L’Université de Lausanne change de direction le 1er août. Après dix ans, Dominique Arlettaz quitte le poste de Recteur pour laisser la place à Nouria Hernandez et à une nouvelle équipe de direction. Avant de souhaiter la bienvenue à cette dernière, l’heure est au bilan.
Élu Recteur au moment où l’UNIL venait de faire cadeau des sciences fondamentales à sa voisine l’EPFL, paradoxal représentant de ces mêmes sciences fondamentales au sein de l’université, Dominique Arlettaz a surtout eu comme tâche d’adapter l’institution à la nouvelle Loi sur l’Université de Lausanne (LUL), entrée en vigueur en 2005.
Cette loi consacrait d’une part l’autonomie de l’Université face au pouvoir politique, et d’autre part la concentration des pouvoirs dans les organes exécutifs. Le nouveau Recteur n’a pas eu trop de difficultés à s’adapter à cette nouvelle répartition des pouvoirs, qui lui en donnait beaucoup, et s’est très tôt préoccupé d’assurer l’hégémonie de la direction de l’Université sur les facultés et sur les organes participatifs, à commencer par le Conseil de l’Université, dessaisi de tout pouvoir décisionnel substantiel. La différence entre le nombre de directives exécutives publiées par la Direction (57) et de règlements votés par le Conseil de l’Université (2) est en cela révélatrice1. L’ouverture des organes participatifs de l’Université introduite par la nouvelle loi, qu’ACIDUL avait saluée au moment du débat parlementaire, a ainsi été en partie vidée de sa substance par cette concentration des pouvoirs.
Du point de vue du corps intermédiaire, le bilan est globalement positif. L’action de la direction a incontestablement permis d’améliorer les conditions de travail des assistant·e·s, tout particulièrement en augmentant leur taux d’activité (la moyenne a désormais dépassé les 80%) et leurs salaires (avec une augmentation substantielle l’année passée).
Durant ses dix années passées à la direction de l’UNIL, Dominique Arlettaz a également témoigné de son soutien pour les associations représentatives des différents corps de l’Université, à commencer par ACIDUL et la FAE, qui ont régulièrement vu leur budget augmenter. Nous avons la plupart du temps trouvé une direction ouverte à la discussion, sinon toujours au compromis, y compris lorsque nos positions divergeaient franchement. Si les différends sont traités le plus souvent dans les salles de réunion de l’Unicentre, ils l’ont parfois été après un passage dans les auditoires (occupés en 2009 par des étudiant·e·s et des chercheur·euse·s) ou dans les couloirs des bâtiments (mobilisation pour le retour de l’affichage libre en 2014).
Dans un environnement de l’enseignement supérieur et de la recherche très largement dégradé par la concurrence féroce que se livrent les universités et les universitaires, l’UNIL, sous la férule de Dominique Arlettaz, a su maintenir une politique favorisant le service public, la diversité des approches et la réflexion à long terme. Si l’on compare cette politique à celle d’autres universités suisses, ou plus encore à celle de l’EPFL, il est évident que le contraste est très favorable pour l’UNIL.
Il faut également souligner le soutien régulier et important de l’État de Vaud à son université, qui contraste là aussi très clairement avec ce qui se passe dans d’autres cantons, ou avec les économies annoncées par la Confédération pour ces prochaines années. Le Conseil d’État et le Grand Conseil ont donc témoigné de la confiance qu’ils accordaient à l’UNIL en augmentant régulièrement la subvention cantonale, qui dépasse désormais les 300 millions de francs par année.
Il reste maintenant à espérer que la nouvelle équipe, dirigée par la Rectrice Nouria Hernandez, saura poursuivre cette politique tout en étant à l’écoute des différentes composantes de la communauté universitaire. Avec Dominique Arlettaz l’UNIL perd un défenseur du service public, l’un de ces chercheurs qui acceptent, pour le bon fonctionnement de l’institution, de se mettre à son service et qui évitent de ce fait que les universités soient dirigées par des managers, uniquement soucieux de classements internationaux et de visibilité médiatique.