Susan Litsios, Le fuyard (Baulmes, 2010)
Peintures et découpages sur texte imprimé à la presse à épreuve sur papier Ruscombe.
« Le fuyard, livre unique écrit, imagé et découpé par Susan Litsios, est un travail qui s’inscrit dans la tradition du livre pour enfant imaginé par des adultes. On ne peut s’empêcher de penser à Kate Greenaway ou à Beatrix Potter, deux figures marquantes de la culture victorienne. L’ouvrage assume son caractère rétro par le choix de ses éléments figuratifs découpés, la typo-graphie qui « dessine » le texte, ou encore le ruban de dentelle qui noue la reliure.
Mais ces éléments volontairement surannés sont mis au service d’un récit dynamique, qui fait jouer les textes avec les images. Celles-ci n’« illustrent » pas ceux-là : les motifs ont une autonomie, vivent et, à l’instar du cheval noir qui traverse ces pages, se chevauchent. Comme s’il se trouvait face à un herbier vivant, le lecteur assiste à une histoire qui est celle du livre en train de se faire, de s’écrire, de se découper, de s’animer, non seulement au travers du récit, mais encore sous l’action des motifs et des décors aux couleurs lumineuses » (P. Kaenel).
Née à Philadelphie en 1937, Susan Litsios a été très tôt confrontée, dans la librairie parentale, à l’univers des livres, notamment les livres d’enfant illustrés par Arthur Rackham, Ernest H. Shepard, on encore C.W. Wyeth. Après son mariage avec Socrates Litsios, ingénieur de formation, elle suit ce dernier à Genève, où le couple s’installe en 1957. Dès 1974, Susan Litsios grave régulièrement des bois, qu’elle imprime « à la cuillère », de manière artisanale. Elle commence également à graver dans le cadre du Centre de gravure de Genève en 1976.
Etablie à Baulmes depuis 1982, l’artiste poursuit ses expérimentations dans le domaine du dessin, des découpages et de la gravure sur bois, la nature environnante et les animaux constituant pour elle une source inépuisable d’inspiration. Fabriquant elle-même ses couleurs, Susan Litsios est très sensible à la qualité et à la texture des papiers, qu’elle choisit avec beaucoup de soin. Elle utilise dans son atelier une presse manuelle rudimentaire, avec laquelle elle tire non seulement des bois, mais aussi des livres d’artiste produits à quelques unités, quand il ne s’agit pas de pièces uniques. Une presse taille-douce lui permet de tirer des monotypes et des eaux-fortes.
«The work is instinctual, although intellectually I watch what I’m doing. I often feel as though some other force is working through me. I’ve learned to stop when it’s not going well and let my subconscious salve the problem overnight. I don’t draw very much on the block and start to proof print as soon as I can see that something is happening; the wood often has a lot to say, and it seems only sensible to listen to it.»
Prix de la BCU, catégorie « Livres uniques », attribué lors du concours organisé à l’occasion du festival Tirage limité (Lausanne, septembre 2010).