Narratologie postcoloniale

Par Jan Alber

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

Les narratologues postcoloniaux s’intéressent au lien entre les stratégies narratives et l’idéologie du colonialisme et en particulier à la question de savoir si les techniques narratives et le récit dans son ensemble reproduisent ou critiquent les postulats de la pensée colonialiste, qui fonctionne sur la base d’oppositions binaires (telles que civilisé vs barbare, sophistiqué vs primitif, culture vs nature, supérieur vs inférieur) pour justifier le fait de prendre le contrôle d’autres pays. Ce domaine de recherche recoupe en partie les travaux menés en France dans le domaine de la socio-critique d’inspiration marxiste (cf. Duchet 1971), mais il se développe dans un contexte différent, qui est celui de l’essor de la narratologie critique à partir des années 1980. Dans cette approche, la question de savoir où se situent les récits et quel type de pensée ils favorisent est primordiale : un récit colonialiste prône la domination sur les territoires d’autres peuples ; dans un récit néocolonialiste, « les anciens maîtres continuent d’agir de manière colonialiste à l’égard des États anciennement colonisés » (Young 2001 : 45) ; un récit postcolonial tente au contraire de dépasser « les récits et les idéologies propres au colonialisme » (Williams 2005 : 451) ; et un récit décolonial implique « une lutte actuelle pour combattre l’héritage colonial, c’est-à-dire la forme de pensée introduite […] dans les années 1500, dans laquelle les identités et les savoirs européens en sont venus à être considérés comme supérieurs à tous les autres » (Arias 2018 : 2). 

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