De la cocaïne dans tous les portefeuilles

Pierre Esseiva. Professeur associé à l’Ecole des sciences criminelles. Nicole Chuard © UNIL

Une méthodologie développée à l’Ecole des sciences criminelles a cherché à établir des liens entre les billets saisis sur des suspects et le trafic de stupéfiants. Les nouvelles coupures de 50 francs vont permettre de voir à quelle vitesse les drogues se répandent.

L’argent n’a pas d’odeur, mais il porte toutes sortes de traces chimiques – et d’innombrables bactéries. Dans le cadre d’une étude réalisée à l’Ecole des sciences criminelles de l’UNIL, Pierre Esseiva, qui y est professeur associé, a pu mettre en évidence que «nos billets de banque véhiculent tous des traces, le plus souvent infimes, de cocaïne».

Le but de sa recherche n’était pas de faire condamner tous les citoyens pour possession de substances illégales, «mais de mettre au point un système qui permette d’établir scientifiquement un lien entre une liasse de billets et le trafic de stupéfiants», explique-t-il. Pour la police, il est en effet souvent difficile d’apporter la preuve que l’argent saisi sur des suspects provient bien du deal et les condamnations par la justice sont de ce fait plus compliquées, surtout si la matière première s’est volatilisée.

En utilisant l’analyse de spectrométrie à mobilité ionique (SMI), le criminaliste se proposait de comparer les résidus se trouvant sur des billets dont il était certain qu’ils provenaient de la vente de ce stupéfiant et les coupures de Monsieur et Madame tout–le-monde. «Qu’est-ce qu’on trouve dans chacun de ces groupes, dans quelles proportions, et est-ce que les différences sont significatives? Telles étaient nos interrogations», énumère le professeur. Résultat: les billets des trafiquants portent bien des traces de cocaïne, comme on pouvait l’espérer, mais les autres… aussi!

Lutte contre la criminalité
«Nous avons été un peu surpris que ce soit aussi systématique, même si nous savions que ce stupéfiant est particulièrement «contaminogène»: il passe très facilement d’un support à l’autre et se dépose partout. C’est d’ailleurs pour cela que nous l’avons choisi.» L’élaboration de la méthodologie n’a néanmoins pas été vaine et les résultats de l’étude peuvent être exploités, puisque la différence de concentration entre les deux populations de billets est significative. Mais, sans le savoir, la BNS a fait avancer la lutte contre la criminalité avec l’émission de ses nouvelles coupures: «Nous étudions actuellement les nouveaux billets de 50 francs, explique Pierre Esseiva. Comme ils sont depuis peu en circulation, cela nous permettra d’évaluer à quelle vitesse se produit la contamination par la cocaïne.»

Article principal: Et si demain l’argent n’existait plus?

Laisser un commentaire