Cabaret
de Hanokh Levin / mise en scène Nalini Menamkat / du 25 mars au 6 avril 2014 / La Comédie de Genève / Critiques par Joanna Pötz et Laura Pallù.
26 mars 2014
Par Joanna Pötz
Au défilé de la comédie

Avec Cabaret, mis en scène par Nalini Menamkat, La Comédie de Genève propose une incursion dans le monde fantaisiste et drôle de Hanokh Levin, qui dévoile la part d’hypocrisie et de bassesse de l’homme dans son rapport au monde.
Tout commence avec l’arrivée du public. Dans une salle de cabaret, lumière tamisée, il prend place autour de petites tables et s’installe comme pour boire un verre entre amis. Un duo de musiciens joue au piano et chante. L’illusion est parfaite, la frontière entre scène et spectateur quasiment abolie, au point que des spectatrices se lèvent pour suspendre leurs vestes avec les autres déjà en place sur une patère derrière ce qui sera la scène. Hélas, non, ce n’est pas le vestiaire pour spectateurs, mais la garde-robe des acteurs… La lumière s’assombrit alors, la musique se fait plus forte. Les quatre interprètes surgissent et commencent à chanter.
Cabaret, créé par le collectif de la Comédie de Genève, est une succession de sketchs courts et divers, du mini one-man show au dialogue de sourds à quatre, en passant par une conversation téléphonique. Les textes sont tirés de deux recueils de cabaret – Que d’espoir ! et Douce vengeance et autres sketches – écrits par l’Israélien Hanokh Levin (1943-1999). L’écrivain est surtout connu pour ses œuvres dramatiques, tragédies, comédies et sketchs, qui dénoncent non seulement les défauts de l’homme d’une façon générale – indépendamment de l’âge, du sexe ou de la nationalité – mais aussi le milieu politique tendu d’Israël. Présenter son œuvre à la scène en Suisse est donc une gageure double : traduire avec justesse ses textes « qui font mouche à chaque réplique, à chaque phrase, à chaque virgule, à chaque silence », comme le note la traductrice Laurence Sendrowicz, et les adapter aux sensibilités d’un public suisse, souvent bien inconscient du contexte israélien. Ainsi, dans l’un des sketchs, les personnages évoquent Genève et ses frontaliers, et une sélection parmi la multitude des textes des recueils a dû être effectuée.
Le tout est agrémenté de chansons – composées à partir des écrits de Levin, et accompagnées par Daniel Perrin et Lee Maddeford – interprétées par les acteurs. Ces moments musicaux sont autant de coupures qui facilitent le passage d’un sketch à l’autre, l’entrée dans un « nouveau microcosme ‘lévinien’ » comme le souligne Nalini Menamkat. Le dénominateur commun de tous ces tableaux ? Leur objet de prédilection: l’homme. Ainsi, le spectacle dénonce à la fois ses préoccupations bassement matérielles et physiologiques, son hypocrisie et son indifférence aux problèmes des autres. Cabaret, petite satire de la société, dévoile l’absurdité de l’humain avec beaucoup d’humour et de fantaisie.
La mise en scène de Nalini Menamkat met particulièrement bien en avant, par la musique et le jeu des acteurs, l’ambiance de cabaret et le comique qui règnent dans l’œuvre de Levin. Surtout, par l’abolition d’une claire frontière entre acteurs et spectateurs – installés de part et d’autre du piano des deux musiciens et orientés de la même façon qu’eux – la metteuse en scène rend bien compte de l’aspect universel et englobant des problématiques que soulève l’auteur israélien. La scène très peu profonde et les changements de costumes des interprètes devant le public soulignent également qu’il s’agit bien de dévoiler et montrer au grand jour les non-dits de l’homme qui nous concernent tous. Pari réussi !
Cabaret, pièce pleine d’humour mais aussi de justesse, est à voir à la Comédie de Genève jusqu’au 6 avril.
26 mars 2014
Par Joanna Pötz
26 mars 2014
Par Laura Pallù
La magie du cabaret au théâtre

Les quatorze courts sketches de Cabaret abordent de façon amusante les problématiques liées aux rapports humains et à la société. Le tout est accompagné d’un piano joué en live et de moments de chanson. Bonne humeur assurée, non sans une réflexion sur les paradoxes de notre actualité.
Après être entré dans le studio Claude Stratz à la Comédie de Genève, le spectateur se retrouve assis à une table de bistrot tout près de la scène, un verre de vin à la main, avec en fond musical un duo de piano qui l’invite à se détendre. Cette chaleureuse atmosphère fait tout de suite plonger dans l’esprit léger et vivant du spectacle. On a l’impression de se fondre avec la petite scène, réduite à une passerelle horizontale, sur laquelle vont défiler l’une après l’autre les quatorze scaynètes interprétées par Ahmed Belbachir,?Camille Figuereo,?Michel Kullmann et Brigitte Rosset. Mais la sensation de faire nous-mêmes partie de la scène, nous le public, est encore plus puissante pendant la représentation. Car c’est de chacun de nous que parle le spectacle.
Cette adaptation française des sketches du dramaturge israélien Hanokh Levin satirise les imperfections de notre propre société et de nos propres défauts. Les personnages en sont des personnes médiocres, des « Messieurs tout le monde », lesquels doivent faire face aux petites difficultés de la vie de tous les jours. Surgissent les désillusions et les frustrations que tout homme rencontre dans les contradictions de la société et dans la complexité des rapports humains.
Pour l’interprétation française des cabarets d’Hanok Levin, la metteure en scène et scénographe Nalini Menamkat a choisi de mettre l’accent sur les thématiques les plus universelles et les plus adaptables à notre pays, en laissant de côté les dénonciations politiques qui caractérisent tout autant l’œuvre de l’écrivain israélien.
L’un des sujets communs à toutes les scaynètes retenues pour ce spectacle est le solipsisme dans lequel chacun de nous est irrémédiablement enfermé. En effet, les dialogues entre les comédiens jouent beaucoup sur les quiproquos et sur les malentendus, comme pour montrer à quel point les hommes ont souvent du mal à communiquer et à se comprendre entre eux. Apparaît aussi souvent la difficulté pour les hommes d’exprimer et de réaliser leurs propres désirs à cause des contraintes de la société et de ses mœurs. Mais la force de l’écriture d’Hanokh Levin est justement de savoir dévoiler les petites vérités cachées en chacun de nous.
Laissez-vous séduire par l’atmosphère magique du cabaret d’autrefois, dans ce spectacle qui parle de nous tous.
26 mars 2014
Par Laura Pallù