Patrick Michel (Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité, UNIL) et Adrian Stähli (Département d’études classiques, Université de Harvard) ont organisé, le dimanche 22 novembre, un workshop sur l’archéologie et l’héritage culturel de Palmyre dans le cadre de la réunion annuelle de l’ASOR.
Fondée en 1900 par 21 institutions (dont les universités d’Harvard, Princeton, Yale, ou encore Columbia), l’American Schools of Oriental Research, généralement connue sous l’acronyme ASOR, est une association apolitique et sans affiliation religieuse à but non-lucratif. Elle a pour mission d’initier, d’encourager et de supporter la recherche et la compréhension de l’histoire et des cultures du Proche-Orient, ainsi que celles de l’ensemble du bassin méditerranéen, sur une période allant de l’antiquité à nos jours. Actuellement, l’ASOR se définit comme un consortium d’environ 75 institutions (universités, séminaires, musées, fondations, bibliothèques) et comprend plus de 1’900 membres et plus de 15’000 ami.e.s de l’association. Chaque année, elle organise l’« ASOR Annual Meeting » qui réunit des chercheurs et chercheuses de toutes horizons afin d’y présenter leurs dernières découvertes et d’y partager leurs recherches. C’est dans le cadre du « 2020 Virtual Annual Meeting » des 21 et 22 novembre 2020 que Patrick Michel et Adrain Stähli ont organisé le workshop « Cultural Heritage and Archaeology of Palmyra ». Parmi les participants, on comptait notamment Amr Al-Azm (Université Shawnee State), Catherine Bonesho (UCLA) et Felicia Meynersen (Orient Institut Beirut).
« Cultural Heritage and Archaeology of Palmyra »
Le dimanche 22 novembre 2020, Patrick Michel et Adrian Stähli ont ainsi dirigé un workshop en ligne intitulé « Cultural Heritage and Archaeology of Palmya ». Cette réunion réunissait quelques 25 participant.e.s autour de l’importante thématique de la mémoire culturelle, permettant de penser le concept de restauration, d’authenticité et la manière par laquelle les sociétés assurent une continuité culturelle pour les générations futures. Faisant échos à ces thématiques, le Projet Collart-Palmyre de l’Université de Lausanne a pu nourrir les réflexions de ce workshop puisque les membres de son équipe travaillent, entre autres, sur la coopération internationale, l’impact social lié à la création de double digitaux de monuments détruits, la numérisation et la mise en ligne publique de matériel d’archive, ou encore sur le développement d’activités sociales autour de l’histoire de Palmyre avec les populations directement concernées. Similairement, les activités de l’Université d’Harvard et des Musées d’Art d’Harvard ont également permis de nourrir les échanges puisque, suivant des initiatives existantes telles que l’« Archaeological Heritage Network », ces institutions planifient d’établir un programme lié à l’héritage culturel. Ainsi, aux travers de ces échanges, ce workshop a permis, dans un premier temps, d’engager les chercheurs et chercheuses à partager leurs expériences et leurs travaux sur les thématiques similaires à celles évoquées par l’exemple du Projet Collart-Palmyre et, dans un second temps, d’initier des synergies internationales entres les participant.e.s intéressé.e.s à créer une « Cultural Heritage Intiative ».
Quatre présentations devaient initialement ponctuer ce workshop. Cependant, Felicia Meynersen, qui devait parler de « Politics of Archives. Experience Report », n’a malheureusement pas pu participer à la réunion. Ce sont donc les présentations de Patrick Michel (« The next steps for Palmyra: what is going on ? »), d’Amr Al-Azm (« Protecting Syria’s Cultural Heritage the Local Way ») et de Catherine Bonesho (« Preserving and Contextualizing Ancient Palmyrene Heritage ») qui ont rythmé ce workshop. Parmi ces interventions, nous souhaitons revenir brièvement sur les enjeux présentés par Patrick Michel et Amr Al-Azm lors de ce workshop :
Patrick Michel – The Next Steps for Palmyra: What is going on?
La présentation de Patrick Michel portait sur la perte de mémoire culturelle pour les personnes qui ont fui la Syrie durant les conflits. Elle abordait des questions problématiques telles que : « comment documenter un monument et sa destruction ? », « quelle est la faisabilité d’une restauration ou quelles sont les possibilités de fouilles archéologiques ? », ou encore « comment conserver la mémoire culturelle auprès des populations directement concernées par ces destructions ? ». Reprenant les différentes activités du Projet Collart-Palmyre, Patrick Michel a répondu à ces différents questionnements et a notamment abordé l’activité sociale et éducative par la broderie, ainsi que la création de modèles 3D du sanctuaire de Baalshamîn en collaboration avec ICONEM et Ubisoft. La présentation a enfin questionné la nature néo-colonialiste, économique et nationaliste qui peut émerger suite à l’utilisation et au partage de l’héritage culturel dans un format numérique, ainsi que la volonté d’étudier la manière dont ces données digitales servent d’échafaudage à la conservation de la mémoire chez les populations migrantes. Enfin, cette présentation offrait un panorama des initiatives actuelles autour du patrimoine de Palmyre.
Amr Al-Azm – Protecting Syria’s Cultural Heritage the Local Way
La présentation d’Amr Al-Azm était centrée autour de l’implication des populations locales dans la sauvegarde du patrimoine syrien. Comme il l’a expliqué, la Syrie vit, de nos jours, une véritable situation de conflit traumatique et déstabilisant qui dépeint sur ce qui caractérise la Syrie : la nature ethnique, sectaire et sociale du pays. La plupart du pays est en ruine, et son héritage culturel fait partie des dommages matériels liés à la guerre au travers de pillage répétitifs et de destruction volontaires. Suite à la mise en place de ce contexte, Amr Al-Azm continuait sa présentation en soulignant le fardeau porté par les partie-prenants locaux et les acteurs non-gouvernementaux : la protection de ce patrimoine en danger. Comme il l’a démontré, ces groupes de travailleurs locaux (comprenant des professionnels locaux du domaine du patrimoine, des activistes de la société civile et des membres d’ONGs) travaillent dans des conditions désespérées afin de protéger les musées et les sites culturels du pays et de promouvoir la protection de ces monuments et institutions. Cependant, et la présentation d’Amr Al-Azm l’a très nettement souligné, ces groupes souffrent d’un manque d’aide puisqu’ils se voient souvent refuser des financements et des supports techniques d’organisations internationales et de donneurs qui ne travaillent qu’avec des institutions gouvernementales.
À la lumière de ces deux présentations, les discussions qui ont animé ce workshop étaient largement focalisées sur la place centrale que doivent avoir les populations locales dans les processus de guérison, qu’il s’agisse de travaux sur le matériel archéologique, de projets numériques, ou de programmes de conservation de la mémoire culturel – une thématique qui sera sans nulle doute au cœur des futures collaborations internationales.