Le patrimoine culturel est à l’histoire ce que l’écriture est au texte: un assortiment d’objets matériels et immatériels légués en vrac à notre génération par celles qui nous ont précédés et que chaque époque s’efforce d’ordonnancer en un nouveau récit qui leur donnera signification et dans lequel les héritiers seront censés se reconnaître. Or, compte tenu du fait que notre regard sur les témoins de l’histoire évolue au cours du temps, chaque proposition de mise sous protection, a fortiori lorsqu’elle s’accompagne de conservation et de restauration, nous invite à interroger les procédures intellectuelles et les paradigmes sur la base desquels se crée la valeur historique ou symbolique, c’est-à-dire de comprendre de quelle manière et pourquoi, à un moment donné, un objet, resté jusqu’alors dans l’anonymat public, acquiert la distinction mémorielle.
La restauration du petit temple de Crans-près-Céligny offre, en dépit – ou peut-être en raison – de sa modestie, une illustration intéressante du processus d’objectivation du fait patrimonial dans la pratique contemporaine de la sauvegarde.