Charismomètre

Pour être l’élu des foules, il faut savoir convaincre. Mais rien ne sert de faire la grosse voix pour avoir l’air compétent. Mieux vaut délivrer des messages clairs et partagés du plus grand nombre que de bomber fièrement le torse.

«Donner sa préférence à un candidat lors d’une élection, c’est jauger ses compétences et ses qualités. Une tâche qui peut s’avérer complexe, surtout face à un inconnu. L’heure des discours est donc cruciale, puisqu’il s’agit, pour l’individu qui tente de recevoir l’approbation du peuple, de convaincre. Et afin d’éviter un vote subjectif, basé sur l’image, le look ou la sympathie, mieux vaut produire un propos bien ficelé et qui fait écho aux attentes.

Pour évaluer la qualité d’une prise de parole, John Antonakis a mis au point un outil capable de mesurer le charisme dont un orateur fait preuve. Plus précisément, le «charismomètre» recense le nombre d’occurrences de trois éléments qui forment les tactiques de leadership charismatique.

Le cadrage
«Nous nous intéressons premièrement à la manière dont une personne cadre son discours, explique le professeur en comportement organisationnel à la Faculté des Hautes Etudes Commerciales. C’est une action qui vise à montrer ce qu’il faut regarder, un peu comme un peintre qui délimite son dessin.» Plusieurs façons d’y parvenir : faire de la narration, du storytelling, pour faire apparaître facilement une image, illustrer symboliquement son propos par des métaphores. Il existe encore d’autres méthodes, comme l’utilisation de questions rhétoriques ou de contrastes pour définir ses valeurs en opposition avec celles des autres. «Je suis là pour vous parler de ceci, et pas de cela. Je ne suis pas comme lui, mais plutôt comme cette personne. En anglais, cela s’appelle le framing.»

La substance
Il s’agit ensuite de passer un contrat moral entre l’orateur et ceux qui l’écoutent, qui s’établit notamment par la transmission de valeurs. «L’individu doit dire ce en quoi il croit et pourquoi il y croit. Mais il y a aussi la question des buts que le leader se fixe, qui doivent être à la fois ambitieux et réalisables.» Attention donc à transmettre des valeurs et des objectifs qui ne polarisent pas trop pour s’assurer une résonance auprès du public. Parmi les grands visionnaires que l’Histoire recense, et donc de bons meneurs selon l’acceptation du charismomètre, le chercheur souffle par exemple le nom de Nelson Mandela.

Le non verbal
Dernière des trois composantes, le langage non verbal a toutefois moins d’importance que le cadrage et la substance dans l’évaluation du charisme. «C’est par exemple la gestuelle, le langage du corps, les émotions et l’utilisation de la voix. Il faut quand même souligner que la corrélation est forte entre ce troisième élément et les deux premiers. Si le discours véhicule des valeurs fortes, et que le message est bien cadré, le langage du corps se manifestera de façon naturelle, ce qui renforcera un propos.»

Le calcul
Pour arriver à un résultat chiffré, les discours sont retranscrits manuellement. Les chercheurs décortiquent ensuite chaque phrase, et s’intéressent à la présence ou l’absence de tactiques du leadership charismatique. En regardant de plus près les discours de Hillary Clinton et de Donald Trump en campagne pour l’investiture 1), le charismomètre établit qu’aucune des deux personnalités ne se distingue franchement. Dans 52% de ses phrases, la démocrate a usé de tactiques contre 54% chez son homologue républicain. Dans le même contexte en 2012, Barack Obama obtenait un score de 84% contre 49% pour son rival Mitt Romney.

1) https://youtu.be/RGPqienLMo0
2) https://youtu.be/gcKihWrhe1I

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