Thibault Hugentobler, Les arts appliqués à l’industrie du verre en Suisse. L’exemple de la Verrerie de Monthey

Quelques années avant la Verrerie de Saint-Prex, celle de Monthey en Valais collaborait déjà avec des artistes. Ces relations débutent avec Marc-Auguste Bastard en 1914 et se poursuivent au cours des années 1920 avec Juliette Matthey-de-l’Étang. Les deux figures genevoises imaginent des pièces à fabriquer, puis il et elle les décorent à l’émail, avant de les présenter dans des expositions d’arts décoratifs. Si le catalogue montheysan n’adopte pas ces nouveaux modèles pour autant, ces collaborations révèlent les potentialités d’une alliance entre les arts appliqués et l’industrie du verre helvétique, à une époque où la concurrence avec l’étranger est rude. La présente contribution entend mettre en lumière ces relations méconnues, tout en soulignant l’importance de la Verrerie de Monthey dans le premier tiers du XXe siècle.

Assortiment émaillé par Marc-Auguste Bastard, vers 1915. Original disparu ; tiré de Balet 2005, p. 41

Nicolas Bousser, Pierre Spicre au château Saint-Maire ? Le dossier complexe d’un peintre dijonnais du XVe siècle

Le château Saint-Maire, siège du Conseil d’État du Canton de Vaud, renferme plusieurs peintures murales datées entre le XVe et le XVIe siècle. Parmi celles-ci se trouvent un ensemble attribué au moins depuis le début des années 1930 à Pierre Spicre, peintre dijonnais dont le passage dans les sources est éclair. D’origine vraisemblablement nordique et peut-être tournaisienne, son nom apparaît pour la première fois dans les archives dijonnaises en 1470, avec une orthographe changeante et capricieuse allant de « Spicker », « Spilgr » ou encore « Spicr ». Retour sur l’origine de cette attribution et sur les problématiques autour du dossier complexe Spicre.

Anonyme, La Résurrection de Lazare, 3e tiers du XVe siècle, Beaune, chapelle Saint-Léger de la basilique collégiale Notre-Dame (photo Nicolas Bousser)

Gaëlle Nydegger, La photographie comme outil de construction de l’architecte. René Chapallaz et les enjeux de la publication

Vues de chantiers, de systèmes constructifs ou de bâtiments réalisés : par l’intégration de la photographie à ses outils d’architecte, René Chapallaz (1881-1976) a constitué des archives de sa production. Cette documentation soutenue ne concerne que le début de sa carrière, alors que, formé par un apprentissage (Zurich, 1897-1900), il s’affirme en indépendant et s’implante à La Chaux-de-Fonds. Ainsi, le médium l’accompagne véritablement dans son développement, son ascension professionnelle. Par le prisme de publications, il s’agit de démontrer la manière dont l’image sciemment construite de son architecture et de sa pratique lui permet de se positionner en tant qu’architecte.

René Chapallaz, photographies de son bureau à Tavannes publiées dans la Schweizerische Bauzeitung 52, 1908, 7, planche (Zurich, ETH Bibliothek, e-periodica.ch)

Giuliana Merlo, « Icônes de la modernité ou sculptures minimalistes ? Les voiles minces en béton d’Heinz Isler »

Auteur de près de 1400 coques en béton en Suisse et à l’étranger, Heinz Isler (1926-2009) s’inscrit dans la lignée des ingénieurs dits « structurels ». À la fois ingénieur et architecte, il recourt à des méthodes de création de formes peu conventionnelles, inspirées des lois de la nature, qui lui permettent d’obtenir des structures complexes, extrêmement stables, malgré leur finesse – proportionnellement parlant, elles sont trois fois plus fines que la coquille d’un œuf. Bien plus que des constructions utilitaires, les voiles minces, symboles de modernité et de progrès technique, se transforment devant l’objectif de l’ingénieur-artiste en de monumentales sculptures minimalistes, inscrivant son œuvre dans un nouveau discours.

Piscine couverte à Brugg
Heinz Isler, Piscine couverte à Brugg (AG), 1981 (gta Archiv / ETH Zürich).

Adrien Noirjean, « Sur les traces de Pierre Racine, ingénieur et architecte (v. 1665-1728). Compte rendu d’une enquête menée du Jura au fossé rhénan »

Qui était Pierre Racine, l’architecte du début du XVIIIe siècle ayant construit la résidence des princes-évêque de Bâle à Delémont ? Nous avons remonté les différents indices laissés tant par les échanges épistolaires des administrations que par les comptabilités de chantiers. Ceux-ci nous ont conduit à Bâle, à Neuchâtel, à Porrentruy, à Mulhouse etc. Étrangement, Pierre Racine était y était identifié tout à tour comme architecte, entrepreneur, directeur des bâtiments, ingénieur hydraulique, charpentier. Or, ces attributions étaient pour la plupart isolées, à tel point que nous avons supposé par moment l’existence de plusieurs personnages homonymes. Grâce à la découverte de documents jetant des ponts entre ces différents profils, nous sommes parvenu à reconstituer un parcours pour ce maître entrepreneur originaire des montagnes jurassiennes et actif essentiellement à Bâle, en Alsace et dans le Jura, avec à la clé, la redécouverte de quelques réalisations originales.

© AAEB

Philippe Boillat, « Les peintures murales médiévales de la Blanche Eglise de La Neuveville »

La Blanche Église de La Neuveville (BE) contient un des grands ensembles peints médiévaux de la région des Trois-Lacs. Situé en marge du centre médiéval de La Neuveville, surplombant la route menant à Bienne, l’édifice autrefois dédié à saint Ursanne est amplement reconstruit en 1345. Bien que l’église et ses peintures murales aient été restaurées en 1912-1914 et en 1986-1988, ces dernières n’ont jamais été étudiées de manière approfondie. Les peintures du chœur et d’une partie de la nef datent des XIVe et XVe siècles, alors que le reste de l’édifice est revêtu d’un décor de l’époque baroque (1639). L’article se concentre sur trois peintures murales médiévales en particulier: l’Adoration des Mages, le Martyre d’une sainte, et le saint Christophe. Outre la précision de la datation, il propose des découvertes intéressantes sur le plan stylistique comme sur le plan iconographique.

Claire PIGUET, « Charles-Henri Matthey (1880-1956). Un nom « qui restera attaché à la restauration de nos principaux monuments historiques »

« Les regrettables circonstances qui motivèrent, en 1934, la suspension, par le Conseil d’Etat, de l’intendant des bâtiments Charles-Henri Matthey, ne sont pas une raison d’oublier à tout jamais les services que ce citoyen a rendus au pays par son activité professionnelle et par d’heureuses initiatives et réalisations ».

A toute bonne histoire, son héros, ses ressorts dramatiques et son mystère! Pour quelles raisons, Charles-Henri Matthey (1880-1956) ne se voit-il accorder qu’un hommage en demi-teinte en lieu et place de l’éloge flatteur rendu habituellement aux notables? Suspension ou services rendus? Regrettables circonstances ou heureuses initiatives? Les termes a? connotations contradictoires se côtoient dans les rares nécrologies qui lui sont consacrées; ces mots sèment le doute sur le bilan de la carrière de l’intendant des bâtiments ayant œuvré à ce titre de 1902 à 1934 au service de l’Etat de Neuchâtel. Tentons de cerner le personnage à travers sa conception de la restauration et de la conservation du patrimoine.

Anne-Gaëlle Neipp, «La circulation des motifs dans l’oeuvre de Gustave de Beaumont. Entre modèles médiévaux, restaurations et créations»

Gustave de Beaumont (1851-1922) est un artiste genevois polyvalent, pratiquant aussi bien la peinture de chevalet que la peinture monumentale, et s’adonnant aussi parfois à la restauration de fresques médiévales. Formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève dans la classe de Barthélemy Menn, puis dans l’atelier de Jean-Léon Jérôme à Paris, ses sujets de prédilection sont la peinture de paysage et les scènes de genre, ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours à un registre historique et allégorique dans sa peinture monumentale.
L’étude de l’œuvre de cet artiste dans le cadre d’un mémoire de master, à travers une approche confrontant ses restaurations (décors peints de la chapelle des Macchabées et de l’église Saint-Gervais, à Genève) et ses œuvres monumentales de création dans le canton de Genève (Villa à Pressy, église de Confignon, mairie des Eaux-Vives), a permis de mettre en évidence la réutilisation de certains motifs entre ces différents champs d’action.

Denis Decrausaz, « Kuder & Müller, architecte à Strasbourg et Zurich au tournant du XXe siècle »

De 1892 à 1905, le bureau d’architecture Kuder & Müller, installé à Strasbourg et Zurich, participe au moins à une trentaine de concours et construit presque autant de bâtiments dans l’Empire allemand et en Suisse. Diffusée et commentée à l’époque par les médias, leur production est actuellement méconnue, car elle n’a jamais fait l’objet d’une étude monographique.

Pour répondre aux exigences d’une société en pleine mutation, Kuder & Müller emploient la copie, le collage, ou l’allusion à des formes historiques, savantes, ou pittoresques, toutes connotées. Qu’elle soit académique ou traditionnelle, leur production est aussi bien tributaire de la pratique architecturale du XIXe siècle qu’emblématique de l’horizon culturel de leur époque.

 

Laura Bottiglieri, « La maison de Kalbermatten dite « la Préfecture », à Sion »

Protégée par un portail grillagé et précédée d’une cour pavée, la maison dite «la Préfecture», en référence à un pan de son histoire, intrigue autant qu’elle impressionne. Autrefois clairement intégré au tissu urbain de la rue de la Porte-Neuve, par laquelle on y pénétrait, le bâtiment n’a eu de cesse de s’affirmer, depuis le début du XVIIIe siècle déjà, comme une maison de maître. La demeure de la famille de Kalbermatten est majestueuse, fière, imposante et dissimule tout de son splendide jardin, véritable havre de paix au cœur de la ville, lequel contribue à en faire un édifice atypique à Sion. Rien de tel pour piquer la curiosité de l’historien de l’art

Gilles PROD’HOM, « Le décor du salon de la maison du Pommier 7 à Neuchâtel: une oeuvre totale de l’ébéniste vaudois Pierre Abraham Guignard »

Situe?e au pied du cha?teau de Neuchâtel, la maison de la rue du Pommier 7 a conserve? une partie de son ame?nagement inte?rieur du XVIIIe sie?cle, en particulier le de?cor du salon, un ensemble de boiseries et de mobilier Louis XVI remarquablement conserve?. Le fonds du peintre Maximilien de Meuron, de?pose? aux Archives d’Etat de Neuchâtel, contient plusieurs pie?ces relatives aux travaux effectue?s par son pe?re Pierre-Henri, proprie?taire de la mai- son de?s 1775. Ces documents permettent de mieux e?clairer la créations du de?cor du salon, ainsi que d’esquisser la carrie?re de son auteur prèsume?, le menuisier, e?be?niste et de?corateur vaudois Pierre-Abraham Guignard.

David RIPOLL, « Une architecture pour la forme: les salles de gymnastique à Genève (1830-1914) »

Comme la salle de classe, la salle de gymnastique est un passage obligé, mais davantage que la première, la seconde laisse des traces, elle résonne dans les mémoires du fait de sa fonction particulière. Terrain de jeux et d’épreuves, c’est le corps qu’elle met prioritairement en scène: un corps en mouvement et en formation, un corps à l’examen, réceptif sinon vulnérable. D’où une substance mémorielle vivace, on pourrait même dire persistante, faite de souvenirs sonores et olfactifs, de réminiscences du sol, du volume d’air, de l’architecture; de la salle proprement dite, mais aussi des locaux attenants, vestiaires et douches.
Si l’histoire de l’éducation physique a fait, elle, l’objet de nombreuses études en Suisse comme ailleurs, le lieu dans lequel la gymnastique a été pratiquée n’a pas beaucoup intéressé les historiens de la pédagogie ou de l’architecture. Tout en portant sur un contexte relativement restreint, l’étude qui suit laisse entrevoir la richesse du gisement sportif, tant du point de vue de l’art de bâtir que des idées sur lesquelles il se fonde.

Irene QUADRI, « Les peintures murales du XIe et XIIe siècle au Tessin. L’apport des découvertes récentes »

L’étude du riche corpus des fresques du XIe et du XIIe siècle de l’actuel canton du Tessin – dont les territoires faisaient partie de la Lombardie jusqu’au XVIe siècle – permet de mieux comprendre certains développements de la peinture romane lombarde. La découverte, au cours de ces dernières décennies, de nouveaux décors peints tessinois relativement importants amène de surcroît un éclairage supplémentaire sur la question.
Une brève analyse de fresques découvertes à Sorengo, Cadempino et Muralto permettra de mettre en évidence les liens que les peintures de ces églises entretiennent avec certains des plus célèbres cycles lombards de l’époque, et soulignera à quel point la production picturale tessinoise, loin d’être marginale – le territoire du Tessin se trouve dans une zone géographique stratégique, sur le passage entre le Nord et le Sud des Alpes, et n’était donc pas une zone marginalisée – se conformait aux orientations artistiques les plus innovantes de la région de la plaine du Pô.