Trompera bien qui trompera le dernier

Par Suzanne Balharry

Une critique du spectacle :
Monsieur chasse ! / de G. Feydeau / mise en scène Robert Sandoz / Théâtre du Jorat à Mézières / du 3 au 6 octobre 2013

Trompera bien 1
© M. Vanappelghem

Les canapés roulent à travers la scène, les portes claquent et le mur se décompose en une cascade de fenêtres. Madame découvre l’adultère de son mari avec une rage explosive. Dans sa transposition du vaudeville de Feydeau aux années cinquante, Robert Sandoz l’accompagne par un décor surprenant et des jeux de lumière dramatiques. A l’abri dans le public, on en redemande.

S’il surprend tout d’abord, le choix de mise en scène de cette pièce du XIXe siècle, loin de dénaturer la pièce, fait surgir tout le dynamisme des dialogues déchaînés de Monsieur Chasse !, joué ce week-end au Théâtre du Jorat de Mézières. Monsieur se voit naturellement toujours obligé de fuir l’appartement de sa maîtresse par la fenêtre, mais les éléments des années cinquante ajoutent également une liberté de mouvement à la pièce.

Les costumes, jupes et pantalons, rendent en effet facile même pour les femmes de bondir sur les lits. Sur le mur à carreaux burberrys, les trappes et les placards disparaissent et réapparaissent sans qu’on puisse tout à fait les discerner. Quant à la radio, elle permet la soudaine interruption des acteurs par un reportage sur la fidélité des animaux. La propreté carrée du motif et les meubles qui glissent sur la scène donnent une impression de confort et de sécurité que les pulsions de Monsieur et la colère de Madame détruisent pour notre plus grand plaisir.

Cette transposition souligne par ailleurs le fait que le thème de la pièce est d’actualité à toutes les époques, et si au XIXe siècle il est difficile pour une épouse de ne pas choisir sa réputation plutôt que la vengeance, la première grande mise en scène du neuchâtelois  nous montre des personnages entiers et impétueux comme cette épouse forte qui, même lorsqu’elle pardonne, n’oublie pas.

Trompera bien 2
© M. Vanappelghem

Les acteurs romands jouent les dialogues avec un naturel convaincant qui donne une crédibilité aux personnages même lorsqu’ils incarnent des stéréotypes, tels que celui du mari infidèle joué par Samuel Churin, qui s’enfonce avec entêtement dans des mensonges plus aberrants les uns que les autres. Aux côtés de la femme fidèle jouée par Laurence Iseli, on trouve aussi, dans le rôle de l’amoureux transi tentant de la séduire, l’irrésistible acteur et metteur en scène Joan Mompart, qui tenait également le rôle principal dans l’adaptation pour le théâtre qu’avait faite Robert Sandoz en février dernier de la bande dessinée Le Combat ordinaire.

Joan Mompart contribue grandement au rythme prenant du vaudeville, surtout lorsqu’il ponctue les arguments lâchés à demi-mots par des expressions faciales hilarantes et des déplacements énergiques tels que le saut qu’on découvre sur l’affiche. La pièce se déroule telle une partition, et on reste même absorbés pendant les changements de scène, où les techniciens déplacent les décors en dansant le chachacha.

Le Théâtre du Jorat se prête parfaitement à l’énergie de la pièce. A l’abri au milieu de près de sept cent personnes, nous découvrons les explosions de la scène, servies par une excellente acoustique. Monsieur Chasse ! est le dernier spectacle de la saison du théâtre d’été, et nous nous réjouissons que commence la prochaine.

 

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