvenirs avec Fuzzy.

L’univers visuel rappelle les clips musicaux des années 1970. La musique aussi renvoie à une époque presque oubliée où les synthétiseurs bon marché accompagnaient des chansons désinvoltes aux paroles simples. Les premières images d’archives de l’émission reprennent la chanson issue du véritable répertoire de My Name Is Fuzzy, « Les chanteurs meurent plus souvent… pour qu’on ne les oublie pas ». Alors que les séquences d’hommage battent leur plein dans l’émission, le « vrai Fuzzy » – interprété par My Name Is Fuzzy – entre en scène pour donner son propre concert, dans  un brouillage ludique des niveaux de fictionnalité qui s’accentue au cours du spectacle, jusqu’à l’intervention du « vrai » Bastien Bron.

Le spectacle présente aussi l’envers du décor d’un quotidien de star happé de toutes parts, loué pour ce qu’il n’a pas fait, mais surtout dépassé par une image qu’il ne contrôle plus. Fuzzy passe d’une émission de télécrochet à l’autre, de « Danse avec les stars » à « La mode avec Fuzzy ». Devenu une réelle bête de foire, il s’évanouit dans le flot de sollicitations, écoute en boucle « Supermotor », le tube qui l’a fait connaître, dans son bolide rouge. Le spectacle s’achève sur des notes plus sombres. À travers la satire d’un artiste en manque de gloire, Bastien Bron questionne le rapport déséquilibré qu’une célébrité entretient avec ses fans, mais aussi la légitimité de ce type d’influence.