Spiritual care training in healthcare : Does it really have an impact ? Palliative and Supportive Care, 1-9. Daudt H, d’Archangelo M, Duquette D (2018).
Synthèse par Ysaline Favre, chargée de recherche pour la Plateforme MS3
En 2017, une équipe de l’Hôpital Victoria en Colombie-Britannique (Canada) s’est intéressée aux effets d’une formation en spiritual care[1] sur des soignants en soins palliatifs.
La formation consistait en 64 heures réparties en quatre ateliers de deux jours. Ceux-ci abordaient les thèmes suivants: comprendre ce qu’est la douleur spirituelle (1) ; la diagnostiquer (2) ; la soigner (3) ; la transformer (4).
Les méthodes pédagogiques comprenaient des exercices de réflexion personnels, des expériences pratiques, des présentations multimédia et la pratique concrète de rituels religieux et spirituels issus de diverses traditions. Chaque atelier était suivi par des cercles de discussion mensuels (circles of trust) menés par des facilitateurs expérimentés en spiritual care.
A l’issue de la formation, les participants (N=10) ont fait part d’une amélioration notable de leur ouverture aux autres, de leur acceptation de la diversité culturelle, de leur tolérance à l’ambiguïté et à l’inconfort,
de leur confiance en eux ainsi que dans la confiance inter-collègues. Ils ont émis également le souhait de pouvoir transmettre à leurs collègues les connaissances nouvellement entraînées en formation et de pouvoir avoir accès
à des séances supplémentaires de méditation, des programmes de mentorship et de maintenir les rencontres de partage inter-collègues telles qu’expérimentées dans les « circles of trust ».
Des réactions plus nuancées qualifiées d’impacts négatifs par les auteurs ont également été reportées et ont fait l’objet d’un classement en trois catégories :
– en lien avec la formation en elle-même. La pratique de certains rituels a mis certains participants dans l’inconfort ou dans la gêne. Une personne y a perçu une forme d’instrumentalisation de la spiritualité.
Une autre a dénoncé une tentative de sécularisation du traditionnel religieux de l’établissement.
– conscientisés durant la formation. Des écarts de pratiques entre l’approche idéale promue dans le cours et les réalités de terrain ont été mentionnés, notamment concernant les contraintes de temps.
Parmi les participants, certains se remémoraient « une autre époque », qualifiée de bon vieux temps, lorsqu’il était encore possible par exemple de s’assoir auprès d’un patient pour un échange.
Pour en parler, l’un des soignants évoque « un écart tragique » déclencheur de détresse tant pour le patient que pour le personnel. La surmédicalisation des soins palliatifs également s’est vue critiquée par l’un des participants.
– existants malgré la formation. Certains changements récents dans les styles de management ainsi que l’opacité et l’incertitude liées à certains choix directionnels ont été mentionnés également comme des éléments de tension par quelques participants.
Commentaire :
Les réactions récoltées auprès des participants ainsi que la transparence de leurs restitutions par l’équipe de recherche constituent l’apport majeur de cette étude.
Bien que les résultats restent à interpréter avec précaution vu le petit nombre de participants ayant suivi la formation dans son entier (10 personnes) ils mettent en évidence un constat important.
Dès lors que les valeurs et les pratiques enseignées dans un contexte de formation s’écartent massivement des réalités de terrain et de la culture d’entreprise, cette même formation devient génératrice de tensions pour les participants.
Il est certain toutefois que la direction d’un établissement, par sa posture et ses choix de valoriser ou non les aspects de spiritualité dans ses valeurs directives a non seulement la capacité de promouvoir ou de freiner
la mise en application réelle et effective du spiritual care dans la prise en soins, mais elle influence également l’accès des soignants à des programmes de spiritual care ainsi que de leur satisfaction vis-à-vis de tels programmes.
Souvent présentes dans les enjeux de formation, les questions de follow-up sont primordiales également. « What comes next ? » pour reprendre la formulation des auteurs.
A cette question, les participants plébiscitent en premier lieu le maintien des cercles de parole (circles of trust), ce qui démontre bien la nécessité pour les soignants de pouvoir disposer d’espaces suffisants pour thématiser les aspects de spiritualité dans leurs pratiques.
L’étude rend attentif également aux précautions qu’il s’agit de prendre lorsqu’il s’agit de mobiliser la ou les spiritualités propres des soignants.
[1] Depuis 1996, la clinique propose à l’interne et à l’externe ce type te programme dans le but de promouvoir la dimension spirituelle de la prise en soins.