Il est encore temps de vivre

Par Clémentine Glardon

Une critique sur le spectacle :

Mercury / Mise en scène de Sophie Pasquet-Racine / Texte de Yvan Richardet / CPO-Ouchy / du 9 au 11 mars 2022 / Plus d’infos.

© François Wavre

Yvan Richardet propose une pièce de théâtre musicale traitant de l’écologie, de la maladie et de la mort, tout en donnant une énergie nouvelle à la lutte pour préserver le climat. La mise en scène de Sophie Pasquet-Racine intègre parfaitement les chansons de Queen et le spectacle devient ainsi une ode à la vie. Entre angoisse et espoir, joie et tristesse, il se construit tout en contraste.

Tout commence par de sombres nouvelles : la période d’insouciance est terminée. En effet, on assiste au début du spectacle à la mise en parallèle de l’annonce de la maladie de Freddie Mercury d’une part et celle de la destruction de l’environnement d’autre part. Deux temporalités se mêlent : celle de l’artiste dans les années 80 et celle de Cassandre, jeune doctorante en science de l’environnement, en 2022. Freddie Mercury se retrouve face à son infection au SIDA et à la mort, sans pour autant se départir de son humour. Comme dans une rétrospective, la pièce revient sur les étapes de son parcours musical et de son enthousiasme à toute épreuve. Quant à Cassandre, elle cherche le moyen d’alerter sur l’urgence climatique, tout en proposant des solutions, par le biais d’une conférence TED. Mais la doctorante se heurte au déni et aux idées désabusées de son professeur et au manque de considération de ses deux pères. Dans un procédé de miroir, Freddie Mercury fait lui aussi face à l’incompréhension de ses pairs lors du processus créatif de la chanson « Bohemian Rhapsody ».

Cette amorce semble cantonner le spectacle à un registre pesant et sombre. Cependant, il réussit à donner un ton d’espoir face aux problèmes climatiques. Il tend à parler d’utopie, malgré l’éco-anxiété de Cassandre. Les nombreuses références modernes, médiévales et antiques du texte ajoutent de l’humour à cette situation angoissante, tout en donnant davantage de profondeur au texte. Par exemple, lorsque la dichotomie entre le désastre énergétique que représente Netflix et la mise en ligne du film de sensibilisation Don’t look up est relevée, l’absurde de la situation en devient comique. Autre exemple, le prénom « Cassandre » renvoie au personnage de l’Iliade et à son impuissance; elle connaît l’avenir, mais personne ne la croit.

La pièce présente les problèmes inhérents à nos modes de vie tout en envisageant un autre monde. Les adaptations et les traductions des chansons de Queen sont utilisées à cet effet en même temps qu’elles participent à faire revivre le groupe mythique. Ces reprises s’entremêlent alors à la lutte pour préserver le climat, notamment celle de « I want to break free » qui, dans ce contexte, exprime le mal-être des écologistes qui se battent contre la passivité et l’éco-anxiété.

Par ailleurs, la lumière vient renforcer les multiples contrastes présents dans le spectacle. Elle permet des transitions d’une scène de concert à l’intimité d’un foyer ; les spots illuminent la salle de nombreuses couleurs et font des effets stroboscopiques, et réduisent ensuite l’espace de la scène pour représenter une chambre. Les tests et les répétitions s’enchaînent, entre tristesse et euphorie. La lumière vient ainsi accompagner le jeu expressif des comédiens ; la mise en scène oscille donc entre les genres et développe des trésors d’ingéniosité pour expliquer les problèmes environnementaux.

Les expérimentations de Cassandre pour traiter de l’écologie, et celles de Freddie Mercury dans la musique se font ainsi échos grâce à des sentiments partagés : la peur, l’espoir et l’envie de vivre malgré tout. Ils emmènent petit à petit le spectateur à s’interroger sur sa propre manière d’aborder ces nouvelles alarmantes : l’humour, le déni, la tristesse, l’angoisse ou l’espoir. La question demeure. Resterons-nous passifs ?