Portrait de Catherine Leutenegger

Par Furaha Mujynya

Par Furaha Mujynya, Master en histoire de l’art et anglais, UNIL

Dans sa nouvelle série, Centre d’imagerie Dubochet (2022), réalisée pour l’exposition Techno-Mondes à l’Université de Lausanne en 2023, Catherine Leutenegger invite le public à découvrir un univers à la frontière entre la science-fiction et la recherche scientifique, démontrant la présence d’une esthétique dans le monde quelle que soit l’échelle, tout en incitant les visiteurs à se questionner sur la nature, le danger, et le rôle de ce qu’ils sont en train d’observer.

Avant d’interroger le statut du photographe et de son intervention sur la création d’images, Catherine Leutenegger s’est d’abord intéressée à la transformation de la photographie, du passage de l’analogique au numérique avec des projets comme Kodak City (2012-2016). Dans sa série Hors-Champ (2006), elle met à nu l’environnement des photographes dans leur pratique. Elle permet ainsi au public de scruter les différents moyens utilisés par les photographes dans leur conception d’un univers, d’une mise en scène, exposant l’artificiel dans la prise de vue, alors que le médium est considéré communément comme un reflet de la réalité. Ses œuvres les plus récentes laissent place à un intérêt pour la science. S’éloignant du monde purement photographique, elle expose ainsi les technologies utilisées par les scientifiques dans leurs recherches dans le cadre de la publication Regards sur l’EPFL (2019) ou de l’exposition Unnatural Studies (2022), sur le monde et les organismes qui le composent.

Le travail de Catherine Leutenegger expose la quête d’une forme de perfection par l’humain, qu’elle soit esthétique ou technique, avec l’aide d’outils en constante évolution (fig. 2). Ainsi, ses photographies permettent de divulguer la surprenante beauté d’une machine ou d’une cellule, tout en invitant le spectateur et la spectatrice à se questionner sur les limites ou les dangers que la recherche scientifique et sa quête de savoir peuvent soulever. Ces études, qui dépassent la vie de celles et ceux qui les mènent, parviennent bien évidemment à résoudre de nombreux problèmes – notamment dans le domaine de la santé où maintes recherches ont permis de soigner des maladies considérées auparavant incurables. Cependant elles sont aussi à l’origine de découvertes néfastes qui ont eu des conséquences désastreuses sur le monde, comme la bombe atomique, le gaz Sarin, ou encore l’agent orange. On peut ainsi également craindre les conséquences que pourraient avoir de nouvelles découvertes scientifiques ou la création de technologies toujours plus performantes.

Les photographies de Catherine Leutenegger incitent à porter un regard critique sur le rôle de la recherche et de l’évolution technologique : Quand l’humain sera-t-il allé trop loin ? Qu’est-ce qui distingue véritablement une image réalisée avec un instrument scientifique d’une image réalisée avec un appareil photo numérique étant donné qu’ils génèrent tout deux des données ? Devrait-on chercher à tout comprendre et à tout expliquer ?

Fig. 1. Catherine Leutenegger, Titan Krios II, vue interne, série Centre d’imagerie Dubochet, 2022
Fig. 2. Catherine Leutenegger, Unnatural Studies / Hyphoraia testunidaria, 2021