À l’automne 2024, 3590 membres de la communauté Unil ont pris le temps de répondre à l’enquête Climat de travail et d’études. Les résultats dressent le portrait d’une communauté globalement satisfaite et plus confiante qu’il y a deux ans. Mais certaines difficultés demeurent
Deux ans après une première édition, l’enquête Climat de travail et d’études revient pour prendre à nouveau le pouls du campus. Les résultats, présentés dans un rapport, offrent un instantané des perceptions et expériences vécues à l’Université. Mandatée par la Direction de l’Unil et le Bureau de l’égalité, et menée par FORS (centre de compétences suisse en sciences sociales), l’étude a été conçue pour permettre une analyse et un suivi dans le temps. « Il n’y a pas d’échantillonnage, l’enquête porte sur la population dans son ensemble », souligne Christelle Rigual, déléguée à la protection du climat de travail et d’études.
Le premier chiffre marquant concerne la participation. Quinze pour cent des membres de la communauté universitaire ont répondu au sondage, un taux légèrement inférieur à celui de 2022 (17%), mais jugé pleinement fiable. « La légère baisse n’affecte pas la solidité des analyses. La proportion de participation est relativement similaire à celle observée en 2022 et reste valide pour une analyse solide des résultats », confirme Christelle Rigual. Le personnel s’est montré actif, avec un taux de réponse de près de 30%, ce qui est conforme à ce qu’on observe dans d’autres sondages internes. La population étudiante a été plus discrète. L’enquête, menée en pleine rentrée, coïncidait avec une période de transition parfois délicate pour le corps estudiantin. « Malgré tout, nous avons reçu plus de 3000 réponses. L’enquête est représentative du personnel et des étudiant·es », précise Carine Carvalho, cheffe du Bureau de l’égalité.
Un reflet de la société
Un chiffre encourageant est tiré du rapport : le bien-être se maintient à un niveau positif et stable, avec une moyenne de 6,7 sur 10, identique à celle de 2022. Derrière cette stabilité, cependant, la santé se fragilise. L’impact du travail ou des études sur la santé est perçu comme plus négatif, qu’il s’agisse de la dimension physique (5,6 à 4,7) ou psychique (5,5 à 4,9). Les étudiant·es déclarent davantage de stress, avec une moyenne de 3,5 sur 7 (où 7 représente un niveau de stress élevé), et ressentent plus fortement les effets négatifs que le personnel. « L’Unil n’est pas différente du reste de la société, observe Carine Carvalho. On constate la même érosion du bien-être chez les jeunes qu’ailleurs. Mais comme institution de formation, nous sommes bien positionnés pour soutenir les étudiant·es. »
Renforcer la prévention
Les résultats de l’enquête lèvent le voile sur une autre réalité : les atteintes ou harcèlement psychologiques. Quarante-quatre pour cent des personnes ayant répondu au questionnaire disent en avoir été victimes au moins une fois. Côté auteur·es, 75% des étudiant·es identifient d’autres étudiant·es, tandis que 51% du personnel évoquent des collègues ou des supérieur·es. « Le message est clair, il faut renforcer la prévention, encourager le dialogue et consolider le respect mutuel, explique Christelle Rigual. De plus, entre le conflit ordinaire et le harcèlement avéré une zone grise persiste. Elle peut recouvrir par exemple des remarques humiliantes, des formes d’agressivité verbale, des dénigrements, des épisodes qui peuvent être isolés mais usants. Notre défi est d’y répondre sans judiciariser chaque tension, en privilégiant la parole et la régulation. »
Dire stop
Autre constat qui ressort de l’enquête Climat de travail et d’études : 39% des femmes qui ont répondu affirment avoir été confrontées à au moins une des situations assimilables à du harcèlement sexuel. Tous genres confondus, seules 11% des personnes concernées se sont tournées vers d’autres personnes ou instances pour en parler. Peur de ne pas être cru·e, manque d’information ou réflexe de minimisation ? « Les réponses suggèrent aussi qu’il est plus difficile de parler d’un harcèlement sexuel que d’un harcèlement psychologique », constate Christelle Rigual. Elle met ces chiffres en perspective : « Ce n’est pas propre à l’Unil. UniSAFE (projet financé par l’Union européenne, dans le cadre d’Horizon 2020, ayant pour objectif d’être plus efficace contre la violence fondée sur le genre) relève un ordre de grandeur similaire, autour de 13%. » Carine Carvalho nuance également : « Certaines personnes règlent la situation elles-mêmes. C’est positif si l’institution leur donne la légitimité de dire stop. »
Les chiffres qui concernent les violences sexuelles restent difficiles à analyser. Septante-six gestes non désirés, seize attouchements à caractère sexuel et huit viols – des cas qui n’ont pas toujours été remontés à Aide | Unil (voir le rapport Aide | Unil 2024) – ont été signalés dans l’enquête. « Derrière chaque signalement, il y a une personne, une expérience, une atteinte, souligne Carine Carvalho. Ces données ne sont sans doute que la partie visible du problème. Une étude d’Unisanté, réalisée dans le canton de Vaud auprès de jeunes de 15 à 18 ans, indique que 13% des jeunes femmes de 18 ans ont subi un rapport sexuel non souhaité. C’est un chiffre qui me hante. Il faut aussi rappeler les violences au sein des couples étudiants, souvent plus discrètes mais bien réelles. »
Le cadre légal, lui aussi, évolue. « L’Université n’est pas une bulle », rappelle Christelle Rigual. Depuis juillet 2024, la nouvelle définition du viol et l’élargissement de la notion de non-consentement redessinent le droit pénal sexuel. Un changement nécessaire, synonyme de meilleure reconnaissance et de meilleure protection. »
Connaître et faire confiance aux ressources
Parmi la diversité des chiffres positifs contenus dans le rapport, la connaissance des ressources disponibles progresse nettement, avec une moyenne de 4,5 sur 10 en 2024 contre 3,5 en 2022. « La confiance grandit de jour en jour », se réjouit Carine Carvalho. Ce résultat reflète un patient travail de fond, porté par les campagnes d’information et la coordination entre Aide | Unil (personnes de confiance et ombudsperson comme ressources totalement externes, délégation comme point de contact interne), le Bureau de l’égalité, le Service des ressources humaines et les services de santé. « Les gens identifient mieux Aide | Unil, les personnes de confiance reçoivent environ une centaine de demandes par an et nous travaillons pour rendre encore plus clairs les rôles et modalités de contact des différentes ressources », observe Christelle Rigual.
Les formations sur la diversité, l’égalité et l’inclusion proposées par le Bureau de l’égalité ainsi que celles portant sur les atteintes à l’intégrité personnelle délivrées en partenariat avec Aide | Unil jouent aussi un rôle clé. « Près de 500 personnes en ont suivi depuis 2023, dont les cadres et les membres de la Direction. Nous avons commencé par les relais institutionnels, la prochaine étape, c’est le monde étudiant », explique Carine Carvalho.
Orienter et soutenir
Au-delà des chiffres, évidemment non exhaustifs dans cet article, que révèle l’enquête sur le climat de travail et d’études ? Pour Carine Carvalho, ses résultats dépassent le cadre de l’Unil : « Ils répondent à un besoin réel et appellent à agir. » Elle insiste sur l’importance de la transparence et du suivi. « Nous avons été parmi les premières universités à oser regarder la réalité en face. » D’autres, comme la HES-SO ou l’Université de Genève, constatent désormais les mêmes tendances : peu à peu, une base de comparaison se construit.
Christelle Rigual souligne, elle, la portée humaine du dispositif : « Nous sommes reconnaissants de travailler dans une institution qui ose poser ces questions et accueillir les réponses, même difficiles. » Elle rappelle la valeur de l’écoute : « Les ressources de l’Unil sont là pour écouter, orienter, soutenir, même si certains préfèrent la discrétion. » L’enquête vise moins à produire des chiffres qu’à renforcer la confiance et à ancrer une culture du respect. « Nous voulons que chacun se sente légitime à reconnaître une situation problématique et à savoir vers qui se tourner », souligne Carine Carvalho. Ce qu’on mesure, c’est autant le climat que notre capacité collective à réagir, protéger, prévenir. »
Prochaine étape : une nouvelle enquête en 2028 pour suivre les évolutions et ajuster les actions. « C’est un travail de longue haleine, conclut Christelle Rigual. La confiance se construit pas à pas et se renforce à chaque fois qu’une personne ose parler et qu’on l’écoute. »