Eloi Contesse, «Détruire un temple. Le cas de Peney (commune de Vuiteboeuf, VD)»

Les motivations menant aux démolitions d’églises ou de chapelles villageoises paraissent souvent étranges au premier abord. En effet, qu’est-ce qui peut conduire une commune rurale à détruire son lieu de culte, alors que celui-ci en constitue très souvent le cœur social, si ce n’est géographique? Au même titre que les cathédrales ou les collégiales contribuent de manière importante à l’identité des chefs-lieux de nos cantons, on peut intuitivement – et peut-être un peu naïvement – conclure que les églises anciennes participent de manière centrale à la construction et au maintien des identités villageoises. Dès lors, pour quelles raisons voudrait-on renoncer à les conserver?
Le cas de Peney constitue une occasion de mieux comprendre les raisons menant à la démolition d’une église. A cette fin, les événements qui ont conduit à la destruction du temple de Peney ont été reconstitués au travers des sources disponibles.

Laura Bottiglieri, «Quand la forme est au service de la fonction. L’Ecole supérieure de commerce de Lausanne (1913-1915)»

Le bâtiment de l’Ecole supérieure de commerce – actuel Gymnase de Beaulieu -, fête cette année ses 100 ans d’existence. Pourtant, le chemin qui aboutit, en 1913, à la pose de sa première pierre a été long et parsemé d’embûches.
De manière générale, l’ancienne Ecole de commerce a conservé une part importante de sa substance d’origine malgré les remaniements essentiellement engendrés par l’accroissement constant des effectifs et le manque récurrent de locaux qui en a découlé. La diversité du vocabulaire architectural s’y nourrit de traditions locales et de multiples influences.

Nathalie Blancardi, avec Margot Daeppen, «Archives de verre. La première photothèque d’art et d’archéologie de la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne (1900-1950)»

L’avénement des projections dans les cours d’histoire de l’art correspond à un moment où la méthodologie des chercheurs est renouvelée. Avec les vues photographiques, le regard sur les œuvres, et non plus seulement le discours sur les œuvres, est au cœur de la leçon. Les historiens de l’art de la fin du XIXe siècle ont eu conscience du changement amené par la photographie et l’ont théorisé.
La Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne possède un fonds ancien de 10324 plaques photographiques d’art et d’archéologie qu’elle utilisait pour ses enseignements. Il est classé, selon des séries géographiques et thématiques, dans quelque 80 boîtes vertes en carton et une armoire à tiroirs. Un inventaire récent complété par des documents des archives de l’Université permet de retracer l’histoire de cette collection de clichés sur verre, et de les situer

Anne-Gaëlle Neipp, «La circulation des motifs dans l’oeuvre de Gustave de Beaumont. Entre modèles médiévaux, restaurations et créations»

Gustave de Beaumont (1851-1922) est un artiste genevois polyvalent, pratiquant aussi bien la peinture de chevalet que la peinture monumentale, et s’adonnant aussi parfois à la restauration de fresques médiévales. Formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève dans la classe de Barthélemy Menn, puis dans l’atelier de Jean-Léon Jérôme à Paris, ses sujets de prédilection sont la peinture de paysage et les scènes de genre, ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours à un registre historique et allégorique dans sa peinture monumentale.
L’étude de l’œuvre de cet artiste dans le cadre d’un mémoire de master, à travers une approche confrontant ses restaurations (décors peints de la chapelle des Macchabées et de l’église Saint-Gervais, à Genève) et ses œuvres monumentales de création dans le canton de Genève (Villa à Pressy, église de Confignon, mairie des Eaux-Vives), a permis de mettre en évidence la réutilisation de certains motifs entre ces différents champs d’action.

«Recherches récentes sur la peinture et la sculpture médiévales en Pays de Vaud»

Par Mona Bechaalany, Vanessa Diener, Lorena Ehrbar, Azul Joliat, sous la direction de Brigitte Pradervand

L’ambition du séminaire d’histoire de l’art de l’UNIL de 2014-2015, composé d’étudiants de bachelor en Architecture et Patrimoine, fut d’étudier un certain nombre de décors proches de Lausanne; ceux-ci, parfois modestes, parfois mal conservés, devraient faire l’objet d’un inventaire exhaustif, faisant toujours défaut à ce jour. De nombreuses peintures murales, quelquefois très fragmentaires, mais aussi de nouveaux ensembles ont été découverts depuis les années 1970 et méritent que l’on s’y penche.
Très vite, plusieurs sites firent l’objet d’une attention soutenue et révélèrent quelques aspects inédits ou des relations avec d’autres décors qui n’avaient pas encore été mises en évidence. Plusieurs étudiants se prirent au jeu et leur enthousiasme généra quelques bons travaux dont quelques-uns sont présentés ici. Trois études sur la peinture (églises de Chardonne, de Corsier-sur-Vevey, de Saint-Prex et de Lutry) et une hypothèse pour une sculpture (fontaine du banneret, à Payerne) forment ainsi ce petit éclairage sur les travaux de nos étudiants dans le domaine patrimonial régional d’une richesse toujours insoupçonnée.

Paul Bissegger, «Wikipedia: une vitrine sous-utilisée par les historiens des monuments!»

La simple évocation d’une contribution à Wikipédia suscite souvent une étincelle d’étonnement dans les yeux de collègues, accompagnée d’une involontaire et presque imperceptible moue dépréciative vite cachée par un intérêt poli, mais distant. En effet, cette encyclopédie numérique n’a pas toujours bonne presse auprès des intellectuels, qui lui reprochent (avec raison, d’ailleurs!) la qualité parfois médiocre des textes. Ils déplorent en outre l’anonymat des notices et tendent à cultiver des préjugés relatifs à un soi-disant pillage des travaux scientifiques, un nivellement par le bas, une certaine vulgarité, en somme, à laquelle on ne saurait s’abaisser.
Aujourd’hui plus que jamais, la communication a une importance capitale, ne serait-ce que pour justifier au niveau politique les dépenses liées à la recherche et à la conservation du patrimoine. Les décideurs veulent donc une plus grande visibilité des chercheurs et des institutions qui les abritent. Conférences, publications spécialisées, bases de données et pages web dédiées restent bien entendu primordiales en tant qu’outils de promotion, mais la vulgarisation joue aussi son rôle.

Carole Schaub, « L’architecture hôtelière comme média promotionnel: Montreux à la Belle Epoque »

De 1830 à 1914, la région de Montreux voit naître et croître à un rythme effréné une industrie touristique qui se matérialise par la construction d’un nombre considérable de grands hôtels et d’hôtels-pensions plus modestes. Ils forment alors une station dotée de toutes sortes d’aménagements liés aux transports et aux loisirs propres à satisfaire les attentes des étrangers toujours plus nombreux à séjourner dans la région.

Alliant texte et image, les réclames illustrées sont un moyen très efficace de faire connaître un hôtel. Réservées aux propriétaires aisés – ceux-là mêmes qui investissent régulièrement dans l’amélioration de leurs hôtels pour s’adapter aux modes et aux attentes de leur clientèle –, ces annonces publicitaires permettent de voir comment l’édifice hôtelier devient l’emblème d’un tourisme en constante évolution.

Clément Grandjean, « Réseaux sociaux et métier d’architecte. Louis Villard (1856-1937), bâtisseur de l’avenue des Alpes à Montreux »

Des hôtels, des gares, des immeubles d’habitation ou de commerce, des bâtiments industriels, des maisons individuelles par dizaines, mais aussi des bains publics, des kiosques ou des embarcadères… En quarante ans de carrière, l’architecte Louis Villard contribue massivement au développement de la ville de Montreux. 130 constructions, 50 transformations ou agrandissements, et au moins une vingtaine de projets restés inaboutis : de quoi laisser une trace durable sur la Riviera vaudois.

Faiseur prolifique, il manie avec aisance les styles et les programmes architecturaux en fonction des exigences d’une clientèle multiforme. L’étude de sa carrière et de son implication sociale permet de dessiner le portrait d’une profession en pleine mutation. Plus entrepreneur qu’artiste, Louis Villard a compris qu’il doit soigner ses relations sociales pour garantir la pérennité de son gagne-pain. A ce titre, l’exemple de l’avenue des Alpes à Montreux est révélateur.

Bruno Corthésy & Mathias Glaus, « L’illusion de la cohérence urbaine. L’ensemble Terreaux-Mauborget à Lausanne »

A l’angle nord-ouest de la place Bel-Air se dresse un ensemble de bâtiments qui représente un élément marquant du paysage lausannois. Situé entre la rue des Terreaux et la rue Mauborget, il forme un pâté de maisons aux gabarits remarquables à l’échelle de la ville et il constitue un repère urbain aisément reconnaissable, particulièrement visible dans l’axe du Grand-Pont.

A l’autre angle, sur la rue des Terreaux, une tour accroche également le regard depuis la place Chauderon. Le lieu demeure aussi une référence dans la mémoire collective par la présence d’une salle de spectacle, nommée Kursaal à son origine et Ciné qua non aux derniers temps de son activité. L’ensemble vient de faire l’objet, en 2013 et 2014, d’une vaste opération de rénovation et de transformation, qui comprenait notamment la création de logements dans les combles.

Si, au premier coup d’œil, ce pan de ville peut donner l’impression de former un ensemble cohérent, son observation détaillée et l’examen de son histoire l’assimilent plus à un assemblage contraint, parfois mal ajusté et révélateur d’aspects oubliés de l’urbanisme lausannois.

Aline Jeandrevin, « Au château de La Sarraz: détour par l’argenterie des XVIIIe et XIXe siècles »

Le château de La Sarraz abrite entre ses murs une vaste collection de pièces d’argenterie. L’inventaire et l’identification des poinçons d’orfèvres sont essentiels à la constitution de corpus cohérents et permettent de constater que tous ces objets suivent une logique et s’inscrivent dans une histoire plus générale.

Le croisement de ces informations avec celles trouvées dans les archives, dans les « livres de raison » en l’occurrence, mettent en évidence des caractéristiques communes: premièrement, l’éclairage et les objets de table sont les catégories qui dominent largement; deuxièmement la quantité d’argenterie tant citée que conservée est conséquente; enfin, on retrouve à chaque fois les mêmes centres d’orfèvrerie et bien souvent les mêmes orfèvres.

Au cours du XIXe siècle, le maniement des objets et la façon de manger gagnent une importance à part entière. Le long essor de la codification gastronomique assurera le maintien d’une distinction entre les différentes classes sociale.

Hélène Rappaz, « Un acteur méconnu du paysage lausannois. André-F. Desarzens (1914-1996) »

Les études récentes menées sur le patrimoine vert lausannois ont révélé que les trois décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale ont été particulièrement prolifiques en matière d’architecture paysagère, qu’il s’agisse de réaménagements d’anciens parcs ou de créations nouvelles. Or, si Lausanne est connue et reconnue comme « ville verte » dès les années 1950, c’est bien à André F. Desarzens qu’on le doit.

Evoquée dans l’ouvrage récemment publié, Lausanne – parcs et jardins publics, la contribution majeure dans ce domaine d’André F. Desarzens, d’abord chef jardinier, puis responsable du Service des parcs et promenades de la ville de Lausanne, mérite qu’on l’étudie de plus près.

Alessandra Panigada, « Du blé au vin. Brève histoire du site des Moulins de Rivaz à Lausanne »

De nombreux Vaudois se souviennent encore des imposants bâtiments de la Minoterie Coop à Rivaz, qui, jusqu’en 2005, s’élevaient aux portes du Dézaley, aux pieds de la cascade du Forestay. Aujourd’hui, le site est occupé par un édifice plus discret, le Vinorama, lieu voué à la présentation et à la promotion des vins de Lavaux inauguré en 2010.

Dès le XVe siècle, les rives du Léman près de la cascade du Forestay ont été caractérisées par la présence d’un moulin à farine, marquant l’entrée au cœur du vignoble et demeurant presque inchangé jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il faut en effet attendre le seuil du XXe siècle et le passage d’une activité préindustrielle à une exploitation moderne pour voir le site se transformer radicalement : en 1917, une société nouvellement créée, la Minoterie Coopérative du Léman, prend la place des anciens moulins, en perpétuant leur activité pendant des décennies encore.

La démolition des bâtiments en 2005 met un terme à plusieurs siècles d’industrie meunière. Le site est reconverti en lieu de découverte du vin, produit phare de la région, révélant la volonté des autorités locales de promouvoir une autre image de Lavaux, qui cette même années présente sa candidature au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Denis Decrausaz, « Kuder & Müller, architecte à Strasbourg et Zurich au tournant du XXe siècle »

De 1892 à 1905, le bureau d’architecture Kuder & Müller, installé à Strasbourg et Zurich, participe au moins à une trentaine de concours et construit presque autant de bâtiments dans l’Empire allemand et en Suisse. Diffusée et commentée à l’époque par les médias, leur production est actuellement méconnue, car elle n’a jamais fait l’objet d’une étude monographique.

Pour répondre aux exigences d’une société en pleine mutation, Kuder & Müller emploient la copie, le collage, ou l’allusion à des formes historiques, savantes, ou pittoresques, toutes connotées. Qu’elle soit académique ou traditionnelle, leur production est aussi bien tributaire de la pratique architecturale du XIXe siècle qu’emblématique de l’horizon culturel de leur époque.

 

Paul Bissegger, « En marge des portraits de Gabriel Delagrange (1715-1794) et de son épouse, oeuvres du peintre genevois Jean-François Guillibaud: une famille de réfugiés huguenots »

Deux portraits de Gabriel Delagrange et de son épouse sont revenus en Suisse après un long détour par l’étranger. Leur présentation et l’évocation de cette famille de réfugiés huguenots, qui a donné au Pays de Vaud deux de ses meilleurs architectes, mettent en perspective une précieuse donation faite au Musée historique de Lausanne

Laura Bottiglieri, « La maison de Kalbermatten dite « la Préfecture », à Sion »

Protégée par un portail grillagé et précédée d’une cour pavée, la maison dite «la Préfecture», en référence à un pan de son histoire, intrigue autant qu’elle impressionne. Autrefois clairement intégré au tissu urbain de la rue de la Porte-Neuve, par laquelle on y pénétrait, le bâtiment n’a eu de cesse de s’affirmer, depuis le début du XVIIIe siècle déjà, comme une maison de maître. La demeure de la famille de Kalbermatten est majestueuse, fière, imposante et dissimule tout de son splendide jardin, véritable havre de paix au cœur de la ville, lequel contribue à en faire un édifice atypique à Sion. Rien de tel pour piquer la curiosité de l’historien de l’art

Martine Jaquet, « En haut ou en bas: stades lausannois et ambitions olympiques »

La relation qu’entretient Lausanne avec ses équipements sportifs n’est pas un long fleuve tranquille. En effet, périodiquement ressurgit la question complexe : faut-il construire en haut ? ou plutôt en bas ? Cette question a trouvé une nouvelle actualité dans le contexte du projet Métamorphose.
Il n’est pas question ici de s’interroger sur la pertinence des choix contemporains. Par contre, il est intéressant pour l’historien de se pencher sur un débat long de plus d’un siècle, scandé par quelques moments forts, en particulier les candidatures déposées par Lausanne pour l’organisation les Jeux Olympiques.

Gaëtan Cassina, « Le blason inédit d’Antoine Cosson (vers 1454). Coup de projecteur sur la chapelle Saint-Sébastien de l’église d’Agiez »

Des travaux effectués en 1972-1973 dans la chapelle Saint-Sébastien attenante à l’église d’Agiez (district du Jura-Nord vaudois) ont mis au jour, dans des circonstances demeurées mystérieuses, une console armoriée en pierre jaune.
Discrètement, mais soigneusement conservée, elle n’a pas fait depuis l’objet d’études visant, d’une part, à déterminer sa provenance exacte et, d’autre part, à identifier les armoiries figurées dans un écu de petite dimension.
Il est fort tentant et plausible d’attribuer ce blason à Antoine Cosson, notaire et alors mayor d’Agiez.

Denis Decrausaz, « Les portraits des Gingins par Pierre Guillibaud, ou Les désirs de paraître d’une famille patricienne »

Le château de La Sarraz conserve une riche collection d’objets mobiliers qui servaient de décor à la vie quotidienne des Gingins – l’un des rares lignages vaudois ayant appartenu au patriciat bernois.
Après les premières recherches menées sur place par une équipe de la section d’Architecture et Patrimoine (UNIL), un ensemble de portraits remarquable, tant quantitativement que qualitativement, a pu être mis en évidence. La présente contribution propose d’examiner une série d’œuvres inédites exécutées par le peintre Guillibaud (1655-1707), en s’intéressant particulièrement à leurs fonctions sociales et symboliques.

Claire Huguenin, « Portraits en façade. La reconstruction du portail Montfalcon à la cathédrale de Lausanne (1892-1900) »

Commencé en 1515, le portail Montfalcon constitue un des éléments majeurs de la campagne de travaux engagée par l’évêque Aymon de Montfalcon, une opération qui a conféré au secteur occidental de la cathédrale sa physionomie actuelle. Cet écran monumental en grès de Montbenon est venu clore le porche largement ouvert du XIIIe siècle, jusqu’alors séparé de la nef par le passage couvert de la «grande travée». Il restera cependant inachevé.
En janvier 1889, le comité de restauration de la cathédrale engage David Lugeon et son fils, Raphaël, pour mener à bien le renouvellement du portail, une opération dont la durée est alors estimée à cinq ou six ans, mais qui au final, va occuper le second pendant vingt ans. Le nouveau portail de Lugeon intégrera les portraits des principaux restaurateurs de la cathédrale.

Laurent Chenu, « Rupture et permanence. La transformation du temple de Saint-Luc »

Si les cathédrales et les édifices majeurs de l’architecture civile et religieuse sont désormais tombés dans les considérations touristiques et commerciales de la société de l’image, le patrimoine de quartier, plus modeste, est confronté depuis plusieurs années à la nécessité de transformer ses usages pour en assurer la pérennité.
Le temple de Saint-Luc, à Lausanne, participe pleinement de cette histoire à transformations multiples dont le patrimoine nous livre les plus emblématiques exemples.