Lancé en novembre, le Dictionnaire sur l’histoire des femmes en Suisse, accessible en ligne, vise à mettre en lumière toutes celles, anonymes ou célèbres, qui ont contribué à construire notre société.
Raphaëlle Ruppen Coutaz, maître d’enseignement et de recherche à la section d’histoire de la Faculté des lettres de l’UNIL, et Pauline Milani, lectrice à l’Université de Fribourg, dirigent le projet. Elles l’ont appelé « Dictionnaire » pour souligner qu’il s’agit tout à la fois d’un outil de référence, de transmission et de reconnaissance. Reste qu’il a tout d’une base de données : hébergé par l’UNIL – une manière d’en assurer la pérennité, comme le relève Raphaëlle Ruppen Coutaz – il est aussi destiné à être enrichi au fil du temps. Son but : favoriser une histoire plus inclusive.
L’idée a vu le jour dans le droit fil du cinquantenaire du suffrage féminin, célébré en 2021. De nombreux travaux ont mis en avant des femmes, dont « Hommage 2021 » qui a réuni les portraits de 179 pionnières de l’égalité de toute la Suisse. Le projet était éphémère, mais certaines notices ont ensuite été intégrées au Dictionnaire historique de la Suisse. « Ces trois dernières années, une quarantaine de nouvelles notices de femmes ont été publiées dans le DHS. C’est considérable. Hélas cela n’a guère augmenté ni le pourcentage ni la visibilité des femmes. Les notices de femmes représentent toujours un peu moins de 5% du total (1239 contre 24’059). Ces entrées sont donc littéralement noyées dans l’immensité de cette œuvre », souligne Pauline Milani. Les deux chercheuses ont décidé de donner une suite à « Hommage 2021 » en créant une plateforme. Pour lancer le projet, elles ont coorganisé un séminaire de master entre leurs universités. Les étudiantes et étudiants ont réalisé des portraits supplémentaires et des articles thématiques qui y sont désormais publiés.
L’on peut aborder cet ouvrage virtuel par quatre portes : outre les portraits, pour la plupart disponibles dans trois langues nationales, on trouve un onglet « articles », qui permet de remettre les biographies dans un contexte plus large. De la place des femmes dans l’édition du soir du téléjournal de la TSR pendant les années 1990 aux clubs suisses des femmes alpinistes, les sujets sont variés. Pour l’instant, nombre d’entre eux sont centrés sur la période contemporaine, terrain des recherches de Raphaëlle Ruppen Coutaz et Pauline Milani. Un champ temporel qu’elles espèrent voir s’étoffer par de futures contributions.
Support à de future recherches
Le premier des deux onglets suivants est consacré aux sources, des archives à la presse papier en passant par les images ou les films utilisés pour rédiger portraits et notices. Quant au dernier, baptisé « entités », il met en avant les institutions, organisations et écoles mentionnées dans les portraits et les articles. Une façon de montrer à quel point les femmes sont ancrées dans le monde, comme « de faire ressortir des lieux qui leur ont permis de se former et de se rencontrer », complète Raphaëlle Ruppen Coutaz.
Si le grand public peut trouver ici de quoi alimenter sa curiosité, le duo aux commandes du projet espère que la base de données servira de support à de futures recherches et d’outil de médiation dans les classes. Collaboratif, il est en outre appelé à s’étendre : placé sous le patronage de la Société suisse d’histoire, « il a été pensé comme un projet bottom up et est donc ouvert aux contributions des historiennes et historiens souhaitant y participer », souligne Raphaëlle Ruppen Coutaz. Avec sa collègue, elle table sur le fait que, à moyen terme, périodes historiques, régions et langues s’équilibreront.
Face à l’engouement qu’a suscité cet outil depuis son lancement, les deux chercheuses se sont mises en quête de fonds. Le but : engager une personne formée en histoire de manière à assurer le suivi des propositions tout en développant des partenariats avec d’autres projets en lien. Ce n’est donc que le début de l’aventure.