Par Claire Cornaz
Une critique sur le spectacle :
Tartuffe d’après Tartuffe d’après Tartuffe d’après Molière/ D’après la pièce de Molière / Conception Guillaume Bailliart (Groupe Fantômas) / Théâtre de Vidy / du 2 au 12 mars 2022 / Plus d’infos.
Le théâtre de Vidy à Lausanne accueille une performance de Guillaume Bailliart, qui occupe à lui seul la scène pour interpréter tous les personnages du Tartuffe de Molière. Si le projet, sur le papier, peut s’annoncer plutôt risqué, la réalisation repose sur une véritable maîtrise du jeu corporel. La mise en place de codes très précis permet de conserver une certaine clarté, y compris pour les spectateurs et spectatrices qui ne connaîtraient pas l’intrigue ou les personnages de la pièce originale.
Les prémices sont les mêmes que chez Molière : Orgon recueille et admire le faux dévot Tartuffe, qui en réalité souhaite avant tout détourner la fortune de son hôte. Mais c’est un autre dénouement qui clôt le spectacle, en déclarant Tartuffe vainqueur. Les multiples personnages de la pièce s’avèrent tous partager le même visage, celui de Guillaume Bailliart, y compris l’imposteur, qui cache pourtant son vrai visage. C’est un exercice qui peut s’avérer difficile, car il requiert des spectateurs une attention particulière afin de reconnaître quel personnage Guillaume Bailliart interprète lorsqu’il débite ses premières répliques. Pour faciliter ces échanges, c’est par le biais des noms des personnages marqués au scotch sur la scène, sur lesquels il se déplace, qu’il réussit à expliciter lequel prend la parole. Tout ceci est par ailleurs soutenu par une syntaxe gestuelle que l’on décrypte très vite : en pointant du doigt vers un nom au sol lorsqu’il est mentionné dans une réplique, ou une paume ouverte pour l’incarner temporairement. Le comédien joue par ailleurs la totalité des personnages les yeux fermés, à l’exception de Tartuffe qui, lui, les a grand ouverts. Le détail est d’autant plus marquant que c’est ce dernier qui gagne en ayant réussi à tromper Orgon et dépouiller la famille. La façon dont sont joués ces personnages est particulièrement énergique, et cette dynamique transporte le public dans un rythme effréné, qui ne laisse respirer qu’à de très rares moments. Le débit de paroles est rapide, un point commun avec les mises en scène de Molière par Gwenaël Morin, sous la direction duquel Guillaume Bailliart a travaillé. Ici, le débit rapide et ce rythme frénétique offrent plus la sensation d’une performance sportive qu’autre chose, même si cette performance n’en est pas moins colossale et que c’est avec une redoutable précision que Guillaume Bailliart parvient à la délivrer. Le numéro a beau époustoufler, il ne fait pas de proposition particulière concernant les thématiques de l’intrigue ou les personnages, comme un solo de musique que l’on jouerait plus pour la virtuosité de l’exercice que pour exprimer une vision artistique.