Spirituality in General Practice : a qualitative evidence synthesis

Spirituality in General Practice : a qualitative evidence synthesis
La spiritualité en médecine générale : Une synthèse des preuves qualitatives

Synthèse par Naomi Edelmann, collaboratrice scientifique de la Plateforme MS3
Dans cet article, la spiritualité est décrite comme une composante fondamentale du soin qui relève d’une exigence éthique.
Pourtant, seule une petite partie de la recherche s’intéresse à la manière d’intégrer la spiritualité dans la pratique quotidienne des équipes multidisciplinaires.
S’il existe peu de littérature sur cette question, il en existe encore moins sur la manière dont les médecins généralistes, à distance des équipes multidisciplinaires et des « spécialistes » du soin spirituel, fournissent ces soins.

Cette revue systématique a pour objectif de synthétiser un ensemble d’études qualitatives anglophones menées sur le point de vue perçu par les médecins généralistes de leur propre rôle à dispenser des soins spirituels, ainsi que sur les facteurs qui facilitent et limitent leur évaluation des besoins spirituels.
Il ressort de ces résultats qu’une majorité de médecins estiment qu’il en va de leur responsabilité de fournir des soins spirituels, de faciliter l’expression des valeurs et des ressources de leurs patients. En pratique, cela implique une attitude positive et authentique de soin, de même qu’une écoute respectueuse de l’intimité du patient.
Concrètement, aborder les questions de spiritualité est facilité par l’attitude authentique, sensible et volontaire du médecin, ainsi que par des techniques de communication liées au langage et au corps.
À l’inverse, la crainte « d’aliéner » le patient, de créer un inconfort, d’utiliser un vocabulaire inapproprié, ainsi que les croyances selon lesquelles la spiritualité se réduit à la religion ou influence peu la santé, suscitent les réticences de certains médecins à traiter des questions spirituelles avec leurs patients.

Les auteurs concluent que, dans une perspective de soin global, tous les professionnels de la santé devraient se soucier des besoins et des ressources spirituelles de leurs patients en utilisant des outils d’évaluations structurés et non-structurés.
Afin de diminuer les réticences de certains, les auteurs suggèrent que les médecins généralistes puissent bénéficier d’une formation solide, qui devra être préalablement évaluée.

L’article complet

Assessing spirituality : Integrating spirituality into treatment

Assessing spirituality : Integrating spirituality into treatment
Evaluer la spiritualité : Intégrer la spiritualité au traitement

Auteurs
Richard L. Gorsuch, Professeur de Psychologie à l’Institut de recherche comportementale à l’Université chrétienne du Texas (1937-2016).
William R. Miller, PhD, Professeur distingué émérite de Psychologie et Psychiatrie à l’Université de Mexico.

Synthèse par Naomi Edelmann, collaboratrice scientifique de la Plateforme MS3
Evaluer la spiritualité peut sembler absurde, car elle se dérobe à une définition et à une opérationnalisation claire et consensuelle.
Pourtant, de nombreuses disciplines, dont la psychologie de la religion, se sont attelées à développer des outils d’évaluation basés sur les contextes et construits religieux, aboutissant à l’élaboration d’une vaste littérature.
Peu de recherches, cependant, se sont consacrées au développement d’instruments d’évaluation de la spiritualité qui ne soit pas réduite au  domaine religieux.

Dans ce chapitre, les auteurs considèrent le rôle des processus spirituels en tant que variables qui ne se réduisent pas à la dimension religieuse et qui légitiment l’évaluation de la spiritualité en psychologie et en psychothérapie.
En effet, la spiritualité est un prédicteur de santé, et peut se décliner en facteur de risque ou en facteur protecteur.
De plus, elle influence l’intervention. La compréhension du sens  et du contexte de vie du client permettent au thérapeute de mieux percevoir sa situation, ses difficultés et ses ressources.
En outre, elle a une incidence sur le traitement.
Les résultats des interventions peuvent être améliorés en tenant compte de Propst (1980) a montré qu’intégrer des perspectives spirituelles spécifiques au client en thérapie, via les techniques d’imagerie religieuse, augmente les scores d’interaction sociale et diminue les humeurs dépressives chez les patients dépressifs.
Ainsi, le fonctionnement spirituel est un phénomène évolutif qui affecte le traitement en tout temps.
Il nécessite donc d’être évalué à différents moments de l’intervention, notamment avant et après la phase de traitement.

Une vaste littérature décrit les moyens d’évaluer la spiritualité en psychologie, mais seule une petite partie de celle-ci se focalise sur sa mesure.
Cela s’explique, en partie, par la confusion qui règne dans la distinction entre l’évaluation et la mesure ; deux moyens d’aborder la spiritualité, mais de manières et avec des buts différents.

L’évaluation a pour objectif de saisir la spiritualité de son client dans toute sa spécificité, à l’aide d’un entretien semi-structuré et d’une ou deux questions ouvertes,
comme par exemple : « Dites-moi dans quelle mesure la spiritualité ou la religion sont importantes pour vous ? ».
La mesure, quant à elle, renvoie à l’utilisation d’outils psychométriques et d’échelles d’items (Gorsuch, 1984 ; Idler, Musick, Ellison, George, Krause, Ory, … & Williams, 2003).
La mesure  vise à quantifier, objectiver et standardiser les réponses des clients, de manière à situer les individus sur une norme, selon leurs croyances, comportements et expériences spécifiques. Gorsuch et Miller (1999) proposent que la mesure s’établisse en deux temps : quelques items simples sont soumis au client en guise d’introduction à sa spiritualité, avant qu’il ne remplisse un questionnaire plus spécifique.
Les données sont, ensuite, répertoriées sous la forme d’échelles normées comme c’est le cas de l’échelle à 40 items, créée conjointement par l’Institut national sur le vieillissement et l’Institut Fetzer, qui mesure les domaines de la religiosité et de la spiritualité qui sont les plus susceptibles d’affecter les résultats pour la santé (le soutien social religieux, les croyances, les valeurs, etc.) (Idler et al., 2003).

Dans la suite du chapitre, Gorsuch et Miller (1999) présentent un ensemble de travaux d’évaluation et de mesures des phénomènes spirituels les plus étudiés en psychologie : les croyances, la motivation et l’engagement intrinsèque/extrinsèque, les comportements spirituels  et les expériences spirituelles. Leur approche critique met en évidence six implications pour la recherche sur les phénomènes spirituels.

Premièrement, la recherche ne doit pas s’attarder à proposer de nouvelles évaluations « artisanales ». Plutôt que de multiplier les évaluations qualitatives, elle devrait plutôt se consacrer à l’amélioration des échelles psychométriques existantes en

Deuxièmement, le chercheur doit être conscient du fait que la spiritualité peut avoir un effet positif ou négatif selon qu’elle est vécue comme un critère intrinsèque – implique que la spiritualité est vécue en soi et pour soi-même – ou extrinsèque – renvoie aux avantages sociaux de la spiritualité et à sa caractéristique utilitaire.
En effet, l’orientation et l’engagement intrinsèques sont liés à des résultats élevés de santé (Allport, 1950). Gorsuch et McPherson (1989) ont, par ailleurs, développé et normé une échelle de 14 items qui mesure l’orientation intrinsèque ou extrinsèque de la spiritualité.

Troisièmement, la majorité des échelles psychométriques mesurent des variables religieuses qui ont été testées dans des populations estudiantines et  chrétiennes, donnant lieu à des résultats non représentatifs à la population générale.
La recherche doit, par conséquent, développer des échelles de mesure généralisables en évaluant des variables spirituelles exemptes de religiosité et en les testant dans des populations hétérogènes. Par exemple, Mathew, Mathew, Wilson et Georgi (1995) ont développé une échelle interculturelle qui évalue des dimensions plus générales de la spiritualité – comme la croyance en la vie après la mort, les phénomènes paranormaux et les expériences mystiques – qui ne sont pas directement liées à une religion.

Quatrièmement, les résultats d’une évaluation spirituelle diffèrent selon que l’évaluation porte sur le contenu ou la fonction de la spiritualité.
Evaluer le contenu de la spiritualité d’un individu correspond à l’évaluation de son  système de croyances, tandis que la fonction renvoie à sa quête de sens (la motivation de celle-ci, par exemple).
Il s’agit donc de définir dans le plan de recherche ce sur quoi elle porte, car les résultats diffèrent selon le choix du chercheur.
Par exemple, évaluer le fondamentalisme sous l’angle du contenu portera sur la croyance qu’il n’y a qu’une seule religion qui mène à la vérité, tandis que l’évaluer sous l’angle des fonctions reposera plutôt sur la manière dont les individus vivent leur religion au quotidien pour fabriquer du sens  (Kite & Whitley, 2013)

Cinquièmement, il existe des échelles plus ou moins appropriées, selon que l’objectif de recherche porte sur des dimensions spécifiques à une culture ou non.
Les instruments multiculturels mesurent généralement la fonction. Ils ont l’avantage de s’adresser à un large éventail de spiritualités, et présente donc un haut potentiel de généralisation des résultats.

Sixièmement, lorsqu’une variable spirituelle est mesurée  dans un contexte spécifique, alors la spiritualité doit être comprise dans ce contexte-là uniquement.
Les résultats ne peuvent pas être généralisés hors de ce contexte au risque d’atténuer la fiabilité et la validité de l’échelle.
Par exemple, il serait vain d’évaluer l’utilité du modèle AA des Douze Etapes au sein d’un groupe qui ne les expérimente pas.

Critiques de la Plateforme MS3
Ecrit par deux professeurs en psychologie, ce chapitre est une revue de littérature qui a pour objet : l’évaluation de la spiritualité en psychologie.
Il s’inscrit dans un ouvrage collectif dirigé par William R. Miller et co-écrit par des auteurs provenant de différentes approches en psychologie : counseling, psychothérapie, psychiatrie, psychologie des addictions, etc.
Son objectif est d’encourager les thérapeutes à intégrer la spiritualité dans leurs interventions et le traitement de leurs clients.
Ainsi, la recherche vise à soutenir la pratique des thérapeutes cliniciens et à leurs transmettre des clés d’intervention.

La première partie de cet ouvrage explore le lien entre la spiritualité et la santé, l’histoire des rapports entre la psychothérapie et la spiritualité, ainsi que les différentes manières d’évaluer la spiritualité en psychologie.

Un grand nombre de recherches reconnaissent un haut potentiel de prévention, de soutien et de rémission à la spiritualité en cas de maladies physiques et psychiques, graves ou chroniques (George, Larson, Koenig & McCullough, 2000).
La spiritualité est majoritairement considérée comme un facteur de qualité de vie (Simard, 2006).
Néanmoins, d’autres recherches attestent d’un effet biaisé, mitigé, inexistant, voire péjorant, de la religiosité sur la santé des individus (Pargament & Brant, 1998 ; Huguelet et al., 2007 ; Swinton, 2001).
Ainsi, la littérature de ces trente dernières années montre un intérêt croissant dans l’exploration du lien entre la spiritualité et la santé en psychologie.

Malgré la recrudescence d’article psychologique sur la spiritualité, Gorsuch et Miller constatent et s’étonnent de la pauvreté des mesures spirituelles en psychologie.
Pour eux, cette absence serait moins due à l’absence de mesures fiables qu’à la difficulté de rassembler et de réintégrer deux « traditions » – la psychologie et la spiritualité – qui s’intéressent à des phénomènes identiques tels que le sens et les croyances, mais de manière isolée .
D’où provient cette rupture entre la psychologie et la spiritualité, et comment les réunifier ?

Le fossé qui sépare la psychologie de la spiritualité a émergé d’une faille plus profonde ; celle de l’opposition historique entre la science et la religion qui a marqué la psychologie tout au long de son développement.

Durant la Renaissance, les maladies mentales étaient abordées par des approches organicistes, mentalistes et religieuses.
Les symptômes s’expliquaient comme des désordres physiques résultant du péché qui pouvaient être traités par des soins « magico-religieux » (Alexander & Selesnicke, 1997 ).
Progressivement, la médecine aliéniste a relégué les explications religieuses des maladies mentales au second plan, bien que les croyances soient restées des symptômes de la folie.
Au début du XXème siècle, Freud et Watson se sont clairement opposés à l’intégration de  la dimension religieuse à la psychothérapie pour deux raisons.
La première renvoyait à la soumission de l’homme sous le joug de la religion, ainsi que son maintien dans des états de dépendance et de culpabilité.
La seconde, d’ordre méthodologique, considérait que les dimensions spirituelles telles que l’âme, la grâce et la relation au transcendant ne pouvait pas être des objets d’études puisqu’ils échappent à l’observation de ces phénomènes (Lavoie, 2006).
Ainsi, la spiritualité a très vite été considérée par les psychologues comme un objet non-opérationnalisable, immatériel, et, par conséquent, ne pouvant pas faire l’objet de recherche scientifique (Miller & Thoresen, 2003).

Sous l’influence de Jung (1928) et de sa psychothérapie contemplative et spirituelle basée sur la recherche de sens de la vie, et de Frankl (1948/2012) qui a modélisé l’idée d’un inconscient spirituel et développé la logothérapie, la psychologie s’est rapprochée de la spiritualité, lui restituant un certain potentiel en matière d’intervention psychothérapeutique (Lavoie, 2006).
Aussi, malgré un contexte où les figures d’influence se montraient hostiles à l’évaluation des dimensions spirituelles, la spiritualité, d’abord sous l’angle de la religiosité, a progressivement effectué son retour en tant qu’objet de recherche.
William James (1902/1961) a, par ailleurs, consacré un volume à la question de l’expérience religieuse ce qui a influencé une importante tradition de recherche pour l’étude scientifique de la spiritualité (George, Larson, Koenig & McCullough, 2000 ; Larson, Swyers, & McCullough, 1998).

En parallèle, le développement de la psychométrie a  la possibilité d’évaluer scientifiquement des constructions « latentes  » (George, Larson, Koenig & McCullough, 2000) telles que la personnalité ou l’intelligence, ce qui a permis la création d’outils scientifiques et objectivables de la spiritualité, et de valider les effets de la spiritualité sur la santé des clients.

En conséquence, la psychologie s’est intéressée tardivement à la spiritualité, car elle a longtemps été considérée comme un objet non-opérationnalisable, immatériel, faisant obstacle à son étude scientifique.
Aujourd’hui, le développement en psychologie est tel qu’elle a désormais les moyens d’étudier, de fournir des preuves de l utilité et des limites de la spiritualité.
Gorsuch et Miller (1999) insistent sur l’utilisation d’outils psychométriques pour aborder la spiritualité, car, cela a une incidence pour la recherche, mais aussi pour la clinique.
Comme la spiritualité a une incidence sur la santé des clients, l’affirmation d’un effet positif sur la santé d’un patient peut donner lieu à des modifications dans l’intervention et le traitement d’un client en psychothérapie notamment.
Néanmoins, les thérapeutes doivent rester prudents. Ils pourraient être tentés de conclure que les dimensions spirituelles et religieuses doivent être insérées au plan de traitement dès que les recherches empiriques méthodologiquement solides démontrent un effet positif.
Cependant, l’utilisation de ces résultats ne doit pas être faite sans un questionnement éthique préalable en tenant compte des facteurs de risques que peuvent aussi représenter la spiritualité pour la santé et sur l’alliance thérapeutique.
Une question reste, d’ailleurs, en suspend par rapport à cela : est-ce le rôle du psychologue et du psychothérapeute de fournir du spiritual care en thérapie ?


R
éférences
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