Sous-session 1.A. Repenser les territoires au prisme de la gouvernance énergétique
Le contexte géo-énergétique actuel apparait comme un puissant incitatif à diminuer les usages énergétiques et à relocaliser les moyens de production au plus près des lieux de consommation. Cette situation de crise serait de nature à accélérer pour de nombreux pays la mise en œuvre de politiques de transition pour sortir des énergies fossiles. Tant à l’échelle communautaire et nationale qu’à celle des collectivités locales, ces stratégies et programmes d’action se déploient autour d’approches et de notions communes : énergie bas-carbone, efficacité énergétique, énergie renouvelable, planification énergétique territoriale, etc. Mais il est déjà manifeste que les acteurs des territoires peinent à repenser les conditions de découplage énergétique au regard des modes de production et de consommation actuels. Dans quelle mesure ces conditions peuvent-elles nous permettre de mettre à l’épreuve la notion de « gouvernance énergétique », des processus de prise de décision qui la sous-tendent aux instruments et outils de mise en œuvre ? Cette sous-session s’intéressera autant aux démarches de gouvernance qui se construisent autour de la transition énergétique qu’aux difficultés pratiques de réalisation.
Sous session 1.B. Gouverner par/pour/avec le vivant ? Planifications et stratégies
L’entrée du vivant en politique et en particulier dans le domaine des politiques publiques territoriales, a pu suivre des canaux variés, souvent mouvementés. Fortement appelée par certains théoriciens comme Bruno Latour (2017 ; 2021) ou Dominique Bourg, elle trouve une aspiration politique parmi les militants mais aussi les élus de certains territoires, en particulier en Europe. Cette montée en politique du vivant a pu se réaliser à travers les conflits et controverses environnementales, par exemple (Melé, Larrue, Rosemberg 2013) mais elle s’est renforcée plus récemment autour de fortes mobilisations contre les grands « projets inutiles » (Graber, 2022), à l’échelle globale à l’image des mobilisations environnementales de mouvements comme Extinction Rebellion, ou territorialisée, comme l’ont illustré les cas de Jardins à défendre.
La nature, l’environnement, le climat interfèrent et, mieux, prolifèrent en tant qu’actants et non-humains dans les différentes sphères décisionnelles et atmosphères thématiques des politiques publiques. Or, ces dernières peinent encore à les incorporer.
Le sujet est particulièrement remarquable dans les questions d’aménagement. En urbanisme et politiques territoriales, deux régimes semblent devoir coexister avec plus ou moins de succès. Le premier régime serait celui de la planification et de la stratégie, aux mutations très lentes, aux logiques inertiques, raisonnant encore largement sur le mode de « l’intégration » (du paysage, du vivant) dans les opérations d’urbanisme et la planification. Le vivant y est perçu comme une contrainte et une composante au même titre que d’autres. Le second régime serait celui de l’expérimentation (Dumont, 2018) mêlant formes de controverses, initiatives citoyennes, interstices institutionnels de test et renouvellement des pratiques.
Ce décalage et cette confrontation souvent synchrone des deux univers interrogent directement nos recherches et nos pratiques : pour quelles raisons les politiques publiques d’urbanisme peinent-elles – au moins dans certains pays, à se réformer ? Pour quelles raisons ne sont-elles (ou ne se mettent-elles) pas en capacité d’incorporer rapidement, les leçons des différentes crises (sanitaires, épisodes climatiques extrêmes, etc.) ? Quelles leçons apportent d’autres cultures de la planification ? Par ailleurs, que retirer comme enseignement des expérimentations « par le bas » ou « à bas bruit », de « l’environnementalisme ordinaire » (Blanc, Emelianoff, Rochard 2022) ? Celles-ci sont-elles limitées à leur propre performance, sans capacité de « passage à l’échelle », de généralisation, voire de réforme de l’action publique ?
Un second sujet s’impose alors : celui des processus de gouvernance dont la confrontation peut parfois produire des brouillages entre les deux sphères de l’expérimentation et de la planification. Quelles avancées peut-on repérer à travers les formes nouvelles de coopérations entre les territoires dans la gestion de ressources fragiles ? Pourtant mise en exergue à tout propos aujourd’hui, la notion de « participation citoyenne » serait-elle déjà dépassée au profit d’autres entrées autour du « faire », de « l’action » ? Plus largement, quelles transformations effectives la montée en puissance de sujets comme les changements climatiques, la gestion de l’eau, l’alimentation, sont-elles venues apporter au sein des formes conventionnelles d’organisation des politiques publiques et de planification ?
Plusieurs axes de travail pourront être éclairés par les contributions, articulés autour des questions suivantes :
- Gouvernement du vivant et flux de matières (Bahers, Barles…) : quelles politique publiques (coopération, réciprocité) ?
- Mobilisations environnementales, jardinières, etc. : devons-nous apprendre à jardiner la ville ? Faut-il poser une forme alternative de fabrique de la ville ?
- Quelles leçons comparées de la planification environnementale pour l’urbanisme ?
- Quelles leçons des politiques et stratégies d’économie circulaire pour l’urbanisme ?
- Quelle formes et leçons pour les politiques de résilience territoriale ?
Quelles premières leçons tirer des retours d’expérience de re-territorialisation de productions et de ressources ?
Sous-session 1.C. Intégrer la ZAN, de la qualité des sols et des mesures compensatoires dans la planification de la stratégie foncière
Cette sous-session sollicite des contributions documentant les débats, les mesures envisagées, les réarrangements en cours ou à venir dans les trois champs complémentaires suivants : le « zéro artificialisation nette », la qualité des sols, et le principe de la compensation. Il s’agira notamment de discuter, à l’aune de nos contextes nationaux :
- La notion d’artificialisation : que signifie-t-elle et à quelles terres (agricoles, forestières, naturelles et urbaines) est-elle associée ? comment entraîne-t-elle le débat sur la qualité et la santé des sols et quels effets celui-ci produit-il, en retour, sur la compréhension du ZAN ?
- La notion de compensation : de quelles compensations parle-t-on (renaturation, remise en état des sols, plus et moins-values d’aménagement, transfert de droits à bâtir) ? le principe de compensation permet-il de remettre en question des projets d’utilisation du sol ou devient-il un outil légitimant leur réalisation ?
- La mise en œuvre du ZAN : quels sont les critères utilisés pour la définir, quels sont les trajectoires estimées jusqu’en 2050 et les correctifs envisagés ? quelles sont les échelles d’application considérées (municipale, intercommunale, bassin de vie, régionale) ? où en est-on dans la mise en place des différents dispositifs devant mener au ZAN ? Comment les objectifs du ZAN sont-ils articulés à d’autres orientations politiques en cours (réindustrialisation, par exemple, en lien avec la crise actuelle de la mondialisation) ?
Les contributions seront organisées de manière à dégager les points de convergences, les spécificités et les questions en suspens, dans une perspective comparative.
Sous session 1.D. S’interroger sur le(s) projet(s) pour les petites villes de demain (réseau Petites Villes de Demain)
Quel(s) projet(s) pour les petites villes ? Alors que la recherche urbaine contemporaine s’attache surtout aux dynamiques des très grandes agglomérations, les petites villes constituent une préoccupation croissante des pouvoirs publics et un intérêt grandissant des chercheurs.se.s. Les quinze dernières années ont vu la production de nombreux travaux dédiés à ces territoires, en France, mais également en Allemagne, Pologne ou Suisse, à l’échelle du continent européen et dans d’autres parties du monde. Ces travaux montrent la diversité des situations : villes périurbaines versus villes « isolées » qui desservent un bassin de vie rural, villes industrielles en crise versus villes patrimoniales et touristiques, villes en décroissance versus villes attractives, etc. Ceci ne devrait-il pas conduire à imaginer des projets différenciés pour ces territoires ? Jusqu’à présent, la recherche a peu documenté l’ingénierie territoriale et notamment ce qui serait spécifique aux petites villes en matière de diagnostic, de stratégie de revitalisation ou de conduite de projets sur des marchés (foncier, immobilier, commerciaux etc.) plus étroits que dans les grandes agglomérations. Cette sous-session vise à pallier ce manque de connaissances en s’attachant à des projets d’urbanisme des petites villes et à différentes politiques publiques ou expérimentations qui les concernent. Les contributions pourront porter, par exemple, sur des projets portés dans le cadre du programme national français Petites Villes de Demain (PVD), ou dans d’autres contextes. Elles pourront aussi valoriser les recherches-actions conduites à la demande de collectivités territoriales. Les contributions attendues pourront porter sur des thèmes tels que : les effets sur les projets d’urbanisme des trajectoires de développement (interterritoriales) des petites villes ; les logiques de gouvernance et de pilotage territorialisées, entre cadres normatifs étatiques, régionaux et stratégies locales de développement ; les programmes et actions de redynamisation : champs d’intervention, combinaisons, enjeux d’intégration et de transversalité des thématiques d’action ; les figures du chef de projet : métier, compétences, conditions d’exercice ; les configurations et la structuration de l’ingénierie territoriale des petites villes.
Sous session 1.E. Planifier la transition agro-écologique des territoires
L’Agriculture durable du 21ème siècle est confronté à un triple défi : réduire son impact environnemental, s’adapter à l’évolution climatique, et dans le même temps répondre à une demande alimentaire mondiale croissante. Le potentiel de l’agroécologie en faveur de la résilience des systèmes agricoles et alimentaires, et plus largement des moyens de subsidence face au changement climatique, est reconnu internationalement (Leippert et al., 2020). Les enjeux de « transition agroécologique » (Lamine, 2012), et donc la gestion raisonnée et partagée des ressources agricoles et foncières, sont par ailleurs porteurs d’un renouvellement des méthodes d’urbanisme, qualifié entre autres de «urbanisme paysager » (Bonneau, 2016) ou « agroecological urbanism » (Tornaghi, Dehaene, 2021). De nombreux travaux insistent à ce titre sur l’importance des espaces ouverts (non bâtis), qui apparaissent comme autant de sites stratégiques dans un contexte d’urgences climatiques et environnementales. Cette posture implique une « inversion du regard » (Cogato Lanza, 2005) via notamment la réinvention des trames vertes et bleues mais aussi un intérêt accru pour les lisières, interfaces ou « lieux transactionnels » entre ville et campagne (Dugua, Chakroun, 2019), s’accompagnant de la sortie définitive des dualismes nature/culture ou ville/campagne. Ainsi, la présente sous-session thématique propose d’interroger les outils de planification et de projet à partir des espaces non bâtis et de leur capacité à tisser de nouvelles relations et figures. Les territoires métropolitains constituent à ce titre une échelle spatiale appropriée en réponse aux problématiques environnementales, à condition d’instaurer des mécanismes de coordination et de réciprocité entre les territoires (Vanier 2008 ; Barles, 2017) notamment entre urbanisme et agriculture (Brand, 2015). Les dispositifs collaboratifs et les formes du foncier restent néanmoins à inventer afin d’initier et organiser ces nouvelles relations interterritoriales (« contrats de réciprocités », « paniers de transactions », « commons », etc.). Les propositions de communications pourront caractériser les instruments d’action (existants ou à créer) favorables à ces mécanismes transactionnels, et renseigner les conditions d’articulation entre lieux d’expérimentations agroécologiques (niches d’innovations) et stratégies d’aménagement.