Qui sont ces femmes étrangères qui font irruption dans la production romanesque suisse romande du tournant du XXe siècle ? Les protagonistes d’Ægyptiacque (1891), de Luisita (1903) et des Circonstances de la vie (1906) empruntent nombre de leurs traits à des figures mythiques fortement connotées.
L’étude conjointe de ces romans révèle combien leurs auteurs – William Ritter, Édouard Rod et Charles Ferdinand Ramuz – participent à la mise en place et au renforcement d’un imaginaire collectif typique d’une époque traversée par de profonds bouleversements socioculturels. Cristallisant les angoisses suscitées par l’intensification de l’immigration autant que par l’essor du féminisme, les héroïnes des trois récits analysés dans le présent essai d’Océane Guillemin (Centre des littératures en Suisse romande) ajoutent à la menace de l’altérité étrangère celle d’une féminité incontrôlée.
Qu’elles tiennent d’Hélène, enlevée par Pâris et funeste à son insu, ou de Lilith, démoniaque « Ève avant Ève » nuisible à dessein, ces personnages doublement « autres » s’inscrivent obstinément dans la lignée des femmes fatales en rupture de ban.
Océane Guillemin, D’Hélène à Lilith. Figures de femmes étrangères en Suisse romande (1890-1914), postface de Daniel Maggetti, Lausanne, Archipel, vol. 25, coll. « Essais », 2017.