Aline Jeandrevin, « Le BFSH2. Un Gesamtkunstwerk des années 1980 »

En 2017, l’Anthropole, ancien Bâtiment des Facultés des sciences humaines 2 (BFSH2), de l’Université de Lausanne, a célébré ses 30 ans. Cette date anniversaire a été saisie au vol par ses occupants pour organiser des actions commémoratives qui étaient le prétexte et le catalyseur d’une mobilisation générale des savoirs autour d’un bâtiment, à bien des égards, hors norme. Non seulement lieu des études, le BFSH2 devient un objet d’étude. Pourtant, lors de son inauguration en 1987, les violentes critiques et polémiques qui se déchaînent contre son postulat architectural ne laissent en rien présager d’une telle émulation future. Original, dans le contexte suisse et européen de l’époque, ce monumental édifice de béton, de métal et de verre s’inscrit entre le courant architectural du brutalisme et le postmodernisme. Si sa forme particulière frappe immédiatement les esprits, l’œuvre architecturale, ambitieuse et radicale, des architectes Jacques Dumas, Mario Bevilacqua et Jean-Luc Thibaut met cependant du temps à rencontrer son public.

BFSH2, escalier principal sud-est en forme de croix articulée (photo Henri Germond, vers 1987).

Bruno Corthésy, « La maison Haute-Rampe, siège du Cercle italien à Lausanne »

Situé rue du Valentin 12, le Cercle italien de Lausanne est établi dans une maison nommée Haute-Rampe, construite en 1868 par Aloïs Hollard (1831-1923). Un projet de reconstruction complète est à l’étude, l’état de conservation du bâtiment ne justifiant pas sa sauvegarde. L’intérêt de cette maison réside plutôt dans son histoire liée à une grande famille lausannoise, à la présence des fascistes italiens à Lausanne et à l’immigration transalpine dans l’après Seconde Guerre Mondiale.

(Archives du Cercle italien de Lausanne)

Catherine Raemy-Berthod, « Objets et mobilier religieux dans l’ancien bailliage d’Échallens: un patrimoine unique »

Les communes de l’ancien bailliage d’Échallens, où le catholicisme s’est maintenu après la Réforme, se distinguent par un patrimoine religieux qui n’a pas d’autre exemple dans le Pays de Vaud pour l’Ancien Régime. Si le partage des églises avec les protestants a suscité des aménagements particuliers (grille de chœur, deux chaires à prêcher), la coexistence a parfois aussi influencé l’iconographie des cloches. Loin de la modestie iconoclaste des réformés, des retables, des tableaux, des statues, représentant le Christ et les saints, illustrent, dans un langage baroque, la foi romaine et son amour des images. L’article évoque également la vaisselle liturgique, souvent précieuse, les objets variés qui servent au culte, mais aussi, parmi les objets de dévotion, les bâtons de procession, les bannières de confrérie, ainsi que les grandes croix de chemin qui manifestent avec force la spécificité confessionnelle de cette région.

L’église Saint-Germain d’Assens et ses deux chaires de 1727 (Documentation MAH)

Catherine Schmutz Nicod, « Établissements de la plaine de l’Orbe. Chronique d’une prison dans les champs »

Ce qui frappe lorsqu’on étudie l’histoire du pénitencier de Bochuz, construit en 1930, ce sont les idées novatrices à l’origine de sa conception – établissement agricole introduisant un système de peines progressif, permettant de passer d’un isolement cellulaire à un régime auburnien, puis à une vie communautaire – qui ont été modifiées dès le début. En effet, les projets gagnants du concours d’architecture n’ont pas été concrétisés, le programme de départ a été simplifié, les locaux qui étaient susceptibles de recevoir une vie en communauté (le réfectoire et la salle commune), ont été éliminés. Le projet paraissait prometteur, finalement c’est une solution archaïsante qui l’a emporté, malgré une apparence moderniste, avec des lignes épurées et des toitures plates. Entre discours théorique et mise en œuvre, apparaît un décalage dès le début, or celui-ci s’accentue toujours plus avec le temps.

Le bâtiment cellulaire de la Colonie, 1898-1911 (Archives cantonales vaudoises)

Paul Bissegger, « Élégances progressives : les halles, la maison de commune et l’hôtel de ville d’Aubonne »

À Aubonne, les édifices dédiés à l’exercice du commerce et du pouvoir – anciennes halles, hôtel et maison de ville – affichent de longue date une certaine ambition, témoignent d’une constante recherche de qualité et permettent d’appréhender l’évolution d’une conscience urbaine de plus en plus affirmée. À l’apogée de ce mouvement, se trouve la maison de ville de 1803, à « l’ornement » de laquelle les autorités tiennent tant qu’elles y subordonnent les notions d’économie et même d’usage. D’autre part, il y a la filiation des hôtels de ville qui, de longue date, peuvent intégrer un marché au rez-de-chaussée, comme à Morges et Lausanne, ou encore, plus tardivement, à Yverdon (1770). L’harmonieux bâtiment d’Aubonne prolonge cette tradition à l’aube du XIXe siècle et annonce de nouvelles combinaisons de fonctions, comme l’élégante grenette-casino de Morges (1822-1827), ou le sobre marché couvert et habitation de Nyon (1828-1829).

Aubonne, anciennes halles de 1617, photo Max van Berchem, 1899 (Wikimedia Commons)

Denyse Raymond, « L’habitat dispersé des Hauts de Lavaux. Entre le vignoble et les bois du Jorat, une région et un patrimoine à ne pas oublier »

Entre les vignes et les bois du Jorat, au-delà de la Tour de Gourze et de ses contreforts, s’étendent les communes de Savigny, Forel et Puidoux. Les prés et les champs sont ponctués de maisons paysannes dispersées Cela s’explique par le défrichement tardif de cette région. Les clairières accueillant des domaines agricoles complémentaires au vignoble se multiplient dès le XIVesiècle.

Les fermes abritent sous le même toit l’habitation toujours en maçonnerie, la grange et les écuries partiellement en bois. Sur des bases anciennes, avec quelques dates du XVIe siècle, la plupart ont pris leur aspect actuel au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Sobre à première vue, leur architecture recèle de nombreux éléments datés souvent décorés avec finesse.

La Maillardoule, commune de Forel, blason de la famille Maillardoz, 1554 (photo Denyse Raymond).

Vanessa Diener, « Isaac Gamaliel de Rovéréa (1695–1766): un pionnier de la technique dans le Chablais »

Isaac Gamaliel de Rovéréa est un ingénieur, cartographe et architecte vaudois du siècle des Lumières. Directeur des mines du Chablais de 1725 à 1754, son œuvre est étroitement liée à ce domaine industriel régi par les Bernois qui gouvernent alors le Pays de Vaud. Il a légué une production diverse, abondante et d’une qualité remarquable, et ce malgré l’absence d’une formation académique ou scientifique. Tout en dressant une biographie et un inventaire non exhaustif des œuvres de ce personnage peu étudié, il s’agira d’analyser son parcours professionnel et sa production. Cette approche permettra non seulement d’évoquer les qualités extraordinaires d’un individu aux multiples talents, mais également d’analyser la place de l’architecte, de l’ingénieur et du cartographe dans un siècle où ces métiers ne sont pas institutionnalisés, avant la professionnalisation du XIXe siècle et la marginalisation progressive de l’amateur.

Isaac Gamaliel de Rovéréa, Neuchâtel, Plan géométral du cours du torrent du Seyon, gravure sur cuivre, 1756 (Bibliothèque universitaire de Berne)

Monique Fontannaz & Luigi Napi, « La maison d’Herwarth à Vevey. Sur les traces d’une mémoire dispersée »

En 1728, Jacques-Philippe, fils de l’ancien ambassadeur d’Angleterre à Berne Philibert d’Herwarth, et son épouse Jeanne-Esther, fille de l’architecte bernois Jean-Jacques Dünz, s’établissent à Vevey. Jacques-Philippe achète du banquier Aimé Grenier une « maison nouvellement bâtie » sur la place du Marché. Il enrichit le décor des façades et aménage l’intérieur de manière somptueuse. Maison et jardin abritent un nombre extraordinaire d’œuvres d’art. L’unique héritière du couple Herwarth-Dünz ayant épousé un noble anglais, ces richesses artistiques sont transférées en 1780, avec les archives, au château de Nostell Priory. Si la maison, tout d’abord transformée en douane, a totalement disparu en 1896, c’est donc en Angleterre que l’on peut encore admirer les derniers vestiges de la splendeur voulue par Jacques-Philippe. Les archives permettent de connaître un peu mieux le milieu culturel d’Herwarth, qui fit également exécuter le fameux salon peint du château d’Hauteville.

Hugh Douglas Hamilton, Portrait de Sabine-Louise d’Herwarth et de son époux Rowland Winn, 1767 ©National Trust, Nostell Priory

Brigitte Pradervand, « Histoire(s) d’eau payernoises »

La ville de Payerne, et avant elle, l’établissement romain et le couvent clunisien, ont bénéficié de la proximité de la rivière de la Broye pour leur implantation et leur développement. Cohabitation difficile lorsque la rivière est en crue, dont les archives rendent compte à de multiples reprises, ou cohabitation utile pour renforcer les fortifications ou pour créer de l’énergie hydraulique utilisée dans les moulins, situés à la porte de ville, attestés depuis le Moyen Âge. Dans cette zone, au nord-ouest du bourg, s’installent des tonneliers, une forge, divers artisans, et même des bains. Une vaste retenue d’eau abrite aussi une zone de pêche. L’adduction d’eau potable, provenant de plusieurs sources situées dans les collines au sud de la ville, a nécessité de grands travaux pour distribuer l’eau dans les fontaines, mais aussi pour la faire couler à ciel ouvert, au milieu de la ville.

Les moulins de Payerne, vers 1575? (Archives communale de Payerne)

Karina Queijo, « Du chœur cultuel au chœur culturel. L’exemple du temple de Nyon, ancienne église Notre-Dame »

Si, depuis plusieurs décennies, les fonctions et usages de l’espace ecclésial médiéval sont analysés à la lumière des décors conservés, l’exercice gagne à être étendu aux périodes ultérieures. Par le biais de leur aménagement et de leurs décors peints – qu’ils soient porteurs de références liturgiques ou morales, ou qu’ils soient «simplement» ornementaux –, ce sont les attentes des différents commanditaires et utilisateurs qui se laissent entrevoir. Le chœur du temple de Nyon, anciennement église Notre-Dame, et ses états successifs, connus grâce aux investigations menées lors des restaurations de 1925-1926 et 2013-2016, offrent un aperçu de l’évolution d’un chœur vaudois, du Moyen Âge jusqu’à nos jours.

Le chœur du temple de Nyon, après la restauration de 2016 © Rémy Gindroz