Mélanie Romero

Création d’un Royaume

En quittant l’UNIL après l’obtention d’un diplôme en sciences politiques, Mélanie Romero se destinait à une carrière dans la banque. Pendant son temps libre, elle s’amusait avec sa sœur à la création d’un royaume féérique et magique, bulle de légèreté dans son quotidien effréné. Aujourd’hui, elle règne à plein temps sur ce royaume.

Un renne blanc. Des assiettes en carton ornées de renards roux. Des cupcakes bleus, verts ou violets dans une vitrine. Des tabliers, des T-shirts anthracite frappés de la devise «De toute façon je m’en fous, j’suis une princesse». Des ustensiles de cuisine de toutes formes et couleurs. Et par-dessus une odeur sucrée de sablés en pleine cuisson. Un matin d’hiver, voilà l’ambiance qui régnait au Royaume MELAZIC, une boutique installée à la rue Madeleine à Lausanne.

C’est ici que l’on rencontre Mélanie Romero, cofondatrice de ce doux univers avec sa sœur cadette Soizic. «Le mot MELAZIC, un collage de nos prénoms, a été créé alors que nous étions enfants. A l’époque, nous avions fabriqué un petit journal, fait de documents agrafés et de photocopies réalisées à la poste», se souvient-elle. Une «envie de créer» qui ne les a pas lâchées.

Dès le gymnase, suivi à Yverdon-les-Bains, Mélanie Romero avait mis les pieds dans le monde professionnel. Outre l’enseignement et la vente, elle s’est approchée du journalisme, un métier pour lequel la trentenaire possède les qualités nécessaires: la curiosité et le goût de l’indépendance. C’est ainsi qu’elle a écrit des «piges» pour La Région Nord Vaudois24 Heures et Télétop Matin.

Cette idée s’est toutefois éloignée pendant ses études en Science politique à l’UNIL, entamées en 2001. «Ce cursus me correspondait bien, explique Mélanie Romero. J’y ai appris à déconstruire la réalité, à comprendre le fonctionnement des institutions, tout en m’ouvrant l’esprit et en satisfaisant ma curiosité intellectuelle.» Les capacités d’analyse et de synthèse, ainsi que l’esprit critique acquis dans les auditoires lui servent encore. L’étudiante qu’elle était a profité de «faire son marché», en suivant des cours en psychologie de l’enfant ou en histoire médiévale.

Parallèlement à la fin de ses études et à son activité professionnelle – notamment dans le milieu bancaire –, Mélanie Romero fait germer l’idée MELAZIC avec la complicité de sa sœur. Cette dernière s’est formée dans le domaine de la communication. «Au début, nous regardions cela comme un hobby. Puis, en constatant l’intérêt de nos proches pour nos créations, comme des sacs ou des vêtements, nous nous sommes dit qu’il y avait quelque chose à en faire.»

C’est en 2006 que MELAZIC a vu le jour. A cette époque, les sœurs Romero ont approché l’association Genilem, qui accompagne les jeunes entreprises. «Notre projet était très ambitieux, peu structuré et partait dans tous les sens», se souvient Mélanie. Si les idées ne manquaient pas, «nous avons dû tout apprendre, comme par exemple à préparer un business plan.»

S’étendant peu à peu, le Royaume MELAZIC a d’abord existé sur le Net. Les cupcakes, «la nourriture des princesses et des princes», de féériques gâteaux et les ateliers de pâtisserie pour enfants et adultes se sont ajoutés petit à petit. Les patronnes ont conservé un emploi en parallèle à la croissance de leur société. «C’est à la naissance de ma fille, en 2012, que je me suis jetée à l’eau en devenant indépendante», indique Mélanie Romero. Les sœurs ouvrent une boutique à Lausanne, d’abord à la rue Vinet puis à l’emplacement actuel en 2013. «Je n’aurais jamais pu lancer l’entreprise avec quelqu’un d’autre que Soizic, souligne Mélanie. Dans la vie d’entrepreneuse, il y a des hauts et des bas, des déceptions, beaucoup d’émotions. L’équipe de base doit être très solide.»

Grâce à un crowdfunding, un magasin a ouvert à Genève en septembre 2017. Le Royaume MELAZIC compte douze employés, dont les deux fondatrices. La preuve que l’on peut créer un univers de conte de fées tout en gardant les pieds sur terre.

Parlez-nous de votre société

Enfant, j’étais persuadée de détenir des pouvoirs magiques, tandis que ma sœur Soizic voulait porter exclusivement des jupes mauves. Quelques années plus tard, et toujours aussi complices, nous avons créé le Royaume MELAZIC. Textiles, objets cadeaux, cupcakes, articles de pâtisserie et ateliers créatifs : notre marque se plie en quatre depuis 2006 pour exaucer (presque) tous les souhaits des Princesses d’aujourd’hui! En juin 2013, nous avons ouvert une arcade de 200m2 en plein cœur de Lausanne suivie par une deuxième à Genève, en septembre 2017.

Êtes-vous née dans une famille d’entrepreneur·es?

Non, pas du tout! Une grande partie des membres de ma famille est fonctionnaire et personne n’est entrepreneur.

Quelle était votre situation personnelle au démarrage de votre projet? Quel soutien vous ont apporté vos proches?

Je rédigeais mon mémoire de licence, tout en débutant ma carrière professionnelle dans le domaine bancaire. Au démarrage, notre entourage (amis et famille) nous a beaucoup soutenues par leur présence et participation à nos divers projets, comme par exemple notre premier défilé de mode au D! Club à Lausanne.

Le trait de votre caractère qui s’est révélé le plus précieux pour vous lancer?

L’endurance – il ne faut pas avoir peur de travailler énormément – et la faculté de rebondir lors de difficultés: ne jamais se laisser abattre.

Votre pire cauchemar au début? Et aujourd’hui?

Au démarrage, nous n’avions pas tellement réfléchi ; nous étions plutôt insouciantes, donc sans réelle crainte. Nous considérions notre entreprise comme un «hobby» et ce n’est que plus tard que nous avons vraiment pris conscience de notre statut d’entrepreneures. Aujourd’hui, nous n’avons pas réellement de cauchemar mais plutôt des craintes récurrentes. Parmi celles-ci le manque de liquidités et notre responsabilité vis-à-vis de nos employées. Cela s’est fait notamment ressentir en mars dernier lorsque la crise du covid-19 a démarré…

Les tâches les plus saugrenues que vous n’aurez jamais cru devoir faire.

Un dirigeant d’entreprise doit être en mesure de tout faire. A un moment où l’autre, il remplace ses employés en cas de maladie, fait face aux urgences et gère les imprévus. Cela va du remplacement au pied levé d’une employée pour un atelier à la réparation d’un frigo qui coule, en passant par le déménagement d’un local à la recherche effrénée de beurre et de sucre glace en plein Noël d’entreprise, avec 400 enfants car la pâtissière n’avait pas bien fait ses calculs…

Nous avons vécu les situations les plus «extrêmes» dans le cadre du Paléo Festival où nous tenons un stand depuis 2011, comme ce jour où nos frigos nous ont tous lâchées avec des températures avoisinant les 30 degrés. Nous considérons cela comme notre «Koh Lanta» à nous. Je ne me rappelle de rien d’autre, j’ai une mémoire sélective qui élimine les souvenirs trop pénibles. En quinze ans nous avons vécu quelques étapes difficiles, bien évidemment!

Une activité à laquelle vous avez dû renoncer depuis que vous êtes à la tête de votre entreprise.

Nous avons créé notre entreprise parallèlement à nos études et/ou nos vies professionnelles et parvenions assez bien à gérer les deux de front. Après mon accouchement, en 2012, j’ai pris conscience que je ne pourrais pas tout faire entre un emploi à 80% à Genève, le développement d’une entreprise et gérer mon bébé. J’ai donc donné ma démission sans hésitation à l’issue de mon congé maternité pour me consacrer à 100% à mon entreprise. Une décision que je n’ai jamais regrettée!

Le défi que vous avez relevé et qui vous fait bomber le torse quand vous y pensez.

Ce n’est pas forcément un défi mais l’engagement de notre premier employé est une vraie source de fierté! Nous relevons des défis presque chaque jour. Toutefois, je bombe le torse lorsque je considère tout ce que nous sommes parvenues à créer en près de 15 ans!

Une journée «noire». Rien ne va comme prévu. Votre recette pour rester positive?

Je me suis toujours dit que lorsque quelque chose ne fonctionne pas, c’est qu’autre chose de mieux m’attend. Avec cette philosophie, tout devient simple et il est plus facile de rebondir après un échec ou une difficulté. Cela me permet aussi de garder l’esprit ouvert, de ne pas me renfermer et d’être en mesure de saisir les opportunités.

Je n’aime pas trop la notion de «chance», mais je pense qu’il est possible de provoquer les opportunités par son état d’esprit. Ceci dit, je reste humaine donc quand rien ne fonctionne durant une journée, rien de tel qu’un petit apéro avec ma sœur pour débriefer et prendre un peu de recul!

Avez-vous une devise que vous souhaiteriez partager?

Être passionnée et convaincue de son projet car le chemin qui nous attend n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut être prête à se dépasser, à travailler énormément. Ne jamais considérer que quelque chose est impossible, se fixer des buts et tout faire pour les atteindre. Sans passion, je ne pense pas que cela soit surmontable.

Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 19 octobre 2020

Témoignage à retrouver dans le n°69 d’Allez savoir!

Article de David Spring
Photo: Mélanie Romero. 35 ans. Cofondatrice de MELAZIC. Licence ès Science politique (2006).© Pierre-Antoine Grisoni /Strates