Les mondes cachés des microbes

Invisibles mais terriblement utiles, voire beaux dans leurs ramifications et interactions, les microbes nous attendent au Musée de la main.

Sous l’étiquette de « microbes » se cache une immense diversité de micro-organismes, que le Musée de la main UNIL-CHUV nous présente, par-delà la crainte que certains peuvent inspirer à l’humain. Rencontres multiples au croisement des sciences et des arts.

« Nous sommes gros et le minuscule échappe à notre biais macroscopique », affirme le sociologue Olivier Glassey, enseignant à l’UNIL et directeur du Musée de la main. Pour organiser cette exposition intitulée « Invisibles, la vie cachée des microbes », son institution a travaillé notamment avec le Pôle de recherche national Microbiomes, dirigé au Département de microbiologie fondamentale (Faculté de biologie et de médecine) par le professeur Jan Roelof van der Meer. 

À l’origine de l’évolution

Les biologistes se tiennent aux premières loges dès qu’on évoque les microbes, que ce soit parmi les premiers utilisateurs de microscopes, les grands découvreurs du XIXe siècle qui ont identifié nombre de bactéries responsables de maladies ou les scientifiques qui élargissent actuellement ce monde invisible aux sols, aux rivières, aux océans, à la stratosphère ou encore à notre tube digestif. C’est bien simple : sans ces micro-organismes, il n’y aurait pas de vie sur cette planète (pour commencer, ils ont oxygéné l’atmosphère, au détriment de certains unicellulaires et en faveur d’autres espèces dont nous sommes issus), d’où l’intérêt d’accroître nos connaissances à leur sujet, de les associer de façon créative et innovante à nos activités et, bien sûr, au maintien de notre santé et de la biodiversité.

Des bactéries à tout faire jusque dans nos vestiaires ? © Musée de la Main
Agents infectieux ou superhéros ?

Un premier élément frappe le visiteur de cette exposition : la manière d’évoquer les microbes s’est modifiée depuis la focalisation sur de grandes maladies, dont certaines vaincues de nos jours, jusqu’à l’image actuelle de « colocataires » foisonnants et plutôt utiles à notre équilibre intime et à notre environnement. La préoccupation infectieuse se voit largement complétée par une focalisation sur la santé et l’agent multitâche, voire le «superhéros qui nous veut du bien», selon l’un des audios qui parsèment avec précision scientifique, brièveté et accessibilité cette exposition interactive.

Ils sont (vraiment) partout

Autre enseignement : les microbes ne sont pas farouches, ils aiment interagir entre eux dans un milieu donné et avec leur environnement ; la solitude n’est pas leur fort, sinon ils auraient sans doute disparu depuis leur apparition voici quatre milliards d’années. Sur notre peau, dans nos différents organes (en fonction de nos modes de vie), au fond de l’eau, dans les profondeurs de la Terre ou sur les nuages, qu’ils utilisent pour s’alimenter et se protéger de la chaleur quand ils voyagent au long cours, les microbes se rassemblent en «communautés».

Faire dialoguer la science et l’art
Microbiome fragile, par Anna Dumitriu. Feutre, perles, broderie, bactéries intestinales stérilisées, pigments biliaires. © Musée de la Main

Les créations artistiques exposées font écho aux recherches conduites par le PRN Microbiomes. Elles donnent un aperçu original de tel ou tel microbiote (une population bactérienne associée à une niche environnementale), dans des réseaux appelés microbiomes (les activités et interactions solidaires ou antagonistes de chaque microbiote). Nourrie par des résultats scientifiques, l’une des œuvres exposées met ainsi l’accent sur l’association symbiotique entre les racines et les champignons mycorhiziens : les microbes favorisent la diffusion du phosphate vers les racines des arbres ou des plantes en échange de glucides. Cette piste est explorée pour réduire l’ajout d’engrais phosphatés : par exemple, le manioc inoculé par des champignons mycorhiziens triple sa productivité…

Rôle psycho-social du microbiote intestinal

On le voit, la connaissance et l’utilisation intelligente de ces mondes mystérieux induisent une forte interdisciplinarité. Outre la biologie (humaine, animale ou végétale), d’autres sciences et techniques s’intéressent de près aux invisibles : la géologie, la limnologie (étude des systèmes aquatiques), la nutrition, les vêtements ou encore l’ingénierie (par exemple pour dépolluer, capter le CO2 ou même produire de l’électricité). Par exemple, une étude sur les abeilles révèle le rôle social du microbiote : privés de leurs bactéries intestinales, ces insectes manifestent une capacité moindre à communiquer entre eux. En plein essor, la recherche sur les microbiotes humains (sur les effets négatifs ou positifs de l’absence ou de la surabondance de telle ou telle population micro-organique) livre déjà des résultats s’agissant de la digestion, du système immunitaire ou de la santé mentale, soulignant l’importance de l’axe intestin-cerveau.

L’exposition et les activités associées pour tous les publics vous attendent jusqu’au 4 janvier 2026 au Musée de la main et hors les murs. Cela peut sembler long mais, à l’échelle des microbes, c’est un soupir. 

Conférences en collaboration avec le PRN Microbiomes

Microbes, des origines de la vie à aujourd’hui  / Johanna Marin-Carbonne, Institut des sciences de la Terre, et Jan van der Meer, Département de microbiologie fondamentale, UNIL. Mardi 29 octobre 2024, 18h30-20h

Microbes, des alliés pour notre santé / Aline Altenried, Julian Garneau, Département de microbiologie fondamentale, ainsi que Benoît Guery, Service des maladies infectieuses au CHUV, et Grégory Resch, Laboratoire des bactériophages et de phagothérapie CRISP-CHUV. Mardi 26 novembre 2024, 18h30-20h

Modération : Stéphane Gabioud et Lydia Gabor, journalistes RTS

10 francs par soirée avec l’entrée avant à l’exposition.