Gilles BRODARD, « La restauration de l’église de Treytorrens par Albert Naef (1898-1907) »

Petite construction religieuse e?leve?e dans un milieu agreste vers le milieu du XVe sie?cle puis modifie?e vraisemblablement au cours des anne?es 1520, caracte?ristique par son portail, son clocher-arcade ou encore ses chapelles-baldaquins, l’e?glise de Treytorrens retient, a? la fin du XIXe sie?cle de?ja?, l’attention d’Albert Naef (1862-1936), arche?ologue et architecte charge? depuis 1894 de dresser un premier inventaire d’e?difices dignes d’inte?re?t pour le compte de l’E?tat. Devenu au tournant du XXe sie?cle une figure incontournable des restaurations mene?es dans le canton (architecte du cha?teau de Chillon de?s 1897 et arche?ologue cantonal de?s 1899), Naef argumentera le bien-fonde? d’une restauration de l’e?glise pour peu après en assumer la direction, du de?but des travaux pre?paratoires en 1898 a? la fin du chantier en 1907.

Dave LÜTHI, « Pourquoi étudier les restaurations? Pour une histoire de la pratique de la conservation du patrimoine dans le canton de Vaud »

Depuis quelques anne?es, la pratique de la restauration des monuments historiques, plus que centenaire en Suisse, a suscite? un inte?re?t non ne?gligeable auprès de chercheuses et de chercheurs qui ne traitent plus cette question comme une annexe de l’e?tude monumentale, mais bien comme un sujet en soi. En effet, cette arche?ologie du passe? re?cent du patrimoine ba?ti produit souvent des résultats e?tonnants, et renouvelle comple?tement le regard porte? sur de ve?ne?rables monuments dont on se rend compte qu’ils sont moins « authentiques » qu’on l’imaginait… Cette lecture a deux conse?quences essentielles: elle permet de pointer les e?le?ments les plus anciens, souvent inte?ressants parce que rares, et d’assurer leur documentation et leur prèservation; mais elle permet surtout de prendre conscience du caracte?re organique de la conservation, de la re?novation et de la restauration des monuments.

Guillaume CURCHOD, « L’architecte Frédéric Gilliard et le temple de Bière. Enjeux d’une restauration des années 1940 »

Diplo?me? de l’E?cole polytechnique fe?de?rale de Zurich en 1909 et associe? a? l’architecte vaudois Frédéric Godet de?s 1913, Frédéric Gilliard est avant tout connu pour son engagement en faveur de la construction de logements sociaux a? Lausanne. La restauration d’e?glises constitue une autre facette de son activite? qui va de pair avec une forte implication dans la sphe?re patrimoniale. Frédéric Gilliard sie?ge en effet dans de nombreuses commissions de restauration (Monuments historiques, Cathédrale, Cha?teau de Chillon, etc.) et œuvre notamment a? la conservation du patrimoine ba?ti de la Cite? a? Lausanne, et à la restauration de quelques cha?teaux et de dizaines d’e?glises. Au sein de cet important corpus, le chantier du temple de Bie?re constitue un cas remarquable de restauration des anne?es 1940. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, près de dix ans après la re?daction de la Charte d’Athe?nes, l’intervention de Frédéric Gilliard te?moigne des enjeux pose?s par une restauration au cours de cette pe?riode peu e?tudie?e: les choix stylistiques, les intentions et valeurs guidant la restauration et finalement la compre?hension me?me du concept de restauration par l’architecte.

Anne-Gaëlle NEIPP, « Claude Jaccottet et la restauration de la maison de l’Élysée à Lausanne (1974-1980) »

Importante figure de la restauration en Suisse romande de la seconde moitie? du XXe sie?cle, l’architecte Claude Jaccottet (1915-2000) a dirige? un grand nombre de chantiers, principalement sur des e?glises et des cha?teaux, la maison de mai?tre de l’E?lyse?e, en tant que maison de campagne, faisant figure d’exception. Si durant son premier chantier de restauration a? l’abbaye de Saint-Maurice (1942-1950), il prend beaucoup de liberte?s par rapport a? la substance historique conserve?e, son attitude change lors de ses chantiers poste?rieurs a? la Charte de Venise (1964). Il tente alors de prendre en conside?ration cette dernie?re et d’en appliquer les principes du mieux possible. Ainsi, il privile?gie le respect du monument et de son histoire pluto?t que la restitution d’un e?tat ancien mal documente?. De me?me, il favorise la collaboration pluridisciplinaire, comme le pre?conisent les Chartes d’Athe?nes puis de Venise, en ayant recours a? des spe?cialistes pour chaque type d’intervention. L’e?tude du chantier de la maison de mai?tre de l’E?lyse?e (1974-1980) montre l’approche de Jaccottet face a? la restauration, a? l’histoire et a? l’art de l’e?difice.

Bernard ZUMTHOR, « De minimis curat conservator etiam ». Au sujet de la restauration du temple de Crans-près-Céligny »

Le patrimoine culturel est a? l’histoire ce que l’e?criture est au texte: un assortiment d’objets matériels et immatériels le?gue?s en vrac a? notre ge?ne?ration par celles qui nous ont pre?ce?de?s et que chaque e?poque s’efforce d’ordonnancer en un nouveau récit qui leur donnera signification et dans lequel les he?ritiers seront cense?s se reconnai?tre. Or, compte tenu du fait que notre regard sur les te?moins de l’histoire e?volue au cours du temps, chaque proposition de mise sous protection, a fortiori lorsqu’elle s’accompagne de conservation et de restauration, nous invite a? interroger les proce?dures intellectuelles et les paradigmes sur la base desquels se cre?e la valeur historique ou symbolique, c’est-à-dire de comprendre de quelle manie?re et pourquoi, a? un moment donne?, un objet, reste? jusqu’alors dans l’anonymat public, acquiert la distinction me?morielle.

La restauration du petit temple de Crans-près-Ce?ligny offre, en de?pit – ou peut-e?tre en raison – de sa modestie, une illustration inte?ressante du processus d’objectivation du fait patrimonial dans la pratique contemporaine de la sauvegarde.