





Les photographes Luis Barbosa et Peter M. Schulthess ont réalisé des reportages dans quatorze prisons au Portugal. En nous plongeant dans ce monde méconnu, leurs travaux «nous incitent à nous poser des questions, note Daniel Fink, membre associé de l’École des sciences criminelles. Par exemple, dans quelles conditions vivent les personnes en détention? Est-ce que nous pouvons nous imaginer à leur place? Ces images nous dérangent-elles? Ces lieux favorisent-ils la réhabilitation?»
Depuis une décennie, Daniel Fink mène un grand projet au sujet des prisons en Europe. Avec le soutien des Autorités, il organise des reportages photographiques dans des lieux de détention. Les images sont ensuite présentées au public à l’occasion d’expositions. Ainsi, le «Swiss prison photo project», basé sur un travail de Peter M. Schulthess, a été montré à Berne en 2020.
Après avoir été exposé quatre fois au Portugal entre 2017 et 2024, le «Portuguese prison photo project» est présenté dans trois ouvrages qui expliquent la démarche, avec les images prises par Luis Barbosa et Peter M. Schulthess. Le premier, qui a choisi le noir-blanc, a travaillé de manière spontanée. Le second a privilégié une approche documentaire, en couleurs, après avoir préparé ses visites. Ils nous proposent ainsi deux regards complémentaires sur des lieux dont nous n’avons qu’une vague idée. Certains détails sont frappants, comme la promiscuité qui règne dans certaines cellules ou ce berceau installé dans une prison pour femmes du nord de Porto (voir ci-contre). En parallèle des expositions, Daniel Fink, qui a été vice-président du Sous-Comité de l’ONU pour la prévention de la torture, a mis sur pied des journées scientifiques de réflexion consacrées à des thèmes liés à la détention en coopération avec l’École de criminologie de l’Université de Porto, dirigée par le professeur Pedro Sousa. La dernière, organisée à Porto en octobre 2024, a porté sur «Systèmes pénitentiaires et architectures carcérales en Europe».




La double approche, photographique et académique, met en lumière les différentes manières dont les pays gèrent la privation de liberté. En Suisse, moins de 7000 personnes se trouvent actuellement en prison, et «la grande majorité en sort après six mois», note Daniel Fink. Au Portugal, dont la population est de 10,5 millions d’habitants, près de 12400 personnes se trouvent derrière les barreaux. Les peines infligées sont plus longues que chez nous.
Le projet pourrait connaître une suite en Finlande, «qui mène une démarche volontaire de décroissance du nombre de personnes en détention», note le chercheur. Sur le plan scientifique, à l’Université de Genève, l’équipe de la professeure Julie de Dardel étudie l’option prise par ce pays, en collaboration avec des chercheurs de l’Université d’Helsinki et avec Daniel Fink. Est-elle applicable ailleurs? L’analyse de la situation en Suisse romande, notamment en ce qui concerne la surpopulation carcérale, fait aussi partie de la recherche. Un volet photographique ainsi qu’une exposition font partie des possibles prolongements du projet. DS
The portuguese prison photo project. 3 volumes bilingues anglais-portugais, avec plus de 300 photos. U. Porto Press (2024), 336 p.
Informations sur gefo.ch, le site de rechercheprison.suisse
Le «Projet décroissance carcérale» unige.ch/prisondegrowth