Directeur de la RTS depuis le 1er mai 2017, Pascal Crittin, 53 ans, est un manager confiant. À l’heure où le tissu social révèle toute sa fragilité, où les fossés se creusent, il voit l’avenir du média de service public comme bâtisseur de ponts entre les communautés et prépare ses équipes au grand déménagement historique sur le campus de l’UNIL-EPFL.
Rencontre lausannoise avec Pascal Crittin, directeur de la RTS : dans l’entrée du vieux bâtiment bien connu, localisé au cœur du quartier de La Sallaz – et désormais propriété du Canton de Vaud – il nous montre la maquette du futur complexe qui accueillera dès 2025 sur le campus le nouveau centre de production lausannois de la RTS ainsi que plusieurs autres composantes de la vénérable institution.
Le grand chantier est en pleine émergence à la frontière entre les deux hautes écoles, entre le bâtiment UNIL-Batochime et le Rolex Learning Center de l’EPFL, aux abords de la route cantonale.
Pascal Crittin, très simplement, pouvez-vous nous dire ce qui déménagera sur le campus UNIL-EPFL et ce qui se fera dans la fameuse tour à Genève ?
L’idée est de réunir à Lausanne les chaînes de radio et la production des rédactions de l’Actualité, qu’elle soit radio, télé ou digitale. Le campus accueillera également un nouveau studio public et nos cars de reportage, aujourd’hui à Genève. Le téléjournal se fera donc à Lausanne, qui est placée plus au cœur de la Suisse romande. Sur le site genevois, nous déployons deux nouvelles activités, l’une sur la Genève internationale en partenariat avec l’Unige, et l’autre autour de la création numérique et des nouvelles technologies telles que la réalité virtuelle. Les infos spécifiquement genevoises seront bien sûr traitées à Genève, qui rassemblera en outre les domaines du sport, des magazines TV, des jeux et divertissements, de la fiction et du documentaire, ainsi que l’offre digitale pour les jeunes et les archives télévisuelles. Pour ma part j’aurai un pied à Lausanne et un autre au bout du lac. Nous ne sommes résolument plus en 1960, quand le Conseil fédéral a décidé de mettre la radio à Lausanne et la télé à Genève ; nous poursuivons désormais la convergence entamée en 2010 avec la création de la RTS. Nous nous organisons en domaines de programmes où chacun produit pour tous les médias. Ce qui se joue aujourd’hui est la répartition de ces domaines sur le territoire lémanique, en plus de nos bureaux régionaux dans les différents cantons romands.
Qu’attendez-vous de ce rapprochement avec l’UNIL et l’EPFL ?
Nous sommes tous trois au service de la société. Je pense donc que nous partageons, en tant que producteurs et diffuseurs de savoirs, de connaissances et de débats, une communauté de destin. Ce rapprochement, qui existe déjà à Genève avec l’Unige, permettra de nous rencontrer au quotidien et de faire jaillir des idées nouvelles. La science est aujourd’hui un enjeu fondamental, comme on le voit en pleine crise Covid. Nous devons et voulons renforcer le journalisme scientifique, car l’opinion éclairée du public passe par une meilleure compréhension des enjeux technologiques et scientifiques. Nos relations avec l’UNIL et l’EPFL ne sont pas nouvelles ; elles seront intensifiées dans un contexte social de plus en plus difficile, éclaté, marqué par le phénomène des fake news qui conforte une dictature de l’opinion, face à laquelle nous devons opposer la rigueur des faits. Ensemble, nous pourrons réaliser des développements très intéressants dans la médiation scientifique, les archives, les données, l’intelligence artificielle ou encore des technologies immersives, comme nous le faisons déjà à l’enseigne de l’Initiative pour l’innovation des médias (IMI).
La RTS sur le campus sera donc ouverte au public ?
Notre projet s’inscrit en effet dans cette philosophie. Nous développerons par exemple un programme éducatif de découverte des médias, où chacun pourra venir voir comment on fait une enquête, comment on construit un téléjournal, comment on dépiste les fausses nouvelles. Ce programme aura clairement une dimension participative. Notre bâtiment sera largement accessible, il sera possible d’assister aux émissions, le vaste hall sera lui totalement libre d’accès, avec des concerts et des expositions, de même que le restaurant. Aujourd’hui déjà nous allons au contact des gens sur le terrain avec nos émissions ; il s’agit de le faire aussi « à domicile » pour devenir vraiment la maison du public. Sur le site actuellement en construction, cela va se traduire par une présence plus forte de la RTS dans les événements universitaires et nous espérons contribuer à l’animation du campus.
Comment se porte aujourd’hui la RTS ?
La RTS, comme d’autres entreprises mais d’une façon sans doute plus médiatisée, a été confrontée à certaines évolutions de la société, comme dans l’affaire du harcèlement ou des propos sexistes. Ce qui a pu être toléré dans le passé n’est plus acceptable aujourd’hui, et c’est un progrès. Sur la question du langage épicène et inclusif, nous ne sommes pas dans une logique de contrainte et il s’agit avant tout de forger une pratique. Notre média de service public s’adresse par définition à tout le monde, par-delà les identités particulières, et dans le respect des diverses sensibilités. C’est valable autant pour nos programmes que pour notre fonctionnement en tant qu’entreprise responsable et soucieuse d’améliorer les relations humaines, y compris et peut-être surtout dans un contexte d’économies et de transformations. Il y a un grand savoir-faire, une vraie force dans cette entreprise, nous avons été au rendez-vous tous les jours malgré la crise sanitaire, nos scores de crédibilité auprès du public sont élevés, nos audiences sont bonnes. Le contexte n’est pas facile, mais je suis confiant en l’avenir de la RTS et pour nos relations avec les hautes écoles lausannoises et plus globalement les institutions réparties dans toute la Suisse romande.