Le Bleu de Madeleine ou la dilution du sens

Par Roxane Cherubini

Une critique du spectacle :
Le Bleu de Madeleine et les autres / d’Anne Luthaud / mise en scène Anne-Marie Marquès / Petit Théâtre de Lausanne / du 9 au 13 octobre 2013

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© S. Guttierez

La pièce jeune public Le Bleu de Madeleine et les autres, dirigée par Anne-Marie Marques et jouée au Petit Théâtre à Lausanne en octobre dernier, marie avec grand art la peinture et les mots. Seule ombre au tableau, l’ajout superflu de mouvements et de sons, qui font perdre de sa consistance à la pièce.

Plusieurs gouttes de peinture d’un bleu roi qui plongent et se répandent majestueusement dans l’eau – fumée visuelle teintant le discours de la comédienne à la recherche du plus beau bleu dans la mer. L’image est belle et met en évidence la force d’un spectacle qui mêle le verbe à la couleur. Sur le plateau, une peintre crée sur un chevalet côté jardin ou sur une toile blanche côté cour. Les supports sont filmés par une caméra mobile, projetant sur un immense écran, au fond de la scène, les fresques simultanées de l’artiste. Les nuances se superposent et s’effacent sur ce grand tableau en constante évolution, qui matérialise les paroles de Madeleine au rythme de ses mots. Celle-ci désire saisir l’essence des couleurs primaires autour de trois questions qui cadencent la pièce, « Quel est le plus beau bleu ? », « Quel est le nom du rouge préféré de mon petit frère ? » et « Comment fait-on le jaune ? ».

Anne-Marie Marques aurait pu se contenter de cette alliance entre deux arts qui trouvent une complémentarité poétique sur le tissu cinématographique. L’ambition principale est cependant parasitée par des éléments trop externes au brassage visuel et scriptural. La musique, entre une composition de Mozart et le son entrecoupé de fritures d’une radio, ne s’unit pas harmonieusement au texte récité ni aux esquisses réalisées, essentiellement focalisés sur la recomposition des couleurs élémentaires. Le son paraît dès lors plus combler les vides des transitions que seconder et enrichir pertinemment le sens de la pièce. Quant à la danse sur laquelle s’achève le jeu, elle est également étrangère au propos principal. Les deux comédiennes, qui ont su résoudre les interrogations de Madeleine, explosent de joie et font frétiller leur corps dans une sorte de transe instinctive, qui s’oppose à leur démarche réfléchie de conceptualisation du bleu, du rouge et du jaune.

Mise en scène de la couleur, « Le Bleu de Madeleine et les autres » aurait gagné à ne pas se disperser dans des formes trop distinctes entre elles. Les créations d’Anne-Marie Marques évoquent toutes la force d’un théâtre pluridisciplinaire. Mais la dernière venue aurait dû se limiter à l’union entre écriture, peinture et projection pour renforcer sa portée, au lieu d’intégrer de la musique et de la danse. Par là, la pièce exprime malheureusement les pièges d’un mariage artistique infondé.

 

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