Design pédagogique un premier pas pour enrichir la formation des enseignants d’études supérieures. Rencontre avec Emmanuel Sylvestre, l’un des auteurs de ce nouvel ouvrage pratique et visuel.
« Il existe un manque d’ouvrages en formation d’adultes et plus spécifiquement en pédagogie, qui soient adaptés au contexte de l’enseignement supérieur », estime Emmanuel Sylvestre, directeur du Centre de soutien à l’enseignement (CSE) de l’UNIL. On associe peut-être souvent la pédagogie à l’enseignement des plus jeunes, mais le spécialiste estime que cet outil est fondamental à tout âge, « car la pédagogie a un impact fort sur la motivation des apprenants, et concevoir un enseignement qui favorise leur apprentissage c’est un processus continu ».
Face à cette carence, l’idée de Design pédagogique a commencé à germer petit à petit dans l’esprit d’Emmanuel Sylvestre et de ses deux collègues, Jacques Lanarès, neuropsychologue et ancien vice-recteur de l’UNIL, et Marc Laperrouza, enseignant et chercheur au Collège des humanités (CDH) de l’EPFL. Un projet ambitieux, qui aura mis sept ans, donc, pour se concrétiser pleinement. Publiée en mars, la version numérique de l’ouvrage a été suivie en mai d’une version papier très attendue, parue aux Presses Polytechniques et Universitaires Romandes dans la nouvelle collection Épistémè.
Du jargon à l’image
Pensé comme un outil pratique et visuel, Design pédagogique est un livre pour accompagner les enseignants d’études supérieures ou de formations diverses pour adultes tout au long du processus de construction d’un enseignement, ainsi que dans leurs réflexions sur leur pratique. L’ouvrage s’appuie pour cela en grande partie sur la littérature anglo-saxonne et propose une démarche de réflexion en trois temps, ponctuée de nombreuses activités pratiques. Mais surtout, il s’articule autour d’un canevas que l’enseignant est invité à remplir au fur et à mesure de sa lecture, afin d’établir le socle de son enseignement.
« De bons schémas et de belles représentations peuvent facilement remplacer 3000 ou 5000 mots d’un chapitre. »
Emmanuel Sylvestre, directeur du centre de soutien à l’enseignement de l’UNIL
« Ce qu’on présente dans le bouquin est assez simple. Mais réussir à l’amener de manière si accessible, c’est ce qui a été très compliqué à mettre en place, confie le directeur du CSE, en fonction à l’UNIL depuis 2012. Car en sciences de l’éducation il existe de nombreux ouvrages de référence, mais ils sont tous très jargonnants et ne sont donc pas lus par les enseignants. » Les trois auteurs se sont ainsi associés à un graphiste, Julian Bader, pour tenter de rendre ce « jargon » plus visuel. « De bons schémas et de belles représentations peuvent facilement remplacer 3000 ou 5000 mots d’un chapitre », constate Emmanuel Sylvestre.
La pédagogie, une réelle plus-value
Même si la majorité des étudiantes et étudiants ont choisi leur cursus, le directeur du CSE explique qu’il existe malgré tout une forme de contrat pédagogique entre eux et l’enseignant : « Il y a une part de responsabilité qui relève de la motivation intrinsèque des étudiants. Mais il y en a aussi une qui incombe au formateur : celle d’agir sur cette motivation. » Ce principe est d’ailleurs illustré dans Design pédagogique par une simple formule que les enseignants devraient, selon les auteurs, toujours avoir en tête : « La motivation est le produit du sentiment de compétence ressenti par l’étudiant envers ses propres capacités et de la valeur qu’il accorde à la tâche (M = C x V). »
À l’heure actuelle, il existe énormément d’ouvrages, de vidéos et de supports divers qui abordent les thématiques traitées dans les cours. Le défi pour l’enseignant, c’est donc d’amener entre les murs de sa salle une réelle plus-value. « Cela peut passer par des interactions, des anecdotes, les réponses apportées aux questions, etc., précise Emmanuel Sylvestre. Il est d’ailleurs fondamental de ramener une culture de l’interaction et de l’échange avec les étudiants dans un monde qui tend à se numériser, notamment avec les réseaux sociaux ». Le spécialiste reconnaît toutefois que le défi est de taille, surtout dans un monde post-Covid : « Aujourd’hui on a des étudiantes et des étudiants qui arrivent à l’université en ayant vécu une grande partie de leur gymnase à distance et qui se retrouvent dans un milieu complètement différent. Dès lors ce n’est pas évident de leur faire comprendre la plus-value du présentiel et des interactions dans l’apprentissage. »
Aux prémices d’une vocation
« À l’origine de cet ouvrage, on trouve trois collègues avec des profils et des parcours académiques différents, mais animés par une même passion pour la pédagogie », c’est ce qu’annonce le préambule de Design pédagogique. L’origine de cette passion, Emmanuel Sylvestre la situe quelque part au milieu de son parcours scolaire : « Je me débrouillais bien à l’école, mais c’est au lycée que ça a commencé à se compliquer, à cause d’un gros manque de motivation. » L’étudiant français a donc commencé à s’interroger : « Pourquoi est-ce qu’avant ça fonctionnait ? Qu’est-ce qui me motivait ? » Une fois arrivé sur les bancs de l’université, la machine s’est relancée d’elle-même, alimentant ainsi davantage ses réflexions.
C’est donc naturellement qu’un cursus en sciences de l’éducation s’est petit à petit imposé au futur directeur du CSE. Comment apprendre mieux ? Comment développer des apprentissages plus efficaces ? Ces questions l’ont donc toujours fasciné. « Ce qui me questionnait particulièrement et qui m’a poussé à me concentrer sur l’enseignement supérieur, c’est le décalage que je voyais entre la théorie et la pratique. À l’université j’avais des enseignants, spécialistes en sciences de l’éducation, mais qui ne mettaient pas en pratique ce qu’ils nous enseignaient dans leurs propres cours. »
Bio express
- 1996-1998 : Diplôme d’études universitaires générales (DEUG) en Sciences de l’Homme et de la Société – mention Psychologie, en France
- 1998-1999 : Licence en Sciences de l’éducation, en France
- 1999-2000 : Maîtrise en Sciences de l’éducation, en France
- 2000-2001 : Diplôme d’études approfondies (DEA) en Sciences de l’éducation, en France
- 2001-2006 : Doctorat (PhD) en Sciences de l’éducation, en France
- 2008-2011 : Chef de l’unité d’évaluation et de conseil pédagogique à l’université Lyon 1
- 2011-2012 : Conseiller pédagogique au Centre de soutien à l’enseignement de l’UNIL
- 2020-2022 : Professeur invité à l’université Gustave Eiffel de Paris
- Depuis 2012 : Directeur du Centre de soutien à l’enseignement de l’UNIL