En 1855, Maxime Du Camp publie Les Chants modernes, recueil de poèmes précédés d’une virulente préface qui revendique un nouveau statut pour la poésie et pour les arts en général: en phase avec le monde moderne et régénéré par la collaboration avec les sciences et l’industrie qui lui ouvrent des horizons nouveaux, l’art devrait s’extirper d’une léthargie malsaine entretenue par le ressassement des thèmes antiques et les ravages de l’art pour l’art.
1855 est aussi l’année de la première Exposition Universelle de Paris; le succès de l’entreprise, l’engouement du public pour les créations de l’industrie, la désertion de l’exposition des beaux-arts au profit de l’annexe des machines alertent les artistes. Certains, à l’instar de Du Camp et des collaborateurs de la Revue de Paris dont il est le rédacteur, y voient l’occasion d’un renouvellement; d’autres – Baudelaire, Ernest Renan, Leconte de Lisle – s’insurgent contre la contamination des domaines de l’esprit par ceux de la matière, et contre l’application sans discernement de la notion de progrès aux arts comme aux techniques.
Marta Caraion (Section de français) restitue le débat provoqué par Les Chants modernes et par l’Exposition Universelle au sujet des rapports entre arts, sciences et industrie, en rassemblant les textes d’une polémique qui apparaît comme une sorte de bilan du positionnement des intellectuels du milieu du XIXe siècle, à la veille de l’entrée en littérature d’un Zola ou d’un Jules Verne.
Marta Caraion, « Les Philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques » : littérature, sciences et industrie en 1855, Genève, Droz, 2008.