Séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » 2024/2025 du Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS/EHESS)
Co-organisateurs du séminaire : Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS), Thomas Conrad (ENS, Paris), Anne Duprat (Université de Picardie-Jules Vernes/IUF), Anaïs Goudmand (Sorbonne Université), John Pier (Université de Tours et CRAL), Philippe Roussin (CRAL/CNRS)
Site du séminaire : http://narratologie.ehess.fr/
Le séminaire se réunit tous les quinze jours, les 1er, 3e et 5e mardi du mois, de 16h à 18h, à l’École Normale Supérieure, 45, rue d’Ulm, 75005 Paris, France, Salle Celan.
Le séminaire se déroulera en mode hybride (présentiel + distanciel). Pour accéder au distanciel par ce lien Zoom : https://us02web.zoom.us/j/82482362974?pwd=Evak6Ib9yLzX2A0b1atmPYjqOYqB0l.1
En mettant cette année l’héroïsme au centre de nos réflexions, nous partageons la conviction que le terme a aujourd’hui une actualité et une vitalité dans tous les secteurs de la création narrative, contrairement à ce que le motif de la “fin de l’héroïsme” pourrait laisser penser. De quoi justifier de porter sur la notion un regard narratologique – à la fois formel, historique, et critique, puisque les héros et héroïnes sont le lieu où le récit articule les événements et les valeurs, la capacité à agir de certains personnages exceptionnels et leurs raisons d’agir renvoyant à des normes communes.
Assurément, l’héroïsme est omniprésent dans la culture médiatique contemporaine, sous la figure omniprésente du super-héros ou sous celles des protagonistes héroïques des fictions de genre (fantasy, roman policier, science-fiction, etc.). Une telle prolifération héroïque ne manque certes pas d’interroger la définition même de la notion : que ce soit par la promotion récente d’une plus grande diversité d’identités de race et de genre, avec notamment une féminisation spectaculaire du personnel héroïque ; ou par les variations autour des anti-héros, des héros involontaires, des groupes de héros ; ou encore par l’exploration transfictionnelle de leur personnalité (versions alternatives, origin stories).
Ailleurs, et jusque dans les formes les plus savantes des récits, est-il possible d’échapper tout à fait à l’héroïsme ? Le personnage est un foyer de notre attention aux récits, et sa mise en relief héroïsante est un vecteur puissant de captation de notre intérêt par la sympathie et l’admiration. La littérature ne cesse décidément de rejouer le « thème du traître et du héros » cher à Borges, même sous les formes discrètes du réalisme et de la médiocrité. L’héroïsme reste un horizon de notre lecture – et cela en contradiction parfois flagrante avec nos convictions démocratiques et égalitaires. Il faudra analyser avec lucidité cette tension, que les récits peuvent mettre au jour, mais aussi dissimuler, à moins encore qu’ils ne la résolvent dans des figures de “héros ordinaire”.
L’héroïsme est en effet un objet mouvant, intrinsèquement lié à un contexte culturel et historique qui en transforment la valeur et le sens, au fil de redéfinitions, de déplacements et de créations incessantes. Dans cette perspective, on s’intéressera à l’émergence de nouvelles figures héroïques, aux processus par lesquels un nouveau type d’héroïsme apparaît et s’impose, bien souvent d’abord comme une figure anti-héroïque – dérisoire, ou marginale, ou immorale, ou triviale… La réinvention perpétuelle au cours de l’histoire des héroïsmes féminins, et leur opposition aux héroïsmes virils selon des modalités toujours renouvelées, sera à ce titre particulièrement intéressante.
À travers cette question de l’héroïsme, c’est la notion de personnage qui sera en ligne de mire. La théorie narrative a souvent subordonné le personnage à l’intrigue, en l’identifiant comme le sujet d’une quête (Propp, Greimas) ou comme le héros d’un « monomythe » (Campbell). On choisira plutôt de voir le personnage comme le sujet et la source de son action, en lui rendant sa capacité à agir (agency), qui permet son évaluation morale. Que peut le héros ? Dans quelle mesure sa capacité à agir est-elle limitée, ou entrelacée à celle des autres personnages ? Ce sont les formes narratives qui peuvent mettre en évidence les héroïsmes inaccomplis, virtuels, silencieux, ou les héroïsmes collectifs d’un groupe ou d’une communauté. Le récit est ainsi le lieu où le pouvoir d’agir du héros est mis en question, contextualisé, renvoyé à un tissu de circonstances, de causes, d’intentions et de conséquences imprévues, parmi lesquelles se jouent – ou se perdent – les valeurs que le récit prétend promouvoir.
Programme des séances
Mardi 1er octobre
Thomas Conrad (ENS, Paris)
« Introduction »
et Jennifer Tamas (Rutgers University)
« Héroïne ou Victime ? Regards narratologiques de Perrault à Breillat sur la femme de Barbe Bleue »
Mardi 15 octobre
Florence Dupont (Université Paris Cité)
« Héraklès, Alexandre, César et les autres »
Mardi 5 novembre
Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS)
« Génies et surdoués à l’écran : comment l’intelligence extrême transforme la notion d’héroïsme »
Mardi 19 novembre
Jacques-David Ebguy (Université Paris Cité)
« Les héros de la vie moderne. Héroïsme et roman balzacien »
Mardi 3 décembre
Hélène Sellier (Université Toulouse II Paul Sabatier)
« Héroïsmes au féminin dans les jeux vidéo et agentivité de la joueuse »
Mardi 17 décembre
Anne Duprat (Université Picardie-Jules Verne/IUF) « L’héroïsme est-il personnel? l’individuel et le collectif dans la constitution du personnage littéraire (XVIe-XIXe siècles) »
Mardi 21 janvier
Cao Danhong (Nanjing University, Chine)
« La narratologie ‘chinoise’ au carrefour de deux traditions »
Mardi 4 février
Simon Bréan (Université Sorbonne Nouvelle)
« Jouer au héros : mises en scène contemporaines du devenir héroïque »
Mardi 4 mars
Sabine Chalvon Demersay (CNRS et EHESS)
« Le héros de série télévisée et son étrange nature »
Mardi 18 mars
Sarah Mallah (Université Gustave Eiffel)
« Infra-héroïsme, hyper-héroïsme : quand la science-fiction joue avec ses codes »
Mardi 1er avril
Benoît Hennaut (École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre – Bruxelles)
« Des héros et des mythes « affaiblis » : retour sur les fondements radicaux
du théâtre de Romeo Castellucci dans les années 1990 »
Mardi 29 avril
John Pier (Université de Tours et CRAL) Titre à communiquer