Auguste Blanqui et la Commune (2/2) : présence d’une absence
S’il n’a pas directement participé à la Commune de Paris, le révolutionnaire Auguste Blanqui est cependant lié à elle de différentes manières. Les 150 ans de la Commune nous offrent donc une belle occasion de revenir un peu sur la vie et la pensée d’un homme finalement assez méconnu.
Alors que le soulèvement fondateur de la Commune éclate le 18 mars 1871, Auguste Blanqui est enfermé depuis la veille sur ordre du gouvernement de Thiers en représailles à sa tentative de coup d’État du 31 octobre 1870. Blanqui, qui ne sera libéré que neuf ans plus tard, est donc absent durant tout l’épisode de la Commune. Pourtant, malgré cette absence, et parfois même sous l’angle de celle-ci, le nom de Blanqui revient souvent lorsqu’il s’agit d’aborder la Commune. Si l’éternel révolutionnaire manque la dernière révolution du XIXème siècle, il exerce encore une influence politique non négligeable dans la période qui la précède. En témoigne notamment la place occupée par les blanquistes – quel que soit le sens accordé à ce mot – dans les institutions de la Commune.
Dans un premier billet il a été question de la vie, de la pensée et des actions d’un homme, qui, pour incarner peut-être le mieux l’idée révolutionnaire qui traverse le siècle, s’en trouve parfois caricaturé. Ce premier aperçu nous a conduit.es à l’aube de la Commune, période durant laquelle Blanqui oscille entre l’impératif révolutionnaire et celui de défendre la patrie dans la guerre contre la Prusse.
Dans ce second billet « Auguste Blanqui et la Commune : présence d’une absence », nous interrogeons plus spécifiquement les liens entre Blanqui et la Commune, notamment au travers de l’importance qui a pu être accordée à son absence et du rôle des blanquistes dans la période. Nous voyons ensuite comment Blanqui semble après la Commune se détourner un temps des contingences de la politique par l’écriture d’un texte en apparence étonnant : L’Éternité par les Astres. Le billet s’achève par quelques éléments de bibliographie.
Auguste Blanqui et la Commune : présence d’une absence
Des années 1830 à l’aube de la Commune, Auguste Blanqui porte une vision résolument révolutionnaire de l’action politique, entre périodes d’activisme et successions d’enfermements. Si en quarante ans les régimes et événements politiques se sont succédé, la façon dont Blanqui appréhende la question politique est restée sensiblement la même. De cette remarquable stabilité, il tire une certaine aura, incarne la permanence d’un idéal révolutionnaire qui traverse le siècle. Pour cette raison sans doute, on a tendance à associer le nom du vieux révolutionnaire à la troisième et dernière révolution du XIXème siècle, à laquelle il ne participe pourtant pas. Il s’agit donc dans ce deuxième billet de s’attarder un peu sur la présence de Blanqui durant la Commune, de mettre en avant comment cette présence, et son absence, ont pu jouer un rôle dans les événements, en se gardant toutefois de sur-interpréter la place que l’on a parfois tendance à lui accorder, ni de faire de la Commune une révolution proprement blanquiste.
La tête qui lui a manqué ?
L’image souvent retenue du rapport de Blanqui avec la Commune et celle du rôle déterminant de son absence, de la place que celui-ci aurait pu occuper durant la Commune s’il n’avait été arrêté le 17 mars 1871. Selon le mot et l’opinion célèbre de Marx dans La Guerre Civile en France à propos du comportement de Thiers refusant toute possibilité de libération de Blanqui : « Il savait qu’avec Blanqui, il donnerait une tête à la Commune »[1]. L’attitude de Thiers vis à vis de Blanqui, le « traitement de faveur » qu’il lui accorde laisse en effet à penser que ce dernier représente à ses yeux une menace importante. Non content de réclamer son arrestation le 17 mars alors que le mécontentement de la population parisienne contre le gouvernement s’accentue, il ordonne également contre ce dernier des conditions de réclusion drastiques. Blanqui est secrètement déplacé à la prison de Cahors, interdiction lui est faite de toute communication avec l’extérieur et les sorties hors de sa cellule sont réduites au strict minimum. Le point culminant de cet acharnement de Thiers évoqué par Marx est bien sûr l’affaire des otages. Les nombreux blanquistes influents durant la Commune (Rigaud, Tridon, Flotte, pour n’en citer que quelques-uns) font de la libération de Blanqui un enjeu politique essentiel : pour faire céder Thiers, ils tentent de négocier l’échange de Blanqui contre l’archevêque de Paris détenu par la Commune, puis, essuyant un premier refus, vont jusqu’à mettre en balance la libération de 74 otages, essentiellement des hommes d’église. Thiers maintient cependant son refus, arguant – si on en croit Flotte, chargé des négociations – que « rendre Blanqui à l’insurrection, c’était lui envoyer une force égale à un corps armé »[2].
Les craintes de Thiers de voir Blanqui rejoindre l’insurrection semblent donc réelles, de même que l’obstination de nombreux membres de la Commune à voir leur ancien chef libéré. « L’affaire des otages » est devenue un moment marquant de la Commune, symbole de la cruelle intransigeance du gouvernement versaillais. Présent malgré son absence donc, Blanqui est même nommé, honorifiquement, membre de la Commune de Paris dans plusieurs arrondissements. Il s’en faut de beaucoup cependant pour affirmer à partir de là que l’absence de Blanqui a pesé sur la façon dont s’est déroulée la Commune, que celle-ci aurait connu un sort différent sous l’influence ou la direction du vieux révolutionnaire. Tout cela relève bien entendu du domaine des conjectures, mais ce serait faire bien peu de cas de ce qu’a été la Commune que de réduire les formes qu’elle a pu prendre et le destin qui fut le sien à la présence ou non d’une sorte de chef ou de guide. Par ailleurs, on l’a dit, l’influence et le poids politique de Blanqui restent principalement cantonnés aux blanquistes qui l’entourent. Sans oublier, également, les dissensus que pouvaient provoquer Blanqui et ses positions politiques : significativement, Delescluze s’oppose à la proposition que font Tridon et d’autres blanquistes d’attribuer à Blanqui la présidence d’honneur de la Commune de Paris.
La question de la libération de Blanqui se pose donc réellement avec insistance durant la Commune, et préoccupe une partie des insurgés. Cependant, on l’a vu, c’est par Marx et par les lectures marxistes de la Commune que s’est imposée l’idée du rôle déterminant de l’absence de Blanqui. Or cette lecture est au moins autant politique qu’historique. Ce n’est en effet sans doute pas tant l’absence de Blanqui en tant que tel que Marx cherche à mettre en avant que l’absence d’une « tête » à la Commune. Autrement dit, l’importance donnée à l’absence de Blanqui peut être vue comme l’un des instruments de la critique marxiste de la Commune comme d’une insurrection ayant manqué d’une organisation stratégique efficace.
Les blanquistes et la Commune
Autre lien indéniable entre la Commune et Blanqui, la place importante jouée par les blanquistes au sein de celle-ci. On retrouve par exemple Tridon, qui est l’un de ses plus proches amis depuis leur rencontre à la prison de Saint-Pélagie, élu au Conseil de la Commune puis nommé dans deux institutions clés : la Commission exécutive et la Commission de la guerre. Autre figure essentielle, Rigaud, nommé délégué civil à l’ex-Préfecture de Police, joue un rôle important dans les arrestations politiques auxquelles procèdent les insurgés puis dans la création du Comité de Salut Public. Sans être un proche de Blanqui au même titre que Tridon ou Flotte, Rigaud gravite autour de lui dans les années qui précèdent la Commune, et on le retrouve au côté du même Tridon à l’initiative des tentatives de libération de celui-ci.
Parler avec certitude de ce que représentent les blanquistes durant la Commune s’avère cependant délicat. Souvent usitée, l’étiquette blanquiste est bien plus rarement interrogée. Indéniablement, il y a bien des « blanquistes » occupant des positions politiques importantes durant la Commune, des individus préparés et entraînés à l’événement révolutionnaire, qui mobilisent durant celle-ci les liens et réflexes politiques hérités de leur action autour de Blanqui. Au-delà de cette proximité, de cette convergence de fait, il semble moins évident de dessiner les contours d’un « blanquisme », d’attribuer aux blanquistes un système idéologique au sein duquel s’inscriraient leurs actions durant la Commune. Les travaux à ce sujet demeurent assez peu nombreux, et s’inscrivent généralement dans la lignée des commentaires de Marx et Engels, réduisant le blanquisme à une conception de l’action politique tournée vers l’action révolutionnaire d’une minorité agissante cherchant à prendre le pouvoir pour l’exercer ensuite au nom de tous. À ce titre, la création du Comité de Salut Public dans l’optique de redonner de la verticalité à la structuration politique de la Commune s’inscrirait dans cette logique blanquiste, comme en témoignerait l’implication des blanquistes Rigaud ou Eudes. Sans prétendre réfuter cette lecture, soulignons simplement que les blanquistes sont loin d’être les seuls à l’initiative de la création puis à la participation au Comité, et que Tridon, blanquiste par excellence, s’oppose à cette création. Il paraît donc difficile d’affirmer que Blanqui, par l’influence qu’il a sur une mouvance blanquiste jouant un rôle important dans le déroulé des événements et exerce une sorte d’influence indirecte sur la Commune.
La Commune, révolution blanquiste ou anti-blanquiste ?
Parmi les principales mesures prises durant la Commune, certaines font particulièrement écho à ce que Blanqui identifie dans ses prises de positions de 1848 ou dans ses écrits plus tardifs comme les mesures provisoires à prendre suite à l’événement révolutionnaire. On retrouve ainsi la proclamation de l’instruction gratuite, laïque et obligatoire, la séparation de l’Église et de l’État ou encore l’importance accordée à l’organisation militaire citoyenne. Difficile cependant d’attribuer à Blanqui le monopole de ces conceptions. À l’inverse, le souci d’organiser des élections immédiatement après l’insurrection du 18 mars, de même que l’extrême importance accordée aux modalités de la participation et de la structuration politique durant la Commune semblent très éloignés de la façon dont Blanqui théorise la nécessité d’une période de neutralisation du politique dans l’après-révolution. Blanqui, le 31 octobre 1870, avait pris position contre l’organisation d’élections jugées d’importance secondaire face à l’urgence de la guerre, et on peut risquer l’hypothèse qu’il n’aurait pas accueilli très favorablement la tenue d’élections dès mars 1871. Au reste, le résultat des élections de mars met à mal les conceptions de Blanqui. Bien loin de se comporter comme un peuple encore impropre à reconnaître par lui-même ses propres intérêts et enjeux politiques en favorisant le camp réactionnaire, les votants du 28 mars portent en grande majorité leurs voix vers les candidats les plus radicaux et désormais membres de la Commune.
En somme, la Commune, dans sa spontanéité, son inventivité, sa dimension horizontale, offre un démenti, renvoie à une forme d’archaïsme la conception blanquiste de la révolution. Il n’y aura pas eu besoin d’une minorité éclairée pour conduire la révolte populaire, ni d’une période dictatoriale afin que le peuple redevenu souverain politiquement face preuve de la créativité politique et du communisme presque instinctif que Blanqui n’accordait qu’au deuxième moment de la révolution.
Blanqui après la Commune, l’indifférence et l’Éternité
Un non-événement ?
Si la Commune apporte dans les faits une forme de démenti aux conceptions blanquistes de l’action révolutionnaire, Blanqui ne semble guère vouloir en tirer de leçons. Dans Critique Sociale, dont il commence la rédaction avant les événements de la Commune mais qui n’est publiée qu’en 1885, il va même jusqu’à étendre la durée nécessaire de dictature provisoire à dix ans. Il faut dire aussi que l’échelle parisienne de la Commune ne peut pas effacer totalement la méfiance qu’a Blanqui des élections, puisqu’à ses yeux ce sont surtout les territoires ruraux qui seraient les plus susceptibles de redonner par le vote le pouvoir aux forces réactionnaires, ces derniers étant selon lui tenus éloignés des thèses républicaines avancées et les plus soumis à la propagande religieuse et politique.
Il peut sembler plus étonnant encore de voir que Blanqui ne fait aucune mention de la Commune dans L’Éternité par les Astres dont il entame pourtant la rédaction dans sa prison du Château du Taureau juste après l’événement. Il est cependant peu question de faits politiques dans L’Éternité par les Astres. Il semble par ailleurs difficile de trouver des traces d’écrits de Blanqui sur la Commune. Si la connaissance des écrits de Blanqui demeure trop incomplète pour voir avec certitude dans cette absence apparente de mention à la Commune une indifférence à celle-ci, on peut néanmoins risquer une hypothèse : si Blanqui semble peu sensible à la Commune, c’est sans doute parce qu’il ne l’a pas vécue. Blanqui, en 1872, a presque septante ans. Il a déjà vécu les révolutions de 1830 et 1848, les tentatives d’insurrection de 1839 ou 1847 et totalise plus de trente ans d’emprisonnement. Rien que dans les mois qui précèdent la Commune, il s’est engagé par trois fois dans des tentatives de renversement du pouvoir, tout en plaçant son énergie dans l’effort de guerre contre la Prusse. En somme, noyés dans cette temporalité subjective, les septante-deux jours de la Commune n’ont sans doute pas le même sens, la même place pour Blanqui que pour celles et ceux qui y ont pris part, qui ont fait l’expérience de l’extraordinaire de l’événement, dans ses accomplissements comme dans l’horreur de son issue.
Après la Commune, L’Éternité
Il serait par ailleurs exagéré de dire que seule la Commune de Paris fait l’objet d’une mise à distance dans L’Éternité par Les Astres, texte sans conteste le plus étonnant et pour cela le plus célèbre de Blanqui, objet de plusieurs riches et belles analyses.
Beaucoup a été écrit à propos de L’Éternité par les Astres, dont l’originalité favorise sans doute l’élaboration d’hypothèses interprétatives. Dans une lecture psychologique, les méditations cosmogoniques seraient pour l’Enfermé de toujours l’occasion d’une sorte d’évasion. Dans le même ordre, Blanqui trouverait, en décrivant un univers composé d’une infinité de planètes identiques sur lesquelles évoluent une infinité de nos sosies aux vies parfois similaires, mais parfois divergentes, une forme de consolation. Les échecs d’ici étant alors sans doute ailleurs des réussites. Blanqui, en outre, en délaissant le champ du politique pour celui de la science, et dans son insistance à voir son texte soumis à l’Académie des sciences, chercherait un moyen de peser dans le sens de sa libération. Il n’est nul besoin de départager ces lectures de L’Éternité, sûrement toutes pertinentes et complémentaires. Les plus fécondent semblent cependant être celles qui prennent au sérieux ce que fait Blanqui dans ce texte, la vision du monde qu’il y développe et ce que cette vision implique en termes de conception du politique.
L’Éternité par les Astres, est, comme l’indique son sous-titre, une « hypothèse astronomique » et même cosmogonique, c’est à dire une tentative de description de l’origine de l’Univers, de sa composition et de son fonctionnement, exercice assez courant dans les champs scientifique et politique du XIXème siècle. Le raisonnement de Blanqui se veut résolument scientifique, il s’attache à s’inscrire dans la succession de savants comme Laplace et à appuyer son raisonnement sur des pratiques astrologiques récentes telles que l’analyse spectrale. La démonstration qu’il développe dans L’Éternité peut être résumée sous forme de syllogisme : l’Univers est infini, dans le temps comme dans l’espace. Or, le nombre des éléments qui composent cet Univers est quant à lui fini : une soixantaine d’atomes, peut-être cent tout au plus. La reproduction à l’infini d’un nombre fini d’éléments conduit donc nécessairement à une infinie reproduction de combinaisons similaires. En conséquence, explique Blanqui, il existe dans l’infini du temps et de l’espace une infinité de planètes identiques à la nôtre, sur lesquelles évoluent des individus en tout point semblables. Cette similitude va jusqu’à s’exercer au niveau individuel : il existe une infinité de Blanqui, et parmi cette infinité certains vivent la même vie que lui, d’autres des vies différentes.
Sur le plan politique, cette vision du monde a pu être lue, semble-t-il à juste titre, comme une formidable réponse aux conceptions déterministes de l’histoire et aux conceptions absolutistes de la science[3]. Blanqui, dans cette infinité de reproduction à l’identique, fait ainsi l’hypothèse de ce qu’il appelle des « bifurcations », des moments où les événements, l’histoire, prennent un chemin plutôt qu’un autre parmi l’infini des possibles. Deux situations identiques peuvent ainsi avoir deux destins différents : Waterloo être ici une défaite, ailleurs une victoire. En conséquent, l’infinité des bifurcations possibles dément en soi les prétentions à déterminer l’avenir ou le cours futur de l’histoire sur des bases scientifiques : le positivisme, entre autres, est ici réfuté. Il y a là de la part de Blanqui une prouesse rhétorique assez remarquable : il tente de prouver scientifiquement que la science n’est pas capable d’apporter des réponses définitives sur les plans de la politique et de l’histoire. L’idée d’une loi historique du progrès, d’un sens de l’histoire, est également balayée d’une part par l’infinité des voies qu’offre l’infinité des possibles bifurcations, d’autre part par la façon dont la dimension cyclique de la cosmogonie élaborée par Blanqui annule en elle-même la notion d’un Progrès comme fondement des lois du développement historique. Il n’y a pas de progrès absolu, seulement des progrès relatifs possibles à l’échelle d’une planète et d’un cycle de répétitions. Ces progrès ne sont pas garantis, promis par les lois scientifiques ou des certitudes religieuses, mais dépendent des actions des individus, de leurs capacités à produire des bifurcations dans des contextes propices.
Blanqui fait donc en apparence peu de cas de la Commune dans l’Éternité par les Astres. L’hypothèse astronomique qu’il développe porte cependant en elle une conception particulière de l’évènement historique et de la façon de l’appréhender. Prendre au sérieux cette conception nous permet alors sans doute de comprendre cette mise à distance de la Commune que semble effectuer Blanqui, et comment cette mise à distance n’est ni un détachement, ni le signe d’un désintérêt. En postulant la répétition à l’infini d’un même moment historique dans le temps et dans l’espace, Blanqui le décharge en effet de son sens comme de son importance. La révolution de 1848 ou la Commune n’ont rien d’unique et d’inédit. Elles ne sont que la manifestation ici perceptible de leurs existences multiples. Elles ont eu, ont et auront lieu encore une infinité de fois. Une telle vision pourrait alors tendre à diminuer l’importance conférée à ces événements. Blanqui reconnaît l’humilité à laquelle invite sa cosmogonie, lui prête même un caractère « mélancolique »[4] mais ne semble cependant pas en faire une invitation à la déresponsabilisation ou au détachement. L’infinité des mondes demeurant inaccessible, chacun peut et se doit d’agir dans le sien. L’infinité des possibles qu’offrent les possibilités infinies de bifurcations différentes à partir d’un même événement redonne alors au contraire aux actes individuels ou collectifs toute leur potentialité créatrice, au-delà de tous les chemins prédéfinis.
Si l’Éternité peut être vue comme une tentative de décharger l’événement de sa signification, c’est donc bien plutôt au niveau des leçons qu’il peut être possible d’en tirer, et dans ce que son devenir peut ou ne peut pas dire de lui. En somme, la lecture téléologique en devient impossible. Le fait que 1848 ou la Commune aient échoué ne dit rien de définitif en soi sur ces événements, et surtout pas qu’ils étaient a priori destinés à l’échec. La preuve, ils ont pu, ils ont dû, ailleurs, être des succès. La Commune de Paris n’est donc pas la « dernière révolution » au sens de l’ultime soubresaut révolutionnaire d’un siècle qui parviendrait enfin à se stabiliser et entrer définitivement dans la modernité, mais l’expression sans cesse possible et répétée de ces moments de l’histoire où semblent s’ouvrir tous les possibles : « N’oublions pas que tout ce qu’on aurait pu être ici-bas, on l’est quelque part ailleurs. »[5].
Quelques éléments de bibliographie sur Auguste Blanqui
Les ouvrages de Maurice Dommanget
- Dommanget, Maurice, Auguste Blanqui à Belle-Ile, Paris, Librairie du Travail, 1935.
- Dommanget, Maurice, Blanqui, la guerre de 1870-71 et la Commune, Paris, Domat, 1947.
- Dommanget, Maurice, Un drame politique en 1848 (Blanqui et le document Taschereau), Paris, Les deux Sirènes, 1948.
- Dommanget, Maurice, Blanqui et l’opposition révolutionnaire à la fin du Second Empire, Paris, Armand Collin, 1960.
- Dommanget, Maurice, Auguste Blanqui au début de la IIIe République (1871-1880), Dernière prison et ultimes combats, Paris, Mouton, 1971.
- Dommanget, Maurice, Les Idées politiques et sociales d’Auguste Blanqui, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1957.
Autres Biographies
- Geoffroy, Gustave, Blanqui, L’Enfermé, L’Amourier Edition, Coaraze, 2015 [1886].
Blanqui en BD
- Le Roy, Maximilien et Locatelli Kourwsky, Loïc, Ni Dieu Ni Maître : Auguste Blanqui l’Enfermé, Casterman, Paris, 2014.
Sur Blanqui et l’Éternité par les Astres
- Bensaïd, Daniel et Löwy, Michael, « Auguste Blanqui, communiste hérétique », in Corcuff Philippe (dir.), Maillard Alain (dir.), Les socialismes français à l’épreuve du pouvoir (1830-1947) – Pour une critique mélancolique de la gauche, Paris, Textuel collection «La discorde», 2006.
- Fages, Volny, « Ordonner le monde, changer la société. Les systèmes cosmologiques des socialistes du premier XIXe siècle », Romantisme 1/2013 (n°159), p. 123-134.
- Hamel, Jean-François, « »Rien de nouveau sous les soleils ». Répétition et origine de l’histoire dans L’Éternité par les Astres de Blanqui », Protée, vol. 28, n° 1, 2000, p. 45-58.
Léonard Bartier est bibliothécaire à Paris. Il est diplômé en Histoire de la pensée politique de L’École normale supérieure de Lyon où il a soutenu en 2016 un mémoire de recherche intitulé «Critique sociale, cosmogonie et révolution chez Auguste Blanqui : un socialiste atypique ?».
Notes de bas de page
- Marx, Karl La guerre civile en France, Paris, Fayard/minuit, 2007 [1871], p. 70. ↩
- Propos rapporté par G. Geoffroy dans Blanqui : l’Enfermé, p. 490. ↩
- Voir notamment : Fages, Volny « Ordonner le monde, changer la société. Les systèmes cosmologiques des socialistes du premier XIXe siècle », Romantisme 1/2013 (n°159), p. 123-134. ↩
- Blanqui, L’Éternité par les Astres, Les impressions nouvelles, p. 122. ↩
- Blanqui, L’Éternité par les Astres, p. 120. ↩
Pour citer ce billet de blog : Léonard Bartier, « Auguste Blanqui et la Commune (2/2) : présence d’une absence », Blog du Centre Walras-Pareto, 1 octobre 2021, https://wp.unil.ch/cwp-blog/2021/10/auguste-blanqui-et-la-commune-2-sur-2/.