Pour cette rentrée, Frédéric Herman dévoile les principales innovations de l’UNIL en matière d’enseignement et de recherche, tout en exposant ses stratégies pour renforcer le dynamisme de l’institution. Le recteur aborde également son avenir au sein de l’Université, alors qu’il vient de franchir la moitié de son mandat.
À l’occasion de la rentrée universitaire, environ 17’000 étudiants seront présents sur le campus, dont plus de 3800 nouveaux inscrits. Quel message souhaiteriez-vous leur transmettre ?
Frédéric Herman : Je leur souhaite la bienvenue à l’UNIL ! Chacun·e embarque aujourd’hui pour un voyage d’apprentissage qui sera, je l’espère, exceptionnel. Ici, l’esprit critique est encouragé. L’UNIL est un lieu où l’on apprend, questionne, déconstruit et élabore de nouvelles perspectives. Je leur souhaite aussi d’avoir une vie estudiantine riche en découvertes, tant sur le plan académique que personnel. J’aimerais aussi leur dire que nous faisons le maximum pour proposer un enseignement étroitement lié à la recherche et un environnement d’études respectueux des spécificités de chacun·e. Tout cela sur des campus vivants, qui hébergent des événements scientifiques et culturels tout au long de l’année.
Quelles sont les nouveautés de la rentrée en matière d’enseignement ?
L’ensemble de nos programmes d’enseignement continue d’évoluer, avec une place de plus en plus importante pour l’intelligence artificielle. Je remercie d’ailleurs les facultés pour leur travail et leur créativité. Nous accueillerons aussi des personnalités externes de renom qui enseigneront sur le campus de Dorigny, comme Douglas Kennedy – auteur aux 14 millions de livres vendus dans le monde – qui s’impliquera en parallèle dans un programme de recherche sur le creative writing à la Faculté des lettres.
Par ailleurs, dans le cadre de notre programme E4S avec l’EPFL et l’IMD, nous aurons Bruno Lemaire (cf communiqué), ex-ministre de l’Économie et des Finances en France entre 2017 et 202 et le jeune économiste Timothée Parrique – désormais engagé à la Faculté des HEC de l’UNIL et qui fait un tabac avec son livre Ralentir ou périr — qui débattront avec nos expert·e·s de l’UNIL.
Après de nombreuses consultations, nous introduisons aussi cette année un cadre institutionnel lié à la diffusion des cours en ligne. Les enseignant·e·s garderont la possibilité de choisir les modalités de leurs cours, y compris leur diffusion, dans le respect des règlements en vigueur, mais en s’assurant qu’un accès en présentiel soit toujours maintenu. En tant qu’entités responsables des enseignements, les facultés auront aussi la possibilité d’imposer des décisions sur la diffusion en ligne pour des raisons pédagogiques ou logistiques jugées essentielles.
Et du côté de la recherche ?
La Direction soutient certains projets directement dans une logique bottom-up, qui s’ajoutent à l’ensemble des innombrables projets de recherche qui ont lieu à l’UNIL. Qu’il s’agisse de recherche de base (par exemple la mobilité, les extrêmes climatiques, la restauration motrice lors de lésions de la moelle épinière, l’activité physique et la longévité, le microbiome, la taphonomie forensique, la science des données, l’imagerie biomédicale, la transformation écologique et sociale et les récits qui y sont liés) ou de recherche partenariale (via le programme Interface), ces soutiens ponctuels permettent de voir naître de véritables programmes interdisciplinaires. Cette énergie a d’ailleurs mené à neuf demandes de projets NCCR auprès du SNSF au printemps dernier. Ces derniers proposent d’aborder des questions scientifiques sur un spectre très large, comme l’origine de la vie, l’intelligence artificielle et la santé, l’imagerie médicale assistée par l’intelligence artificielle, la génomique, l’eau ou encore des questions plus sociétales liées à des thématiques telles que la transition écologique, les coûts de la santé ou le genre. J’espère que nous aurons de bonnes nouvelles à ce sujet en octobre à l’occasion de la première phase d’évaluation !
L’UNIL va créer un institut d’études avancées. Quel est son but ?
L’objectif des instituts d’études avancées (IEA) est de favoriser une recherche innovante et pluridisciplinaire en offrant des espaces où les chercheuses et chercheurs sont libérés de leurs engagements administratifs et pédagogiques. Depuis leur fondation à Princeton et Stanford, les IEA se sont multipliés en Europe et dans le monde, jouant un rôle clé dans l’innovation scientifique. Ces instituts permettent des collaborations entre chercheuses et chercheurs de haut niveau issus de divers horizons scientifiques, de l’interne et de l’externe. Ils stimulent les échanges intellectuels et soutiennent les idées nouvelles. Sélectionnés sur l’excellence de leurs travaux, les chercheuses et chercheurs y mènent leurs recherches avec une grande liberté, dans un environnement interdisciplinaire et international. Pour l’IEA à l’UNIL, nous proposons une politique de mise en réseau avec les autres instituts et une ouverture complète par rapport aux disciplines représentées en soutenant des thématiques reflétant les axes prioritaires de nos facultés. Nous espérons obtenir un soutien philanthropique, comme c’est le cas pour de nombreux instituts de ce type.
Quels seront les grands événements organisés sur le campus ?
C’est un plaisir pour moi d’observer le foisonnement d’événements qui ont lieu sur nos campus dans l’ensemble de nos facultés. Aujourd’hui, j’aimerais en citer juste quelques-uns. D’abord la venue de l’économiste Thomas Piketty, qui a répondu à l’invitation de Jacques Dubochet. Il viendra le 3 octobre nous parler de l’évolution des inégalités au cours du temps. J’aimerais aussi mentionner le Digital Dreams Festival, qui est une nouveauté. Nous étions très heureux de pouvoir accueillir un festival lié au numérique, et cela juste avant notre rentrée académique. C’est une manière de nous réunir à l’Université en incluant le grand public, comme annoncé dans notre plan d’intention. Dans un autre registre, nous allons accueillir cet automne la princesse Marie-Esméralda de Belgique, la cheffe Maasaï Magdalene Kaité (Kenya) et le représentant du peuple Yanomami, Mauricio Yekuana (Brésil).
Nous aurons aussi l’exposition « Passé sensible », lié au regrettable doctorat honoris causa remis à Benito Mussolini. En 2022, la Direction avait condamné la remise de ce titre en affirmant que « l’Université de Lausanne avait failli à sa mission et aux valeurs académiques fondées sur le respect de l’individu et la liberté de pensée », et elle avait décidé d’entreprendre une série de recherches historiques et d’actions mémorielles, dont cette exposition fait partie. Enfin, nous retrouverons évidemment les classiques (Mystères, Printemps de la poésie, etc.). J’aimerais terminer cette shopping list en mentionnant les journées consacrées à la santé et un événement sur l’IA en automne avec nos ami·e·s de l’EPFL, autant de thématiques qui sont également directement liées à notre plan d’intention.
C’est votre quatrième rentrée en tant que recteur, vous avez dépassé le mi-mandat. Comment l’UNIL a-t-elle évolué ces dernières années ?
Ces trois premières années nous ont permis de progresser sur de nombreux fronts, que ce soit pour la transition écologique, l’amélioration du climat de travail, la féminisation du corps professoral, les carrières du corps intermédiaire et bien d’autres sujets encore. L’UNIL continue aussi de se profiler comme une institution en accord avec son temps. C’est une institution où les conditions de travail pour la recherche et l’enseignement nous permettent d’exceller. Parmi la cinquantaine de nominations professorales qui ont lieu chaque année, les facultés ont d’ailleurs recruté d’excellentes personnes sur des sujets très variés et pertinents comme la science des données, la santé, les économies de transition, l’art, les études audiovisuelles, le sport, la gouvernance des énergies et bien d’autres disciplines encore. Sur cette base, je reste convaincu que l’UNIL est une actrice incontournable face aux grands enjeux sociétaux actuels. C’est important d’insister sur le fait qu’elle agit toutefois en étant ancrée dans ses missions de base d’enseignement et de recherche.
On a l’impression que la fonction de recteur devient de plus en plus complexe. Quelle est votre réflexion à ce sujet ?
Je lis et entends souvent cela. C’est vrai que le poste comprend de nombreuses facettes, qui ne se voient pas toujours. Quoi qu’il en soit, je confirme que c’est un job complexe, mais fascinant. Il permet de proposer une vision et de tout faire pour la mettre en œuvre, ainsi que de défendre des valeurs universelles dans un monde en crise. On apprend énormément de choses et on rencontre des personnes passionnantes. Ce poste exige de nombreuses compétences, que ce soit sur des questions de leadership, de stratégie, de gestion du changement organisationnel, de communication, de sens des affaires ou de lien avec le monde politique. Il s’agit aussi d’avoir une excellente connaissance du monde académique, bien entendu, et d’agir dans un contexte à la fois local, national et international. C’est enfin un poste très exposé, car il s’agit de gouverner dans un environnement public très complexe, alors que les pressions internes, externes, médiatiques et politiques peuvent être conséquentes. Dans mon cas plus personnel, je ne suis heureusement pas seul pour accomplir ce travail et suis entouré par toute une équipe de direction, qui se sent bien soutenue à l’UNIL.
Quels sont vos objectifs pour la suite de votre mandat ?
Ils sont nombreux. Avant tout, il s’agit de mettre en œuvre notre plan d’intention, de lancer notre institut d’études avancées et de continuer à soutenir les projets de recherche mentionnés ci-dessus. La Direction a rarement financé autant de projets de recherche sur la base de ses fonds propres. Cela nous tient à cœur. Nous devons aussi clarifier l’utilisation de l’enveloppe versée au CHUV chaque année (environ 125 millions de francs). Le travail est colossal, mais c’est une opportunité unique pour renforcer et clarifier nos activités de recherche et d’enseignement au sein de la Faculté de biologie et de médecine au CHUV. Concernant l’administration, nous travaillerons aussi pour améliorer l’efficience, notamment via la numérisation de nombreux processus pour les finances et les RH ou en soutenant une collaboration plus forte entre les différents services, ainsi qu’entre les services et les facultés. Finalement, l’innovation continuera de s’inscrire de plus en plus dans la culture de l’institution, et ce à tous les niveaux.
Le Conseil de l’UNIL a annoncé les échéances pour la nomination du futur recteur. Envisagez-vous de vous représenter ?
Je répondrai à cette question au Conseil de l’Université lorsqu’il m’interrogera à ce sujet. C’est en effet sa prérogative. Je consulte cependant déjà les doyennes et doyens, les associations comme Acidul et la FAE, la commission du personnel, les syndicats, les membres de la Direction, les chef·fe·s de service et les directions des institutions partenaires (CHUV, Unisanté et EPFL). Je déciderai en fonction du feedback reçu lors de ces consultations. Le poste ne m’appartient pas et c’est important d’écouter la communauté avant de se projeter. J’y trouve certes une certaine satisfaction, mais plusieurs possibilités s’offrent à moi et je garde toutes les options ouvertes. J’aime la recherche, travailler avec des doctorant·e·s et donner des cours. Cela me manque aussi. Donc tout reste possible et je déciderai sereinement lorsque le moment sera venu.