Pour une mécanique des récits décentralisés et improvisés (annonce de conférence)

Mardi 29 janvier 2019, Raphaël Baroni interviendra dans le séminaire de narratologie contemporaine du CRAL, consacré cette année au hasard, à la causalité et à la contingence dans le récit. Le séminaire aura lieu de 15h à 17h en salle 7, au 105 bd Raspail, 75006 Paris. La conférence porte le titre suivant: « Contingences diégétiques, lectoriales et auctoriales. Pour une mécanique des récits décentralisés et improvisés ».

Le hasard peut intervenir à différents niveaux dans un récit : il peut apparaître comme l’ingérence d’un événement fortuit qui vient infléchir le cours de l’histoire (ce qui paraît souvent comme l’intervention d’un Deus ex machina), il peut être lié aux virtualités esquissées par le public lorsqu’il envisage la suite d’un récit en cours d’actualisation, et il peut être lié à des « accidents de production », lorsque la planification discursive semble échapper au projet d’une instance créatrice toute puissante. L’étude de ces phénomènes a longtemps été négligée, car la narratologie a pris pour objets d’investigation privilégiés des récits complets, supposément structurés comme des totalités entièrement planifiées par une instance auctoriale centralisée. De tels objets étaient par conséquents parfaitement adaptés pour une approche que l’on peut qualifier de « géométrique » ou d’ »architecturale », c’est-à-dire fondée sur la croyance que les relations temporelles et contingentes entre les parties ne serait que superficielles, car elles dissimuleraient une structure profonde, descriptible à l’aide de schémas fondés sur la symétrie. Dans cette présentation, nous partirons d’une redéfinition « mécanique » ou « physique » de l’intrigue, apte à souligner l’importance des contingences de l’histoire, qui sont au fondement de la tension narrative et du mouvement de la lecture orientée par le nœud en direction du dénouement. Nous montrerons ensuite que cette approche est particulièrement adaptée pour décrire le fonctionnement des récits sériels, caractérisés par une production décentralisée et plus ou moins improvisée. Les séries, qui occupent à nouveau de centre de l’attention médiatique grâce au succès rencontré par les séries télévisées américaines et à l’émergence de la sériephilie, posent ainsi des défis conceptuels pour la narratologie contemporaine, car dans ces formes ouvertes, l’hétérogénéité apparaît de plus en plus marquée, au point de que la cohérence et l’intelligibilité du récit pourrait être menacée.

Bibliographie

Baroni, R. (2017), Les Rouages de l’intrigue. Les outils de la narratologie postclassique pour l’analyse des textes littéraires, Genève, Slatkine érudition. Préface de Jean-Louis Dufays.

Baroni, R. (2017) « The Garden of Forking Paths: Virtualities and Challenges for Contemporary Narratology », in Emerging Vectors of Narratology. P. K. Hansen, J. Pier, P. Roussin & W. Schmid (dir.), Berlin, de Gruyter, coll. « Narratologia », p. 247-263.

Baroni, R. (2016) « Intrigue et personnages dans les séries évolutives : quand l’improvisation devient une vertu », Télévision, n° 7, p. 31-48. URL : https://www.cairn.info/revue-television-2016-1-page-31.htm

Baroni, R. & M. Marti (dir.) (2014), « Les bifurcations du récit interactif : continuité ou rupture ? », Cahiers de narratologie, n° 27. URL : http://journals.openedition.org/narratologie/6996

Baroni, R. (2013) « Puissance de l’intrigue », in Finding the Plot: Storytelling in Popular Fiction, L. Artiaga D. Holmes, J. Migozzi & D. Platten (dir.), Cambridge, Cambridge Scholar Publishing, p. 16-31.

Goudmand, A. (2015) « Les séries transmédiatiques: des univers sans fins ? », Revue Proteus, n°9, p. 8-17. Consulté le 17 juin 2015. URL : http://www.revue-proteus.com/articles/Proteus09-1.pdf

Goudmand, A. (2013) « Narratologie du récit sériel », Revue Proteus, n°6, p. 81-89. Consulté le 17 octobre 2014. URL : http://www.revue-proteus.com/articles/Proteus06-10.pdf