Catherine Leutenegger

Centre d’imagerie Dubochet (2022-2023)

A l’invitation de l’Université de Lausanne, Catherine Leutenegger a photographié le Centre d’imagerie Dubochet (DCI UNIL-EPFL), situé sur le campus de l’UNIL. Effets chromatiques et jeux d’échelle soulignent le pouvoir des nouveaux instruments technologiques (des microscopes électroniques parmi les plus puissants au monde) dans la compréhension de la vie.

Catherine Leutenegger (CH, *1983) est une artiste plasticienne, photographe et enseignante basée en Suisse. Elle a obtenu un Master en Photographie de l’ECAL (Lausanne) et a reçu plusieurs prix : le Prix Photographie Vaud 2018, le Manor Cultural Prize et deux Swiss Design Awards. La pratique de Catherine Leutenegger joue sur la transversalité, le rapport d’échelle, la spatialité et l’ambiguïté des formes. Elle soulève de nouvelles réflexions sur l’omniprésence numérique, la matérialisation du virtuel qui inaugure une reformulation de notre expérience de la réalité parallèlement à une tendance générale s’orientant vers la dématérialisation.

Son travail a été exposé et publié dans le monde entier et est présent dans plusieurs collections, dont la Fondation MAST, le Musée Niépce, la Collection BCV et Photo Élysée.

Centre d’imagerie Dubochet : Pénétrer la machinerie moléculaire de la vie par l’image

Comment les images numériques issues des dernières technologies étendent-elles notre compréhension du monde et élargissent-elles notre imagination du futur ? Une image est une clé de compréhension. Les percées scientifiques s’appuient souvent sur des visualisations invisibles à l’œil humain. Entre utopie et dystopie, le caractère vertigineux de la science me fascine dans cette quête frénétique de repousser inlassablement les limites de nos connaissances ainsi que celles de nos perceptions pour trouver des solutions aux enjeux sociétaux contemporains et à venir.

Depuis déjà plusieurs années, je m’intéresse aux outils d’acquisitions visuelles qui dépassent le spectre optique de mes appareils photos conventionnels et celui de la vision humaine. Dans le cadre de mes récents projets, j’ai eu la chance de réaliser des images issues notamment d’un microscope électronique et d’un scanner à rayons-x; ceci grâce à l’appui et à l’expertise de spécialistes du milieu scientifique. Sur l’invitation de Nathalie Dietschy – commissaire de l’exposition collective Techno-mondes – la possibilité s’est présentée de découvrir les nouvelles installations d’imagerie de pointe du Professeur Jacques Dubochet (Prix Nobel de Chimie) permettant de visualiser la vie à l’échelle moléculaire avec une précision de 1,4 Å (Ångström) : un degré de détail qui permet d’observer individuellement chaque atome et ses connexions avec les atomes voisins.

Inauguré en novembre 2021, le Centre d’imagerie Dubochet (Dubochet Center for Imaging/DCI, UNIL-EPFL) se situe en plein cœur du campus de l’UNIL-EPFL, à Lausanne. Il abrite les cryomicroscopes électroniques les plus avancés du monde. Grâce la technologie de cryomicroscopie électronique – abrégée cryo-EM – les échantillons à étudier sont instantanément vitrifiés, au lieu d’être congelés. Ainsi stabilisés, ils peuvent résister davantage au flux d’électrons qui les traverse et se laissent ainsi « photographier » dans leur état naturel. Les chercheurs peuvent désormais étudier des processus d’interactions qu’ils n’ont jamais pu observer auparavant.

J’ai eu l’immense privilège de pouvoir photographier l’intérieur et l’extérieur de ces impressionnantes machines, d’accéder aux salles annexes de préparation des échantillons, aux locaux techniques ainsi qu’au datacenter, pièce maîtresse du Centre. Au cours des sessions cryo-EM, les scientifiques enregistrent plusieurs téraoctets de données contenant des images de millions de particules de protéines individuelles. Ils utilisent ensuite de puissants ordinateurs pour reconstruire les structures 3D de la protéine à haute résolution.

La cryo-EM promet de révolutionner la recherche biomédicale ainsi que le développement de nouveaux traitements plus ciblés et plus efficaces en vue d’une médecine toujours plus personnalisée, notamment contre le cancer et les maladies neurodégénératives. La vitesse des échanges de données et l’essor de l’intelligence artificielle vont très probablement contribuer à l’accélération de ces grands bouleversements en marche…

Catherine Leutenegger