Les nouveaux·elles entrepreneurs·euses peuvent utiliser le modèle du « fonds de reprise » développé aux États-Unis, pour les aider à trouver et à acheter une entreprise en Europe. Mais ils et elles doivent être prêt·e·s à adapter la mise en oeuvre du modèle au marché européen.
Le modèle du fonds de reprise
Dans toute l’Europe, une génération de propriétaires de petites entreprises arrive à la retraite sans avoir trouvé de successeur·e. En théorie, cette situation, commune à de nombreuses grandes économies, offre aux entrepreneur·euse·s la possibilité d’acheter, de gérer et de développer une entreprise. Mais souvent, ces entrepreneur·euse·s en herbe sont jeunes, en début de carrière, et ne disposent pas des ressources nécessaires pour trouver et acquérir ces entreprises.
Pour rendre cette possibilité d’entreprendre plus accessible, le modèle d’entreprise du « fonds de reprise » est apparu aux États-Unis, accompagné d’un cahier des charges standard. Le·la repreneur·euse réunit un groupe d’investisseurs qui injectent chacun entre 20’000 et 30’000 euros pour financer la reprise d’une entreprise au cours des deux prochaines années. Lorsque le repreneur trouve une cible appropriée, les investisseurs financent l’acquisition, généralement avec une dette supplémentaire. Le repreneur devient PDG et obtient une partie du capital de l’entreprise. Certains investisseurs siègent au conseil d’administration de l’entreprise. Au bout de cinq à sept ans, l’entreprise est vendue ou introduite en bourse et les investisseurs obtiennent leur retour sur investissement. Chercher, acheter, gérer, se développer, puis se retirer. Tel est le cycle.
Cependant, les recherches menées par Antonio Dávila, Professeur à la Faculté des HEC (UNIL), et son collègue Hakan Ener, du College of Business de l’Université de l’Illinois aux Etats- Unis, s’appuient sur l’expérience de repreneurs et d’investisseurs européens. Elles montrent que si le cycle standard des fonds de reprise américains reste le même, la mise en œuvre du modèle doit être adaptée pour fonctionner en Europe.
La différence européenne
Tout d’abord, la communauté des investisseurs dans les fonds de reprise est beaucoup plus réduite en Europe qu’aux États-Unis, explique M. Dávila, qui étudie le phénomène des fonds de reprise depuis de nombreuses années. Les repreneurs doivent donc consacrer plus de temps à informer les investisseurs potentiels sur le modèle des fonds de reprise. Il est essentiel d’obtenir la bonne combinaison d’expérience de l’investisseur. « Aujourd’hui, certains investisseurs en Europe connaissent le modèle des fonds de reprise, il est donc important de les intégrer en même temps que les nouveaux investisseurs. Cela facilite le processus de formation », explique-t-il.
Aux États-Unis, note M. Dávila, les paramètres d’une acquisition par un fonds de reprise sont bien définis. L’objectif est de réduire les risques et les dépenses et de maximiser les gains en ciblant des entreprises ayant une clientèle diversifiée, des flux de trésorerie prévisibles et de faibles niveaux de dépenses en capital. Mais ce type d’entreprise est plus difficile à trouver en Europe.
Les repreneurs et les investisseurs doivent faire preuve de souplesse. « Il faut être prêt à envisager des entreprises dont la clientèle est plus concentrée, des entreprises qui ne se sont pas internationalisées très rapidement parce qu’elles viennent de petits pays », explique M. Dávila. « Il se peut que vous deviez accepter un risque plus important qu’aux États-Unis, car vous devrez peut-être passer à l’échelle d’un ensemble de pays. »
Il faut également tenir compte du fait que la sortie de l’investissement sera légèrement différente, la voie de l’introduction en bourse étant très peu probable en Europe.
La prime de confiance
Enfin, dans une grande partie de l’Europe, contrairement aux États-Unis, les informations financières sur les sociétés privées sont facilement accessibles au public. Par conséquent, les sociétés de capital-investissement, les courtiers en affaires et les autres fonds de reprise se livrent une concurrence plus vive pour attirer les entreprises présentant le meilleur potentiel de croissance.
M. Dávila souligne l’importance de la confiance. « Une grande partie de ces transactions est liée à la façon dont le vendeur perçoit le repreneur. Le vendeur a créé l’entreprise et y est attaché. Il veut s’assurer qu’elle finira entre de bonnes mains. Vous devez gagner leur confiance. C’est d’autant plus important en Europe en raison de la concurrence accrue. »
En fin de compte, selon M. Dávila, les repreneurs européens doivent se rappeler que le modèle des fonds de reprise fonctionnera en Europe, mais qu’il doit être adapté au marché européen. « Ne prenez pas le modèle américain, ne venez pas ici et n’essayez pas de l’appliquer », dit M. Dávila, « car vous allez échouer ».
- Article scientifique « What makes search fund entrepreneurship different in Europe?«
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