Appel à contributions pour le dossier n°17 de ReS Futurae
Dossier dirigé par Romain Bionda romain.bionda@unil.ch
Le théâtre a donné à la science-fiction quelques-unes de ses œuvres les plus célèbres, à l’instar de R.U.R. de Karel ?apek, où le terme « robot » apparaîtrait pour la première fois. Il est toutefois rare qu’on fasse une place au théâtre dans les études science-fictionnelles, tout comme il est rare, du côté des études théâtrales, qu’on fasse une place à la science-fiction. Or cette incuriosité réciproque semble exister en concomitance avec une suite de présupposés ne datant pas d’hier et rendant généralement incongrue ou du moins surprenante l’association, dans nos esprits, de la SF avec le théâtre tels que nous pouvons les concevoir — résistance qui ne se présente pas lorsque nous pensons à d’autres arts comme le cinéma et la littérature, où la SF jouit d’une existence explicite et reconnue. Il s’agira ici de mettre en perspective ces présupposés, pour établir dans quelle mesure, à divers moments et en divers endroits, un dialogue a pu se nouer entre cet « art du présent » que serait le théâtre et une science-fiction qui n’est pas simplement un « genre du futur ». S’offrent en effet à l’exploration un important corpus de pièces pouvant à plusieurs égards ressortir à la SF, ainsi qu’un faisceau de discours informant les contours de ce « théâtre de science-fiction ». À quoi celui-ci peut-il ressembler, et quelles œuvres constitueraient son corpus tout au long de son histoire ?
Dans ce numéro de la revue ReS Futurae, il s’agira d’une part d’interroger l’histoire de la SF au théâtre depuis le xixe siècle au moins (les périodes antérieures ne sont pas exclues), des nombreuses adaptations de Frankenstein sur les scènes anglaises aux très récents spectacles se réclamant explicitement de la SF ou qui ont pu être assimilés à ce genre, tels que France-Fantôme de Tiffaine Raffier ou Quitter la terre de Joël Maillard, en passant par les théâtres de l’avant-garde européenne des années 1920. Dans quelle mesure ces œuvres relèveraient-elles de la SF ? Les thèmes et les motifs du genre répondent-ils au besoin ou à l’envie des artistes, dans le contexte artistique, écologique, économique, politique, social, etc., qui est le leur ? La SF interroge-t-elle, ici ou là, les conditions du théâtre ? L’œuvre réalisée est-elle à la hauteur du projet ? La dimension technique des spectacles, notamment par la mise à profit de savoirs dits d’avenir (hologramme, lévitation, prouesses audiovisuelles de toutes sortes, robotique, etc.), utilisés sérieusement ou au contraire tournés en dérision, est-elle par endroits définitoire du genre ? Y a-t-il eu des moments forts, dans l’histoire, où le théâtre et la SF se sont rencontrés ? Et que penser de la situation contemporaine, où la SF semble être en mesure d’assumer de nouvelles fonctions sur nos scènes ?
Il s’agira d’autre part de réfléchir à l’historiographie du théâtre de science-fiction en France et à l’étranger, en interrogeant les catégories génériques actuellement en usage avec lesquelles le théâtre de science-fiction voisine et/ou que le théâtre de SF subsume (utopie/dystopie, post-apocalypse, etc.), en prêtant attention à la dimension diachronique : le terme « science-fiction » étant par exemple plutôt tardif en français, on prendra en compte la diversité des conceptions antérieures telles que « anticipation », « merveilleux scientifique », « voyages extraordinaires », etc. Il pourra être utile, en outre, de s’interroger sur les problèmes posés par la circulation des termes spécialisés dans divers cercles sociaux, où ils sont souvent utilisés de manière assez lâche, loin de leur définition restreinte (à l’instar de « fantastique » et « futuriste »), et sur les enjeux que présente leur traduction dans d’autres langues. Comment les artistes, les chercheurs et les journalistes ont-ils organisé ces différents genres entre eux, « science-fiction » comprise, dans les divers espaces culturels et linguistiques qui sont les leurs, et comment continuent-ils de le faire ? Sur le plan historiographique, un tel début d’inventaire devrait permettre d’évaluer l’éventuel gain et la pertinence d’une (ré)habilitation du terme « science-fiction » pour unifier et stimuler les recherches sur un domaine fragmenté, dont la connaissance s’avère fragmentaire.
Sur la base d’études de cas, l’ambition est d’assembler les premiers éléments utiles à une cartographie du théâtre de science-fiction. Les articles pourront relever de toutes les approches critiques et concerner toutes les aires culturelles et/ou linguistiques. En principe, les articles devront être rédigés en français. Pour tout renseignement complémentaire ou proposition sortant du cadre posé par l’appel, il ne faut pas hésiter à prendre contact avec le directeur du numéro (romain.bionda@unil.ch).
Échéances
Les propositions de contribution (env. 250 mots), accompagnées d’une brève bio-bibliographie, doivent lui parvenir le 15 décembre 2019 au plus tard. Une première version des articles devra être rendue le 15 juillet 2020, pour une parution au premier semestre 2021.