L’oiseau en cage rêvera des nuages

par Deborah Strebel

Nid de coucou / d’après Ken Kesey / par le Footsbarn Theatre / du 11 au 12 juin 2015 / Théâtre du Jorat / plus d’infos

© Jean-Pierre Estournet
© Jean-Pierre Estournet

Théâtre itinérant, le Footsbarn Theatre s’arrête deux soirs à la Grange sublime pour proposer une originale et festive version carnavalesque de Vol au-dessus d’un nid de coucou.

Fondé en 1971 au sein de la grange de la famille Foot, dans la région des Cornouailles, le Footsbarn Theatre se produit aussi bien en salle que sous chapiteau, et même dans la rue. Il multiplie les parades et animations et aime jongler avec les langues. Il n’a pas hésité à quitter ses frontières, dès les années 1980, jouant aussi bien en Australie, qu’en Colombie, voire même au Burkina Faso. Lors de deux soirées de juin, il prend place en Suisse, dans une autre grange, avant de mettre le cap pour le festival d’Avignon. Une belle occasion de découvrir ce joyeux univers bilingue.

Le rideau rouge du Théâtre du Jorat tombe pour laisser apparaître un fin voilage blanc, sur lequel est rapidement projeté un film : on y voit une ampoule, autour de laquelle gravitent de petites figurines métalliques. Derrière le tissu apparaît un homme dont la voix grave s’élève et chante « One Flew Over the Cuckoo’s Nest », annonçant le titre du spectacle, tel un générique.

La scène reflète fidèlement un milieu hospitalier. Tout le monde est vêtu de blanc sous une lumière verdâtre. Une lampe est suspendue, accueillant un néon dans une structure rectangulaire en aluminium : luminaire emblématique des cliniques et autres hôpitaux. L’ensemble des parois adopte une couleur verte délavée, conférant un sentiment de vétusté au bâtiment. Au centre se trouve un desk vitré, emplacement réservée à l’infirmière en chef tyrannique, Mademoiselle Ratched. Autoritaire et cynique, elle dresse ses patients à dose de tranquillisants et d’électrochocs.

Un nouvel arrivé va venir perturber ses habitudes. Il s’agit de Mister McMurphy, personnage truculent et charismatique qui a été immortalisé et porté avec excellence au cinéma par Jack Nicholson dans le film multi-oscarisé de Milos Forman, sorti en 1975. Bien qu’une certaine ressemblance entre l’interprétation du Footsbarn Travelling Theatre et celle de l’acteur américain puisse se faire sentir, notamment au niveau des rires ou dans la manière dont le comédien incarnant la nouvelle recrue se déplace avec force et énergie, la troupe n’a pas pris comme point de départ l’adaptation cinématographique. C’est le texte, paru en 1962, de Ken Kesey, figure emblématique de la contre culture, qui a servi de référence. Principalement connu pour ses mises en scène de pièces shakespeariennes, le Foostbarn s’est ici attaqué à un autre classique, contemporain cette fois-ci. Cette histoire intemporelle dénonçant toute forme de dictature à l’aide d’une vive ode à la liberté a inspiré la compagnie qui déclare vouloir « sur le mode d’une fable, explorer la dimension humaine et universelle. En tirer toute l’humanité et l’humour, la richesse des personnages sans pour autant éviter la profondeur du propos ».

Le projet est bien mené et convaincant. Avec leur esthétique particulière évoquant un monde populaire et festif, fait de musique, de masques et de marionnettes, le Foostbarn parvient à produire une impression de légèreté et gaieté tout en restant fidèle au récit original. Ainsi s’enchaînent les réunions thérapeutiques, les prises de médicament et les électrochocs qui finissent par « griller jusqu’à l’os » les pensionnaires aux regards vides tels des « fusibles qui auraient sautés » sur fond de chansons, de danses et de projections.