Congrès de la SFLGC: Les populations fictionnelles (appel à contributions)

Congrès de la Société Française de Littérature Générale et Comparée : Les populations fictionnelles

25-26-27 Novembre 2021

Université de la Sorbonne nouvelle, Campus Condorcet 

Date de l’échéance : 15/01/2021

Les personnages de fiction, quelque soit leur support médiatique, sont par excellence un objet de comparaison. Il est traditionnel de comparer deux personnages qui partagent certaines caractéristiques (Raskolnikov et Lafcadio, Dom Juan et Valmont, Emma Bovary et Anna Karénine…) ; de comparer les personnages d’un roman au film ou à la pièce de théâtre qui en ont été tirés, ou d’une série avec ceux d’un jeu vidéo (https://hitek.fr/42/the-witcher-casting-serie-compare-personnages-jeu-video_6271). Il existe même des programmes en ligne pour comparer des personnages entre eux (https://www.includehelp.com/code-snippets/c-program-to-compare-two-characters.aspx) ! Même si les dictionnaires de personnages existent depuis longtemps (surtout depuis le début du XXe siècle), une nouvelle façon d’envisager les personnages est apparue sur Internet, favorisant un autre type de comparaison : les listes de personnages se multiplient, par œuvre, par auteur/auteure, par genre, par ordre alphabétique, par caractéristique (les plus beaux, les plus riches : https://blog.impossible-dictionnaire.com/les-personnages-de-fiction-les-plus-riches/) ou même par rapport aux émotions qu’ils suscitent (les personnages les plus aimés, les plus détestés…). 

C’est cette approche, très contemporaine, des personnages comme ensemble, collectivité, population que nous souhaitons approfondir grâce à ce congrès. Les populations qui peuplent les fictions – qu’il s’agisse de romans, de cinéma, de théâtre, de jeux vidéo, de bandes dessinées – sont mal connues. Nous proposons donc d’aborder les personnages d’une façon nouvelle ; d’étudier non pas le personnage (qui a déjà fait couler beaucoup d’encre), mais lespersonnages : de les appréhender comme une population, genrée, ontologiquement hétérogène, socialement distribuée, très souvent migrante. Cette étude, à notre avis, est susceptible d’apporter une meilleure connaissance des univers fictionnels et d’éclairer des aspects de l’histoire du roman ou d’autres genres.

Les approches diachroniques, éventuellement statistiques et faisant appel aux humanités numériques seront particulièrement bienvenues.

  • On s’intéressera à tout ce qui constitue l’hétérogénéité ontologique de la population fictionnelle : la proportion et les caractéristiques (dans plusieurs œuvres, dans un genre ou une époque donnés) des différentes catégories de personnages : historiques ; féériques ; allégoriques ; des animaux ; des personnages à initiale ; des personnages sans nom… On tentera de répertorier, éventuellement de classer les espèces de l’humanité fictionnelle. Est-il vrai que l’imagination humaine, comme le pense Joseph Campbell, n’a conçu, depuis qu’elle produit des fictions, qu’un petit nombre de créatures possibles, similaires sur toute la surface du globe ?
  • Comment les personnages sont-ils distribués à l’intérieur d’un univers fictionnel ? Ont-ils par exemple plus de chance d’apparaître au début, au milieu, à la fin de l’œuvre ? Quels sont leurs mouvements ? Quelle est leur probabilité de mourir ? (Cette étude a été menée par Romane Beaufort et Lucas Melissent à propos des personnages de Games of Thrones(https://www.demographie-got.com).)  Sont-ils hiérarchisés (par exemple entre personnages dits « principaux ») « secondaires »). Quels sont les enjeux axiologiques, politiques de ces classements explicites ou implicites ? Les manières anciennes de classer les personnages (comme celle de Foster entre personnages « ronds et plats » si populaire dans le domaine anglo-saxon, celle de Frye selon les genres, celle de Jauss selon les modes d’identification, de Hamon dans une optique structuraliste) sont-elles toujours pertinentes ?
  • Les catégories professionnelles, les classes d’âge, les classes sociales, les minorités ethniques, les statuts matrimoniaux peuvent également faire l’objet d’études, en intégrant, si possible une dimension quantitative. La remarque, souvent faite à propos des séries télévisées contemporaines, sur le hiatus entre la population favorisée des fictions télévisées et leur public, peut mériter réflexion et examen. Plus généralement, l’écart, le jeu des échanges complexes entre représentations fictionnelles de catégories de la population et réalités sociales peuvent être analysés.
  • Les personnages migrent : du sacré au profane, du roman au cinéma ou au jeu vidéo, de l’histoire à la fiction et de la fiction à l’histoire, d’une aire culturelle à une autre. On sera particulièrement attentif à ces mouvements et ces passages, toujours en privilégiant les groupes par rapport aux individus.
  • Les phénomènes de prolifération et d’extinction de la population fictionnelle méritent également attention. Quels sont les types de populations qui disparaissent ? Quelles sont les époques, les genres, où une énorme quantité de personnage est créée ? Quelles sont les raisons de ces variations ?
  • On étudiera aussi la représentation des foules, en mettant en relief les enjeux poétiques et politiques de leur présence. Une perspective intermédiale (intégrant par exemple la peinture ou le cinéma) peut être envisagée.
  • On s’intéressera éventuellement aussi à l’onomastique des personnages.
  • Les peuples imaginaires, parfois dotés de langues et de lois spécifiques, sont également l’objet de ce colloque, surtout dans une perspective comparative.
  • Le phénomène des dictionnaires et des listes de personnages peut aussi être analysé.
  • On pourra proposer d’autres approches, pourvu qu’elles visent à l’analyse et la compréhension de la façon dont les univers fictionnels sont peuplés et habités, ou s’interrogent sur les différentes façons de classer les personnages ou de les aborder comme collectivité.

Les propositions peuvent aussi bien prendre la forme de communications individuelles, d’ateliers ou de tables rondes.

Le Congrès, organisé par le département de LGC de la Sorbonne Nouvelle, avec le soutien du CERC, se tiendra au campus Condorcet les 25-26-27 novembre 2021. Les propositions sont à envoyer à congressflgc2021@googlegroups.com avant le 15 janvier 2021.

Comité d’organisation : F. Lavocat, A. I. François, C. Le Blanc, Y-M. Tran-Gervat.

Bibliographie indicative

Alexander, Sam, Joyce’s Census: « Character, Demography, and the Problem of Population in Ulysses », NOVEL: A Forum on Fiction, Vol. 45, No. 3 (FALL 2012), pp. 433-454.

Beaufort, Romane et Melissent, Lucas, « Pour une analyse démographique de Game of Thrones », https://www.demographie-got.com

Brémond, Claude, « Une enquête internationale sur le héros de film », 1895. 75 | 2015, DOI : 10.4000/1895.4965

Brugeilles, C. Cromer I., Analysing gender representations in school textbooks, Les collections du CEPD, Centre population et développement, 2009.

Campbell, Joseph [1949], Le Héros aux mille et un visages, Robert Laffont, 1977, réédité chez Oxus en 2010.

Chalvon-Demersey, Sabine, « Enquête sur l’étrange nature du héros de série télévisée », Réseaux, n° 165, 2011, pp. 183-214.

Forster, Edward Morgan, Aspects of the Novel [1927], Mariner Books, 1956.

Frye, Northop : Amatomy of Criticism, Princeton University Press, 1975.

Galleron, Ioana, « Conceptualisation of theatrical characters in the digital paradigm: needs, problems and foreseen solutions », Human and Social studies, De Gruyter, vol. 6, issue 1, 2017.

Hamon, Philippe, « Pour un statut sémiologique du personnage », Littérature, vol. 6, n° 6, 1972, p. 86-110.

Jauss, Hans Robert, « Level of identification of Hero and Audience », New Literary History 5. 2, Winter 1974: 283-317

Lavocat, Françoise, « L’étude des populations fictives comme nouvel objet et le « style démographique » comme nouveau concept narratologique », https://www.fabula.org/atelier.php?Populations_fictives24 septembre 2020.

Moretti, Franco, Graphs, Maps, Trees: Abstract Models for Literary History, London New-York, 2005.

Plotz, John, The Crowd: British Literature and Public Politics, Berkeley, Los. Angeles and London, University of California Press, 2000.

Rosen, Jeremy, Minor Character have their Day; Genre and the Contemporary Marketplace, Columbia University Press, 2016.

Samoyault, Tiphaine, « La banlieue du roman: l’espace du personnage secondaire », Dossier Banlieues de la théorie (textes initialement parus dans l’Agenda de la pensée contemporaine, 10, printemps 2008). https://www.fabula.org/atelier.php?Espace_du_personnage_secondaire

Woloch, Alex, The One vs. the Many, Minor Characters and the Space of the Protagonist in the Novel, Princeton University Press, 2003