Le plus important, c’est le théâtre

Par Théo Krebs

Une critique sur le spectacle :

Quête / Conception par Juliette Vernerey / dans le cadre du Festival « Le Printemps des compagnies » / Théâtre des Osses Fribourg / du 16 au 25 juin 2023 / Plus d’infos.

© Guillaume Perret

A l’occasion du « Printemps des compagnies », la Cie de l’Impolie reprend Quête, qui met en scène avec humour et poésie les personnages de la légende arthurienne à la recherche du Graal.

Un pigeon voyageur – mort – tombe du plafond. Il porte avec lui un message : Galaad est absent, la quête du Graal devra se faire sans lui, ou ne se fera pas. Librement adapté du cycle arthurien de La Quête du Graal et de L’Enchanteur de Barjavel, dont ne subsistent que le sujet et cinq répliques, le spectacle présente une suite de tableaux vivants entrecoupés par des échanges comiques entre les personnages de la légende.

Co-écrit par et pour les comédiens et comédiennes, Quête leur offre tour à tour leur moment de gloire, toujours comique, que ce soit dans de grandes tirades galvanisantes sur l’amour et l’amitié, pour Guenevevièvre ou Artus ; ou de longues séquences de mime, pour Lancelote qui montre en détail et sur plusieurs minutes comment tuer un dragon. Les personnages accordent peu d’importance aux événements : révélations ou morts sont uniquement des prétextes à rire et sont systématiquement désamorcées par un bon mot. La quête en elle-même ne semble pas vraiment en être une. Les différents obstacles sont causés par les protagonistes eux-mêmes et n’ont aucune conséquence. Le dragon lui-même n’est en réalité qu’Artus. Les différents protagonistes se ralentissent entre eux et ralentissent la maigre intrigue. Certaines plaisanteries jouent sur l’exaspération des spectateurs, comme celle qui présente une longue séquence de flûte à bec que l’on craint à plusieurs reprises de voir se reproduire.

On regrette que le choix des costumes perturbe parfois l’effet comique : dans les moments où le groupe réagit collectivement aux énormités dites par un personnage, les accessoires encombrants tels la coiffe de Merlijn ou la couronne de Guenevevièvre cachent le visage des comédiennes et comédiens placés à l’arrière. Ces accessoires tombent toutefois peu à peu, laissant place à des costumes plus passe-partout. Les grands vêtements un peu ridicules portés au début de la pièce permettent d’identifier les personnages en un coup d’œil ; une fois ces personnages établis, comme pour faire un pont entre l’époque médiévale et l’époque contemporaine, ils sont réemployés pour construire les éléments de décors, tandis que les acteurs et actrices revêtent des tenues de sport bleues. Cet usage des costumes participe de l’aspect méta-théâtral du spectacle, comme lorsque Guenevevièvre ôte des pans de sa robe pour en faire une tente ou une rivière qu’il faut franchir. Les éléments scénographiques qui seront mobilisés tout au long de la pièce sont exposés à vue sur le plateau : les projecteurs ou machines à fumée sont mis en place sous les yeux du public dans des numéros musicaux de chant ou de danse pour constituer des décors, dans lesquels ils forment des tableaux vivants. Reprenant une iconographie biblique, ils évoquent La Cène de Léonard de Vinci, ou La Création d’Adam de Michel-Ange. Retentissent sur chacun de ces tableaux presque immobiles les textes de Barjavel proférés par Vivianeu – en voix off car elle ne communique que par télépathie. Soudain, Merlijn rompt le charme : « on ne bouge pas pendant les tableaux ! », et les dialogues comiques reprennent.

Scènes comiques et tableaux bibliques ne se justifient jamais l’un par l’autre et ne se chevauchent jamais, formant deux régimes théâtraux distincts. C’est que Quête n’a pas la prétention de réinventer la légende arthurienne. Les sublimes tableaux n’existent que pour le plaisir de les créer avec presque rien et de les montrer à un public admiratif ; et les plaisanteries ne sont là que pour le plaisir de susciter le rire. Le plus important est manifestement de créer un moment de communion avec le public, comme semble le suggérer la fin de la pièce, où le faisceau lumineux qui symbolise le Graal s’ouvre et se tourne vers les spectateurs et spectatrices.