«On ne peut pas tout avoir»

Bettina Klaus Au restaurant Le P’tit Lausannois... au centre de Lausanne. © Nicole Chuard
Bettina Klaus
Au restaurant Le P’tit Lausannois… au centre de Lausanne.
© Nicole Chuard

Bettina Klaus étudie d’un point de vue économique l’assignation des biens divisibles et indivisibles entre les individus. Moment de partage autour d’une table.

Grande, patiente, Bettina Klaus attend sagement son interlocutrice. Mathématicienne, professeure à la Faculté des HEC, Bettina Klaus est une spécialiste de la théorie des jeux appliquée à l’économie. A ses étudiants en 3e année de bachelor, elle explique avec beaucoup d’exemples les principes fondamentaux du partage ou de l’allocation des ressources limitées. Il peut s’agir d’un gâteau (bien divisible) ou d’un billet de concert (bien indivisible ou impartageable).

«Nous voulons tout et c’est une équation impossible. Par exemple, payer peu d’impôts et en même temps bénéficier d’un service public partout accessible et de grande qualité», résume-t-elle. Trois principes régulent les choix économiques, mais aussi politiques: l’efficacité, la justice et la motivation ou la «non-manipulabilité». Or, ces trois principes entrent en contradiction. Il s’agit donc de déterminer lesquels sont compatibles avec la situation étudiée.

Que faire avec un seul billet de concert pour deux personnes ? «Je peux leur demander leur motivation et donner ce billet au plus grand fan du musicien concerné mais alors je ne tiens pas compte des désirs exprimés par ces deux personnes. Je peux jeter le billet à la poubelle, histoire de ne favoriser personne, mais alors je contreviens au principe d’efficacité», explique Bettina Klaus. Cela vaut pour la répartition des élèves dans les différentes écoles, l’admission des étudiants à l’université, la distribution des doses d’un vaccin, l’attribution des voix à tel parti, le partage d’un volume de travail entre plusieurs personnes qui souhaitent toutes travailler beaucoup, par exemple. Ou pas suffisamment pour permettre la réalisation de la tâche assignée en termes d’heures de travail.

Comment appliquer le principe de justice dans le domaine économique, se demande-t-elle. Question difficile quand on sait que les humains n’agissent pas forcément d’une manière rationnelle. La science économique ne peut plus se passer de la psychologie. Ni des mathématiques.

La théorie des jeux étant très répandue parmi les économistes et d’autres scientifiques, Bettina Klaus a très tôt noué des liens avec des collègues aux quatre coins du monde. Lorsque l’UNIL l’engage, elle est appelée à Boston par Alvin Roth qui enseigne alors à la Harvard Business School. Le futur Prix Nobel d’Economie connaît les recherches menées par la jeune femme aux Pays-Bas (Maastricht) ou encore en Espagne (Barcelone). L’UNIL attendra donc une année. Professeure ordinaire depuis 2009, Bettina Klaus n’a jamais regretté son choix lausannois.

En HEC, elle apprécie la collaboration entre les membres du Département d’économétrie et d’économie politique. Elle aime son travail et la vie en Suisse, voyage et retrouve régulièrement ses parents en Allemagne, son pays d’origine. En ce moment, elle dirige deux thèses de doctorat et profite de ses connexions pour permettre à ses doctorants de passer un semestre à Stanford ou ailleurs. Bettina Klaus soigne ses étudiants, quitte à bousculer un peu les plus jeunes en leur proposant dès la 3e année de bachelor de donner son cours en anglais. Ils sont plutôt contents dans la mesure où ils devront effectuer leur master dans cette langue. Mais cette polyglotte répond volontiers aux questions en français… et en allemand.

Un goût de l’enfance
Les biscuits et gâteaux confectionnés par une spécialiste du genre, ma mère.

Une ville de goût
Barcelone pour le jambon d’Espagne et les merveilleux tapas. J’aime aussi la cuisine impressionnante et légère du Japon.

Avec qui partager un repas
Je rencontre tant de personnes intéressantes mais elles sont éparpillées dans le monde. Je voudrais les avoir à ma table plus souvent.

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