Karina QUEIJO, « Un chef-d’oeuvre pour modèle. La restauration des peintures murales de Montcherand (1902-1903) »

Autour de 1900, dans le cadre des restaurations des peintures murales médiévales en Suisse romande, se développe le souci de la préservation de l’authenticité des œuvres ou, du moins, de ce que l’on considère alors comme « authentique ». Paradoxalement, quand les décors peints découverts se révèlent trop lacunaires, on se permet non seulement de les compléter en reproduisant des motifs présents ailleurs dans le monument même, mais également en s’inspirant de décors issus d’autres monuments, plus ou moins voisins.
Une courte mise en contexte de la pratique de la copie lors de la restauration des monuments médiévaux permettra de comprendre pourquoi cette intervention est alors si largement répandue; l’analyse plus particulière du cas de l’église de Montcherand, dont le décor de l’abside est restitué en 1903 sur le modèle des peintures murales de l’église de Saint-Savin-sur-Gartempe en France – chef-d’œuvre de la peinture murale médiévale européenne – montrera à quel point les restaurations sont alors influencées par les études historiques en cours.

« « Qu’est-ce que l’Art Nouveau? ». Des apprentis vaudois à l’Exposition universelle de 1900 à Paris », sources présentées par Dave Lüthi.

Deux apprentis menuisier et tapissier vont visiter l’Exposition universelle de Paris en 1900, grâce à une subvention de l’Etat de Vaud. Dans de petits cahiers manuscrits, ils livrent une vision étonnamment clairvoyante de l’art de leur l’époque. Une source inédite, publiée et présentée par Dave Lüthi.

Patricia BRAND, « Une remarquable channe en étain pour aborder l’histoire de la corporation des drapiers d’Yverdon (XVIe-XVIIIe siècles) »

Le Musée d’Yverdon et région conserve dans ses collections une remarquable channe en étain de 1680 ayant appartenu à la corporation des drapiers d’Yverdon. Acquise par le musée en 1992, cette pièce permet d’évoquer une page encore peu connue de l’histoire économique d’Yverdon à l’époque préindustrielle et plus particulièrement celle de l’industrie drapière .
En 2004, un mémoire de licence sur une manufacture de laine yverdonnoise à la fin du XVIIe siècle a permis une première approche de ce thème; par la suite, le travail d’inventaire des collections d’histoire du Musée d’Yverdon et région pour lequel l’auteure de l’article a été mandatée a suscité un nouvel intérêt pour cette channe. C’est ainsi qu’il est possible aujourd’hui de présenter les grandes lignes de cet intéressant chapitre de l’histoire yverdonnoise.

David RIPOLL, « Une architecture pour la forme: les salles de gymnastique à Genève (1830-1914) »

Comme la salle de classe, la salle de gymnastique est un passage obligé, mais davantage que la première, la seconde laisse des traces, elle résonne dans les mémoires du fait de sa fonction particulière. Terrain de jeux et d’épreuves, c’est le corps qu’elle met prioritairement en scène: un corps en mouvement et en formation, un corps à l’examen, réceptif sinon vulnérable. D’où une substance mémorielle vivace, on pourrait même dire persistante, faite de souvenirs sonores et olfactifs, de réminiscences du sol, du volume d’air, de l’architecture; de la salle proprement dite, mais aussi des locaux attenants, vestiaires et douches.
Si l’histoire de l’éducation physique a fait, elle, l’objet de nombreuses études en Suisse comme ailleurs, le lieu dans lequel la gymnastique a été pratiquée n’a pas beaucoup intéressé les historiens de la pédagogie ou de l’architecture. Tout en portant sur un contexte relativement restreint, l’étude qui suit laisse entrevoir la richesse du gisement sportif, tant du point de vue de l’art de bâtir que des idées sur lesquelles il se fonde.

Anna PEDRUCCI, avec la collaboration d’Alain JOUVENAT-MULLER, « Analyse archéologique des cures de Chavornay et de Goumoëns-la-Ville. « Filouterie » ancienne et problématique nouvelle »

Les investigations archéologiques menées lors des récents travaux de restauration des cures de Chavornay et Goumoëns-la-Ville , entrepris par l’Etat de Vaud propriétaire de ces bâtiments, ont permis d’approfondir la connaissance de ces deux édifices et également, dans une perspective plus générale, de soulever certaines questions visant à améliorer les procédures utilisées dans l’étude du patrimoine bâti.

Monique FONTANNAZ & Fabienne HOFFMANN, « Du « capitaine tue tout » au vol d’hirondelles. Changement de décor à la Grand-Rue 9 à Moudon »

Par son architecture et son aménagement intérieur d’origine, la maison Grand-Rue 9-11 s’inscrit dans la bonne moyenne des demeures bourgeoises construites au milieu du XVIIIe siècle à Moudon. Les découvertes faites dans le cadre de la préparation du volume VIII des Monuments d’art et d’histoire du canton de Vaud et la récente restauration du décor de 1909 lui confèrent un intérêt nouveau. Elles offrent en effet une bonne illustration de l’évolution des goûts en matière de décor intérieur bourgeois entre 1749 et 1909.

Monique FONTANNAZ & Philippe JATON, « Nouvelles arcades gothiques mises au jour à la rue du Château 19 à Moudon »

Au moment de la rédaction du volume des Monuments d’art et d’histoire de la Suisse consacré à la ville de Moudon, la visite systématique des caves de la rue du Château fut l’une des recherches les plus passionnantes. Après avoir franchi le seuil de la porte en plein cintre s’ouvrant généreusement sur la rue, on descendait le large escalier couvert d’une belle voûte en berceau, puis on se trouvait dans un espace qui évoquait plus un édifice religieux qu’une cave des temps modernes.

Dave LUTHI, « Enseignement Architecture & Patrimoine: projets en cours et à venir »

L’année 2010-2011 a été riche en projets et en réalisations pour l’enseignement d’Architecture & Patrimoine (section d’Histoire de l’art, Faculté des Lettres, Université de Lausanne): inventaire des monuments funéraires vaudois et romands, préparation du premier guide d’architecture lausannoise, organisation d’un colloque consacré à l’architecture scolaire…

France TERRIER, « Quand le Musée d’Yverdon et région revisite son parcours permanent: grands travaux et petites misères »

A l’aube du XXIe siècle, le Musée d’Yverdon et région a lancé un ambitieux projet visant à moderniser et à compléter sa présentation permanente abritée dans le château de la ville. Dès les prémices, de nombreuses questions se sont posées: comment dire l’histoire du Nord vaudois dans un parcours permanent? Comment présenter ce passé dans un château savoyard digne de la visite à lui seul?

Paul BISSEGGER, « Henry de Geymüller. Le monument historique, comme document et oeuvre d’art »

« Nous avons parlé du respect que l’on professe à Lausanne pour la mémoire de Viollet-le-Duc et, en effet, nulle part je n’ai rencontré quelque chose de pareil ; on ne veut, en quelque sorte, y voir que les côtés remarquables de sa nature, et on s’obstine généralement à être complètement aveugle sur ses nombreux défauts comme architecte et comme restaurateur. Il semble que l’on ne veuille pas croire qu’il a pu en avoir et que les travaux ordonnés par lui à la cathédrale ne sont dignes que de louange. Je n’en veux pour preuve que les trois articles de M. van Muyden publiés en 1891 dans la Gazette de Lausanne , sur les travaux de la cathédrale, dans lesquels, à côté d’un certain nombre d’observations peut-être fondées, il recommande de se tenir aux prescriptions de Viollet-le-Duc, avec une insistance digne d’une meilleure cause, et qui ne s’explique évidemment que par ce qu’il n’a pas encore eu le loisir de comparer, ni le gothique de l’invention de M. Viollet-le-Duc avec le gothique véritable, ni certaines théories de ses écrits avec la vérité des faits, ni sa manière d’agir, à la cathédrale de Lausanne, avec les principes élémentaires et fondamentaux de toute restauration consciencieuse. Il ne se doute pas de la légèreté incroyable des observations sur lesquelles parfois Viollet-le-Duc basait ses rapports, qui contenaient dès lors, on ne s’en étonnera plus, des erreurs vraiment énormes et parfois plaisantes. » (H. d. Geymüller, « Restauration de la rose de la cathédrale de Lausanne », 26 mars 1892)

Claire HUGUENIN, « Un musée idéal. Un projet pour le château de Chillon »

En 1891 Henry de Geymüller livre sa conception du type de musée qu’il estime possible d’aménager dans le château de Chillon, après les travaux de restauration. Sept ans plus tard, il sera appelé à rectifier son propos et à resserrer davantage le cadre. Cette installation est subordonnée à l’édifice qui l’accueille et doit contribuer, avec discrétion, à sa mise en valeur, le château constituant la pièce maîtresse du futur musée. Le type de présentation muséographique prend pour modèle les salles d’époque mises en place dans trois grandes institutions suisses contemporaines. La première et unique salle de musée à Chillon ne s’ouvrira qu’en 1926. Les collections composites, accumulées au gré des opportunités, meublent aujourd’hui l’espace, sans répondre vraiment à l’idéal rêvé par Geymüller.

Dave LUTHI, « La Maternité de Lausanne. Un palais pour les femmes et les enfants »

La maternité inaugurée en 1916 à Lausanne est due à Georges Epitaux, un des architectes les plus en vue alors dans le chef-lieu vaudois. C’est aussi l’œuvre d’un spécialiste de l’architecture hospitalière, dont la carrière le mènera au Portugal et en Grèce. Mal conservé, l’édifice n’en est pas moins un témoin important de la prise en charge de deux catégories de patients alors laissés pour compte : la femme et l’enfant. L’architecture et le décor de la Maternité obtiennent alors une double fonction : accompagner la mission médicale des soignants, et adoucir le séjour des patients.

Silvana de GREGORIO & Aurélie IMPERIALE, « Aux sources du monument funéraire d’Othon Ier de Grandson à la cathédrale de Lausanne »

La cathédrale de Lausanne conserve le tombeau de l’un des personnages les plus illustres de l’histoire vaudoise au Moyen Age, celui du chevalier Othon Ier de Grandson. Les dimensions et la typologie de ce monument en font un exemple exceptionnel dans la région. En effet, il constitue le premier témoignage de tombeau composé d’un gisant et d’un dais, précédant ainsi presque d’un demi siècle les monuments funéraires de La Sarraz et de la Collégiale de Neuchâtel.

Nathalie DESARZENS, « Apprécier une oeuvre gothique en Suisse à l’époque moderne et contemporaine. Les sculptures du portail peint de la cathédrale de Lausanne vues à travers textes et oeuvres graphiques »

Ces dernières années, le portail peint de la cathédrale de Lausanne a fait l’objet d’un intérêt tout particulier : mis en valeur par une importante restauration, récemment rendu aux visiteurs, il est devenu un incontournable du parcours touristique de l’édifice. Dans les textes destinés à un large public, il est présenté comme un chef-d’œuvre; les chercheurs, quant à eux, s’accordent au sujet de la qualité de ses sculptures et de l’originalité de son programme.
Cette appréciation positive du portail peint est-elle récente ? Quel regard lui a-t-on porté durant les siècles? Les textes et les œuvres graphiques qui l’ont commenté et évalué à travers les époques sont autant de témoins révélateurs de l’évolution du goût et de l’intérêt pour l’art médiéval en terres vaudoises et en Suisse.

Irene QUADRI, « Les peintures murales du XIe et XIIe siècle au Tessin. L’apport des découvertes récentes »

L’étude du riche corpus des fresques du XIe et du XIIe siècle de l’actuel canton du Tessin – dont les territoires faisaient partie de la Lombardie jusqu’au XVIe siècle – permet de mieux comprendre certains développements de la peinture romane lombarde. La découverte, au cours de ces dernières décennies, de nouveaux décors peints tessinois relativement importants amène de surcroît un éclairage supplémentaire sur la question.
Une brève analyse de fresques découvertes à Sorengo, Cadempino et Muralto permettra de mettre en évidence les liens que les peintures de ces églises entretiennent avec certains des plus célèbres cycles lombards de l’époque, et soulignera à quel point la production picturale tessinoise, loin d’être marginale – le territoire du Tessin se trouve dans une zone géographique stratégique, sur le passage entre le Nord et le Sud des Alpes, et n’était donc pas une zone marginalisée – se conformait aux orientations artistiques les plus innovantes de la région de la plaine du Pô.

Martine JAQUET, « Concilier sauvegarde et développement urbain: la protection du patrimoine bâti à l’échelle de la ville »

La sauvegarde du patrimoine est, en Suisse, l’affaire des cantons. Certaines villes ont cependant jugé utile de se pencher de plus près sur la question en créant des structures municipales de conservation des objets et ensembles patrimoniaux. C’est le cas de Lausanne, qui s’est dotée d’un délégué à la protection du patrimoine bâti. Cette initiative s’inscrit dans une réflexion plus large sur la signification de la protection du patrimoine à l’échelle locale et soulève un certain nombre d’enjeux quant à notre rapport à l’histoire et au contexte dans la ville d’aujourd’hui.

Fabienne Hoffmann, « Une typologie d’exception! Les vitraux à la rue du Sablon 14 (Morges) »

Si, dans la première décennie du XXe siècle, des villes comme Lausanne, Montreux ou La Chaux-de-Fonds ont vu les baies de leurs lieux publics, mais aussi de leurs maisons privées s’orner de nombreux vitraux colorés, les petites villes de l’arc lémanique ont connu aussi ce phénomène, quoique dans une moindre mesure, le boum de la construction étant là moins important que dans les capitales. Présentation d’un bel ensemble de vitraux qui égaye le premier étage d’une maison de rapport, construite en 1904-1905, pas loin de la gare de Morges, à la rue du Sablon 14.

« Un inventaire original: les monuments funéraires du canton de Vaud et de la Suisse romande »

Au début des années 2000, le patrimoine funéraire de la cathédrale de Lausanne a fait l’objet d’un inventaire mené par le séminaire d’histoire de l’art monumental régional, sous la direction du professeur Gaëtan Cassina. Le résultat de ce travail a été publié en 2006 sous le titre évocateur de Destins de pierre. Il a révélé à un public nombreux des monuments, du matériel archéologique et des pratiques funéraires allant du IXe au XIXe siècle; il a aussi démonté des mythes, découverts quelques mystères et, surtout, posé des pistes de recherche qui devaient inciter à continuer la recherche dans ce domaine peu exploité.
Ce fut chose faite dès 2007, date à laquelle un nouvel inventaire, complémentaire, fut entrepris sur l’entier du territoire vaudois par le même séminaire. Ce travail important – il concerne près de 150 monuments datant du Moyen Age à 1804 a été mené durant quatre semestres consécutifs par 50 étudiant.e.s dans plus d’une quarantaine de sites, dont les plus importants sont Aigle, Payerne, Romainmôtier et Vevey.

Bruno CORTHESY, « Historien de l’architecture, dites-vous? »

La profession d’historienne ou d’historien de l’architecture réunit de nombreuses personnes en Suisse romande et couvre des activités extrêmement variées, touchant aux différentes phases de préservation et de valorisation du patrimoine architectural. En effet, des historiens et des historiennes de l’architecture peuvent être sollicités autant pour établir des inventaires, réaliser des expertises ponctuelles, entreprendre des études approfondies, effectuer le suivi d’un chantier, ou diffuser le résultat de leurs recherches au travers d’un enseignement, de conférences, de visites guidées, d’expositions ou de publications.
La profession souffre cependant d’un profond déficit de connaissance et de reconnaissance. Si l’on conçoit aisément que le grand public ignore l’existence de ce métier qui relève de la sphère obscure des «spécialistes», l’on peut déplorer que les acteurs principaux du patrimoine, les propriétaires de bâtiments anciens, les architectes, voire même les services publics en charge de la conservation des monuments ne sachent souvent pas vers qui se tourner lorsqu’il s’agit de réunir des faits historiques nécessaires à la connaissance, à la préservation ou à la restauration d’un objet architectural. De fréquents échos en témoignent.