Observer les hauteurs en restant confortablement assis dans un siège de cinéma, c’est ce que proposent les rencontres Montagnes et sciences le 30 septembre. Sur le site de l’événement, il est écrit qu’il s’adresse à « celles et ceux qui veulent regarder la montagne autrement ». Mais ça veut dire quoi, « autrement » ?
La caméra se situe derrière l’œil d’un scientifique. Un regard curieux qui cherche à comprendre comment et pourquoi. Non seulement les quatre films proposés dans le cadre du festival prennent la perspective de celles et ceux qui ont dévoué leur carrière à la compréhension des montagnes, mais ils seront aussi suivis par des échanges pour permettre de mieux les décrypter.
L’œil de deux scientifiques
Ce sont par exemple les yeux de Jacques Mourey et Jean Miczka, chercheurs au Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne (CIRM) de l’Université de Lausanne, qui donneront une nouvelle perspective sur les hauteurs. Les scientifiques prendront part aux échanges du 30 septembre afin de parler de l’effet du changement climatique sur la pratique de l’alpinisme.
Leurs bureaux sont entourés par les montagnes protectrices à Bramois, un endroit parfait pour les analyser. Dans leurs recherches, ils suivent de près les conséquences du dérèglement climatique : des saisons décalées, des accès aux refuges plus difficiles ou encore des pénuries d’eau, ce qui force les guides et les refuges à s’adapter. Nouveaux itinéraires, diversification des activités… Chacun trouve des solutions. « Les pratiquants voient bien l’effet du réchauffement climatique sur leurs activités. Ils n’ont cependant pas le temps d’effectuer une étude scientifique. Nous, on a non seulement le temps mais aussi les compétences pour le faire », précise Jacques Mourey.
L’exactitude sur le terrain
Des compétences qui se retrouvent notamment dans la pluralité des approches que les deux chercheurs utilisent. Jean Miczka étudie la gouvernance des refuges de montagne, c’est-à-dire l’ensemble des entités qui ont une influence, directe ou indirecte, sur les activités du lieu. « Il est intéressant par exemple de voir comment et quand les acteurs et actrices travaillent ensemble face au réchauffement climatique. À mon avis, la collaboration deviendra de plus en plus nécessaire. » Le chercheur fait partie du programme HutObsTour, une union entre l’Université de Lausanne et celle de Grenoble Alpes, élargissant les analyses aux dynamiques suisse et française.
De son côté, Jacques Mourey observe l’adaptation des guides de montagne dans leurs pratiques. Il a notamment retrouvé des randonnées dans le livre Les Alpes valaisannes. Les 100 plus belles courses, écrit par Vaucher en 1979. Il a pu comparer les trajectoires et niveaux de difficulté de l’époque aux itinéraires empruntés aujourd’hui et en déduire l’impact du réchauffement climatique. Son travail chevauche à la fois les géosciences et les sciences humaines, puisqu’il observe autant la géomorphologie que les conséquences des changements sur les pratiquants.
Les deux chercheurs se rendent ainsi fréquemment en altitude pour observer les lieux et discuter avec les acteurs et actrices qui foulent le terrain avec eux.
La montagne, lieu de collecte autant que d’échange
Les pratiquants ne sont pas seulement une source d’informations, explique Jacques Mourey : « Le but est que les données ne restent pas dans mon bureau mais retournent sur le terrain. J’ai besoin de sentir mon travail utile dans la vie de tous les jours. » Grâce à la « recherche-action », les alpinistes aident les scientifiques dans leur récolte de données, les chercheurs les analysent et les résultats sont directement discutés avec les acteurs. Cela permet d’avoir suffisamment de recul sur le phénomène et aussi de prendre le temps de discuter de solutions ensemble.
De belles images et réflexions
Partager les connaissances scientifiques semble être une évidence pour ces projets. Il est donc naturel de prolonger cette ligne en organisant des événements tels que ce festival, qui permet de voir la montagne « autrement ». Cela signifie par exemple contempler ce qu’elle subit avec une rigueur et une attention particulières. Si les deux chercheurs la voient autrement, ils restent avant tout des passionnés : « Je la vois avec mon petit œil à moi », conclut Jacques Mourey.
Infos pratiques de l’événement
Date : vendredi 30 septembre 2022
Lieu : Espace Saint-Marc, Le Châble
Bar et restauration : dès 18h30
Début de la projection : 20h
Fin de la projection : 22h30
Tarifs : CHF 10.- par personne. Gratuit pour les étudiant·e·s et les enfants de moins de 16 ans. Billetterie possible sur place.
Réservations : www.montagnes-sciences.fr