Montres connectées et vie privée : risques, dangers et protection des données

L’enjeu

Si les appareils, tels que les traqueurs d’activité portables ou les montres connectées contribuent à améliorer la qualité de vie, ils soulèvent également de graves problèmes de vie privée. Quand on porte un de ces appareils, on sème derrière soi une quantité astronomique de données personnelles que des entreprises comme Google peuvent stocker et utiliser plus tard à notre insu et dans leur propre intérêt.

Pourquoi c’est important

L’utilisation d’une montre connectée représente un vrai risque au niveau de la vie privée. Des informations personnelles permettant de prédire le profil psychologique d’un individu peuvent être exploitées à mauvais escient par les entreprises qui les collectent. Comme dans le cas, par exemple, du scandale de Cambridge Analytica, où ce cabinet britannique a exploité les données personnelles de millions d’utilisateurs·trices Facebook dans le but de favoriser l’élection de Donald Trump.

Que disent nos chercheurs à HEC Lausanne ?

Financée par le FNS, une étude empirique a été conduite pour la première fois sur ce sujet par des chercheurs à HEC Lausanne – le Doctorant Noé Zufferey, les Prof. K. Huguenin et M. Humbert, ainsi que leur co-auteur le Prof. Romain Tavenard de l’Université de Rennes 2. Elle a permis de montrer une corrélation significative entre les données des montres connectées et les traits de personnalité d’un individu.

Les auteurs ont tout d’abord fait passer un test de personnalité à plus de 200 personnes. Ils les ont ensuite équipées d’une montre connectée pendant quatre mois. En collectant des données telles que le nombre de pas, la fréquence cardiaque, les activités réalisées, ou le temps de sommeil, et en les comparant aux résultats des tests psychologiques réalisés précédemment, l’étude a pu établir comment ces données physiologiques issues d’appareils connectés pouvaient être utilisées pour prédire le profil psychologique d’une personne.

Doctorant au département des Systèmes d’information à la Faculté des HEC (UNIL), Noé Zufferey a établi avec ses co-auteurs que des traits de personnalité comme l’ouverture, l’extraversion et la stabilité émotionnelle pouvaient être prédits grâce à ces données extraites des montres connectées. « Nous avons constaté par exemple que le nombre de pas joue un rôle clé pour évaluer l’extraversion, tout comme la stabilité émotionnelle, où le temps de sommeil est également un indicateur. La fréquence cardiaque quant à elle permet d’évaluer le niveau d’ouverture d’esprit d’un individu.».

Il souligne : « Ces résultats démontrent que les utilisateurs·trices qui partagent leurs données sur des applications telles que Facebook, mettent ainsi et sans s’en rendre compte, des données sensibles sur leur personnalité aux mains des entreprises qui les gèrent. » 

Conclusion

A l’avenir, les chercheurs prévoient de travailler sur des solutions permettant de minimiser le risque de perdre ses données personnelles au profit d’un tiers. S’agissant par exemple d’informer les gens sur comment révoquer leur partage, ou d’aider le public à bien utiliser les outils connectés et à avoir un suivi de la transmission de leurs informations privées.

Articles scientifiques :

N. Zufferey, M. Humbert, et K. Huguenin, HEC Lausanne et Romain Tavenard, University of Rennes 2:  “Watch your Watch: Inferring Personality Traits from Wearable Activity Trackers” In Proceedings of the USENIX Symposium on Security (USENIX Security), 2023.

Zufferey Noé, Salehzadeh Niksirat Kavous, Humbert Mathias, Huguenin Kévin,  “Revoked just now!” Users’ Behaviors Toward Fitness-Data Sharing with Third-Party Applications Published 01.23

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