Colloque
10 et 11 décembre 2020
Organisation : LIRCES UPR3159 et EUR CREATES, université Côte d’Azur et CRC, École des Mines Paris-Tech.
Lieux : EUR CREATES, Campus Carlone et École des Mines Paris Tech Sophia-Antipolis
Date limite d’envoi des propositions : 1er novembre 2020
Envoi des propositions à
Céline Masoni-Lacroix : Celine.MASONI-LACROIX@univ-cotedazur.fr
Marc Marti : Marc.MARTI@univ-cotedazur.fr
Franck Guarnieri : Franck.Guarnieri@mines-paristech.fr
Contacts et renseignements
Céline Masoni-Lacroix : Celine.MASONI-LACROIX@univ-cotedazur.fr
Marc Marti : Marc.MARTI@univ-cotedazur.fr
Franck Guarnieri : Franck.Guarnieri@mines-paristech.fr
Texte de l’appel
L’image, des Lettres aux Arts, des Sciences Humaines et Sociales aux Sciences de l’Ingénieur, est un objet de recherche nécessairement interdisciplinaire. Du schéma scientifique à l’œuvre d’art iconographique, audiovisuelle, vidéoludique, elle est un des supports privilégiés de la créativité humaine, appréhendée dans son sens le plus large. Sans cesse réinventée et réinterprétée, elle est le témoin de nouveaux modes de pensée et d’action, de leur inscription dans le temps et de leur émergence dans tous les champs de la connaissance.
L’image est loin d’avoir un simple rapport analogique avec la pensée ou le réel. En effet, elle possède aussi une capacité à déclencher la narration en étroite relation avec son contexte culturel, dans lequel sont immergés producteur et spectateur, grâce aussi à sa capacité à mobiliser des stéréotypes relevant de l’imaginaire social, ainsi qu’à la façon dont l’image les donne à voir et les représente. Elle peut être aussi, en ce sens, un facilitateur de la cognition sociale.
Du point de vue de la méthode, les travaux en sémiotique visuelle du groupe μ (1992) ont réformé le système des catégories rhétoriques saisissant ou « accommodant » la visualité. Les théories faisant dépendre l’image du langage verbal ou de la supposée spécificité de leur semiosis ont ainsi été dépassée. D’Umberto Eco (1970) à l’École de Paris, de nombreuses recherches ont choisi d’explorer plus avant la visée pragmatique de la sémiotique du groupe μ. Cette ambition anime également ce colloque, qui convie des chercheurs de différentes disciplines à se saisir d’images artistiques, médiatiques et scientifiques, afin d’interroger leur fabrication ou leur composition, ainsi que les spécificités socioculturelles et politiques de leur production ou de leur réception. Différents axes pourront ainsi être explorés.
- Un premier axe pourra analyser les modes et les opérations de fabrication de l’image. Une grammaire de la structure sémiotique de l’image (Groupe μ 1992) ou des règles de l’écriture de l’image, qui établiraient l’existence d’un langage spécifique aux images pourront être (ré)interrogées, dans leur disjonction avec les questions de perception et de lectures plurielles des images, ou en réinvestissant ou dépassant comme l’a fait Eco, la notion d’image comme code. Quels dispositifs techniques et éditoriaux, voire sociaux permettent de créer des images ? Avec quels effets sur les images produites dans les champs artistiques, médiatiques et scientifiques (techniques des arts graphiques et des arts plastiques, techniques numériques et cinématographiques de fabrique de l’image, techniques documentaires, journalistiques, publicitaires, techniques scientifiques et/ou cartographiques, etc.) ? Selon quels « phénomènes » de production de sens ?
- Un deuxième axe pourrait questionner les modalités que les images mettent en œuvre dans la représentation des stéréotypes, que ce soit en les reproduisant ou en mettant en place une distance critique vis-à-vis de ces derniers. Plus particulièrement, on pourra s’intéresser :
- à la façon dont le stéréotype, de façon paradoxale, est ancré à la fois dans la monstration et la représentation ;
- à la façon dont le stéréotype renvoie à un récit fondateur, garant de l’unité de groupe et à la façon dont l’image l’articule ;
- aux modes de construction de l’image par le stéréotype et du stéréotype par l’image ; le stéréotype pouvant tout à la fois renvoyer à une analogie/représentation comme à une technique de fabrication de l’image (cadrage ou disposition des éléments sur la surface de l’image, par exemple) ;
- aux modes de représentation par stéréotypie des codes sociaux, de la norme, ou du genre et la façon dont l’image les « naturalise ».
- Le troisième axe pourra mettre en tension le caractère fictif de l’image en tant que signe et l’image en tant qu’objet social, afin de poser la question de son interprétation, à partir de sa construction, de sa circulation et de sa fonction. Quels espaces de réception et d’appropriation pour l’image ? Quelles limites à l’interprétation de l’image, des images ? Les espaces où ces opérations se déroulent pourront être considérés en lien avec la reconnaissance de stéréotypes, l’élaboration de normes ou leur détournement. Les possibilités sont ici nombreuses. Sans prétendre à l’exhaustivité on pourra songer : à la circulation et à la diffusion des images : S’agit-il d’images uniques ou proposées dans le cadre d’une série ? Comment les images circulent-elles et ont-elles circulé ? Quels dispositifs sont mis en œuvre pour leur réception ? Échange-t-on des images comme on échange des récits ? Comment peuvent-elles donner lieu à des rejets, réappropriations, réélaborations ou réinterprétations dans des groupes, ou des manières de faire (des images) qui ne sont pas au départ ceux de leur contexte de production et de réception ?
- Un dernier axe, qui pourrait nourrir de manière transversale les précédents ou configurer un horizon critique, amènera à réinterroger la visibilité et la signification. Sur les pas de Piaget, si on rend à l’image sa dimension spatio-temporelle cela change notre conception de sa signification. Autrement-dit, l’image est un acte (Sartre : 1936). En filigrane, émerge la question de la construction de l’expérience sensible, c’est-à-dire encore des actes et des pratiques de représentation, artistiques ou scientifiques, qui produisent des effets sur la sensibilité, d’une sensibilité historiquement construite, en « formation ». Peirce (1931), le fondateur de la sémiotique, ne plaçait-il pas d’ailleurs l’esthétique au fondement de l’éthique et de la logique, de l’action et de la connaissance ? Dans la lignée de Benjamin (1969) et de Rancière (2000 et 2002), la fonction politique de l’image, voire sa valeur d’usage pourront être questionnées. Enfin, il pourrait être intéressant de confronter les « nouvelles » formes du visible et du dicible, qui remettent en question le « régime représentatif de l’art » (Rancière, 2002) aux images ou aux formes de visibilité non analogiques, voire anti-mimétiques que les médias, les arts ou les sciences produisent, de les confronter aux formes de la narrativité.
Bibliographie indicative
Amossy Ruth, Herschberg Pierrot Anne. 1997. Stéréotypes et clichés, langue, discours, société. Paris, Nathan.
Aubert, Jean-Paul. 2009. « Prolégomènes, Image et récit les limites du récit ». Cahiers de Narratologie, 16|URL : http://narratologie.revues.org/1066
Barthes, Roland. 1964. « Rhétorique de l’image ». Communication, 4 : 40-51.
Benjamin, Walter. 1969. Essais sur Bertolt Brecht, Paris, Maspéro, réédition Paris, La Découverte, 2002.
Bennequin, D., & Berthoz, A. 2017. « Several Geometries for Movements Generations ». Geometric and Numerical Foundations of Movements. Springer International Publishing : 13-42.
Boehm, Gottfried. « Par-delà le langage ? Remarques sur la logique des images », Trivium [En ligne], 1 | 2008. URL : http://trivium.revues.org/252
Eco, Umberto. 1970. « Sémiologie des messages visuels », Communication, n°15, L’analyse des images : 11-51.
Groupe μ. 1992. Traité du signe visuel : Pour une rhétorique de l’image, Paris, Seuil.
Peirce, Charles S. 1931. Collected Papers, Vol. 1&2, Cambridge, MA, Belknap Press, Harvard University Press.
Rancière, Jacques. 2000. Le partage du sensible : Esthétique et politique, Paris, La Fabrique.
Rancière, Jacques. 2002. Le destin des images, Paris, La Fabrique.
Sartre, Jean Paul. 1936. L’imagination, Paris, PUF.
Schaeffer, Jean-Marie. 2001. « Narration visuelle et interprétation », in Mireille Ribière, Jan Baetens (éds.) Temps, narration et image fixe, Amsterdam, Rodopi : 11-27.